Catalogne : entre deux feux, l'exécutif indépendantiste débordé par sa base

Au lendemain d’échauffourées qui ont marqué l’anniversaire de la vaine tentative de sécession de la Catalogne, le président indépendantiste catalan Quim Torra, débordé violemment par sa base, était accusé mardi 2 octobre, de se livrer à un double jeu "dangereux".
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Manifestation indépendantiste à Girone le 1er octobre 2018
(AP Photo/Manu Fernandez)
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Les images qui resteront du premier anniversaire du référendum illégal d'autodétermination du 1er octobre 2017 seront celles de militants indépendantistes radicaux tentant de pénétrer en force lundi soir dans le parlement catalan avant d'être chargés par la police régionale. Une violence contrastant avec le pacifisme revendiqué du mouvement indépendantiste.

Conspué lors de la manifestation dans les rues de Barcelone, Quim Torra avait pourtant salué plus tôt lundi l'action de "pression" des militants radicaux des Comités de Défense de la République (CDR) qui ont mené des actions coup de poing en bloquant des routes et des voies ferrées.

Ce qui lui a valu mardi un vif rappel à l'ordre de la part du gouvernement central et de la classe politique.

"La politique catalane doit faire son retour au parlement. Le président Torra doit respecter ses responsabilités et ne pas mettre en danger la normalisation politique en encourageant les radicaux à assiéger les institutions qui représentent tous les Catalans", a tweeté le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez.

"La violence n'est pas la solution", a-t-il ajouté.

"Très dangereux"

"Le discours du gouvernement catalan est déconnecté de la réalité, ce qui génère frustration et violence dans les rangs des plus radicaux", a dénoncé Miquel Iceta, numéro un des socialistes catalans.

"La Catalogne est devenue une zone de non-droit", a lancé Albert Rivera, patron du parti libéral et anti-indépendantiste Ciudadanos, tandis que le chef de l'opposition de droite du Parti populaire, Pablo Casado, a appelé à "destituer" Torra.

Samedi, des militants radicaux avaient déjà affronté la police régionale à Barcelone dans des heurts qui ont fait une trentaine de blessés.
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Affrontements à Barcelone le 29 septembre 2018.
(AP Photo/Emilio Morenatti)


Tout en assurant qu'il ne s'agissait que d'une "minorité", Elsa Artadi, porte-parole de l'exécutif catalan, a affirmé mardi que c'était "la première fois que nous sommes confrontés à cette situation au sein du mouvement indépendantiste".

Si les formations indépendantistes PDeCat et ERC, alliées au sein du gouvernement régional, ainsi que l'ancien président Carles Puigdemont, ont condamné ces violences, le quotidien catalan El Periodico accusait mardi dans un éditorial la "direction indépendantiste" de jouer "un double jeu insoutenable".

Pour Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l'Université autonome de Barcelone, Torra joue aussi un jeu "très dangereux".

Entre deux feux

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Quim Torra lors d'un meeting commémorant les événements du 1er octobre 2017 à Sant Julia de Ramis, où de nombreux participants à la tentative de référendum avaient été blessés par la police.
(AP Photo/Manu Fernandez)
"Dans le fond, je pense que Torra partage les idées des CDR mais il sait parfaitement qu'en empruntant cette voie, l'indépendantisme va perdre", ajoute le politologue.

Les échauffourées de lundi soir sont d'ailleurs, selon lui, "l'expression de la désorientation du mouvement indépendantiste qui n'a pas de direction, d'horizon clair après avoir fait ce qu'il a fait l'automne dernier".

Après le référendum interdit du 1er octobre 2017, marqué par des violences de la police nationale dont les images avaient fait le tour du monde, les députés séparatistes catalans avaient proclamé le 27 octobre une éphémère République indépendante.

Mais au front uni entre toutes les composantes de l'indépendantisme qui avait abouti à cette déclaration unilatérale ont succédé les divisions entre partisans de la modération ou de la rupture avec l'Etat espagnol.

Selon Oriol Bartomeus, Torra est "pris entre deux feux", en continuant à tenir un discours radical tout en ayant renoué depuis juillet le dialogue avec le gouvernement socialiste arrivé au pouvoir à Madrid en juin grâce notamment au soutien des indépendantistes catalans.