Jean-Paul II est très populaire...
Jean-Paul II a beaucoup manqué de sens de gouvernement. C'était un pape très médiatique mais il a caché un grand nombre de problème. Pour ne citer que cela, il a maintenu une véritable chape de plomb sur les dénonciations en rapport avec la
pédophilie et le clergé catholique. Jean-Paul II n'a jamais voulu régler ce problème. Il n'a jamais voulu entendre qui que ce soit sur cette question-là. Et donc il a fait en sorte que l’Église soit en
crise en 2010, une crise que le pape Benoit XVI a dû gérer ensuite. Cette crise a été phénoménale à l'échelle mondiale : l’Église a dû reconnaître qu'elle n'avait pas assumé son rôle de punir les prêtres à l'origine de ces délits de pédophilie. Il s'agit quand même de milliers de prêtres. Pour cette question notamment, je pense que Jean-Paul II a été un contre-témoignage de ce que peut prôner l'Eglise comme belles valeurs. Alors pourquoi le pape François a-t-il décidé de canoniser ces deux papes ? Parce que c'est un calcul politique pour faire l'unité de l’Église, et paraître comme un grand fédérateur. Car il faut être un grand fédérateur pour réussir à canoniser le même jour deux personnalités aussi différentes que celles de
Jean XXIII et Jean-Paul II (voir encadré). Et je pense même que jumeler la canonisation de Jean-Paul II avec celle de Jean XXIII est une insulte à la mémoire de ce dernier. De manière plus générale, le
pape François fait preuve d'un sens inné de la communication. C'est sa plus grande force. Je ne veux pas soupçonner de façon systématique sa sincérité mais je suis forcé de reconnaitre qu'il lance des clins d’œil très efficaces sur sa gauche et sur sa droite. Sur sa gauche, il exalte Jean XXIII, qui est l'initiateur du concile
Vatican II, un concile de progrès et de réforme, une ouverture de l'Eglise sur le monde. Il lance également des clins d'oeil vers Monseigneur
Oscar Romero, qui a été l'un des martyrs de l'Eglise d'Amérique Latine, et que Jean-Paul II a toujours refusé de reconnaitre. Mais il fait aussi des clins d’œil sur sa droite avec la canonisation de Jean-Paul II, ou en signant avec son prédécesseur Benoit XVI une
encyclique rédigée presque intégralement par ce dernier alors qu'on sait qu'ils ont des positions dogmatiques très différentes. L'un (Benoit XVI) étant plus conservateur que l'autre (François). Une canonisation coûte et rapporte-t-elle de l'argent ? Cela coûte beaucoup d'argent, et ce sont les riches Congrégations générales qui arrivent le plus souvent à faire canoniser leur fondateurs. C'est ce qui s'est passé notamment avec l'Opus Dei. Le coût d'une canonisation peut monter jusqu'à trois millions de dollars. Cela varie selon le processus de canonisation, qui a été raccourci sous Jean-Paul II de 80 à 10 ou 20 ans. Il peut ensuite effectivement avoir retour sur investissement, à partir du moment où la Congrégation, avec la légitimité d'un saint canonisé, construit des universités, des centres d'aides, des médias, qui lui rapportent de l'argent après.