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Anaïs Furtade
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Carlos Ghosn : "Je n'ai pas fui la justice mais l'injustice"

Carlos Ghosn s'exprime pour la première fois publiquement après sa fuite rocambolesque du Japon le 29 décembre. L’ex-patron de Renault-Nissan a tenu une conférence de presse ce mercredi 8 janvier à Beyrouth à 13h GMT (14h libanaise).

Après Carole, Carlos. L'opération de communication continue pour le couple Ghosn après l'interview mardi 7 janvier de la femme de l'ex-patron de Renault-Nissan au quotidien français Le Parisien, dans laquelle elle déclare que "(son) mari va faire éclater la vérité".    

Désormais c'est au tour de l'ancien dirigeant de l'Alliance Renault-Nissan, visé par une enquête pour malversations financières, de s'exprimer depuis le Press Club de Beyrouth où il a fui dans la nuit du 29 au 30 décembre.  

► A lire : Ce que l'on sait de l'affaire Ghosn

S'exprimant près de deux semaines après son arrivée au Liban devant plus d'une centaine de journalistes, l'ancien PDG de Renault-Nissan a déclaré qu'il était "présumé coupable" au Japon, pays dont il avait déjà fortement dénoncé le système judiciaire.

"J'étais l'otage de ce pays"

Carlos Ghosn est revenu sur les accusations dont il fait l'objet et a pointé du doigt le procureur. "C'est lui qui menait la danse" a-t-il dit. "Je sentais que j'étais l'otage de ce pays". Mais pas seulement. Il a dénoncé une collusion entre Nissan et le parquet japonais. Un coup monté selon lui : "La collusion entre Nissan et les procureurs est à tous les niveaux. Quand j'ai demandé à mes avocats (...) ils ont dit qu'ils craignaient que cinq ans s'écoulent peut-être au Japon avant que je n'obtienne un verdict".

Il a dévoilé une liste nominative de personnes qu'il estime responsables de son incarcération et mise en résidence surveillée au Japon.

Le magnat déchu de l'automobile Carlos Ghosn a affirmé n'avoir "pas eu d'autre choix" que de fuir le Japon où il est inculpé notamment pour malversations financières, accusation qu'il a qualifiée de "sans fondements" lors de sa première apparition publique à Beyrouth.

Tout au long de son discours, l'ancien PDG s'est attaché à démontrer qu'il a été victime d'une démolition systématique de sa personnalité.  D'abord par le procureur qui l'a accusé "d'être un avare, un calculateur, un dictateur"

"L'affaire du Château de Versailles"

Il revient longuement sur "l'affaire du château de Versailles". C'est Catherine Pégard (présidente de l’établissement public du château, du musée et du domaine de Versailles, ndlr) qui lui a proposé une salle pour un usage privé afin de le remercier de son action de mécénat. Nissan a donné 1 millions d'euros pour la restauration du Salon de la Paix rappelle-t-il. Et quand il s'est agi de fêter l'anniversaire de sa femme Carole, il a profité de cette offre généreuse de Mme Pégard en tant qu'ami du Château de Versailles. Les 50 000 euros de cette location ont été déduits du mécénat Nissan. 

Il reviendra plusieurs fois sur son action en tant que dirigeant et ses compétences. Il affirme que Renault-Nissan a perdu des dizaines de millions de dollars par jour depuis 2018. "La valorisation de Nissan depuis mon arrestation a baissé de plus de 10 milliards de dollars. Ils ont perdu plus de 40 millions de dollars par jour pendant cette période (...), la valorisation de Renault a baissé, depuis mon arrestation, de plus de cinq milliards d'euros, ce qui signifie 20 millions d'euros par jour". Il cite l'échec de la fusion avec Fiat Chrysler : en 2017, il était sur le point de finaliser cette fusion, et maintenant c'est PSA qui va peut-être conclure l'accord.

Après une courte pause, Carlos Ghosn répond aux questions de la presse faisant montre d'une assurance grandissante. A la fois offensif et ironique, il répète à l'envie que les conditions de son arrestation ont été telles qu'il s'est comme "anesthésié" pour ne pas sentir la souffrance. 

Les circonstances de sa fuite

Carlos Ghosn refuse catégoriquement de répondre aux questions sur les circonstances de son évasion. Il explique qu'il ne refuse pas de revenir en France mais que pour le moment il préfère rester à Beyrouth où il peut téléphoner et utiliser internet librement. 

Si un juge français souhaite l'interroger il est prêt à se rendre en France affirme-t-il. Mais personne ne le lui a demandé. 

Il se veut ironique quand il évoque le fait que le gouvernement français affirme croire à la présomption d'innocence alors que certains montrent le contraire par "leur bodylanguage", leur langage corporel.  Il a démenti avoir démissionné de Renault et explique qu'il s'est "retiré" après son arrestation au Japon . D'ailleurs il affirme vouloir faire jouer ses droits à la retraite : "J'ai demandé à partir à la retraite et je défendrai mes droits en tant que personne qui a travaillé autant d'années, qui a rendu autant de services et qui a droit à une retraite".

A l'évocation de Dreyfus et du film "J'accuse" par une journaliste libanaise, question qu'il lui demande de reformuler pour être "sûr d'avoir bien compris", il dit que l'analogie est tout à fait juste quand on observe la façon dont s'est déroulée son arrestation . Et il remartèle le fait que les accusations portées contre lui ne sont pas fondées. 

Au bout de deux heures trente, l'ancien dirigeant arrête la séance sur une dernière question concernant le mandat d'arrêt demandé par la justice japonaise à l'encontre de sa femme Carole. Il s'élève contre l'accusation de faux témoignage portée contre elle. 

Carlos Ghosn, plus combatif que jamais, n'aura pas fait de révélations.  On ne saura rien sur sa fuite du Japon et son entrée "légalement" au Liban, en jet privé, via la Turquie, muni d'un passeport français. Il doit se présenter jeudi 9 janvier devant le procureur général près la Cour de cassation de Beyrouth.