Caterpillar ferme son usine en Belgique : le choc

Le constructeur d'engins de chantier américain Caterpillar vient d'annoncer la fermeture de son unique usine de Belgique, à Gosselies. Plus de 2000 emplois seront supprimés, 6000 autres sont menacés. C'est toute une région qui accuse le choc.
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Caterpillar
En janvier 2009, Caterpillar annonçait une reprise de ses activités après les pertes de l'année précédente (Altoona, Iowa, Etats-Unis).
©AP /Charlie Neibergal
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​Un conseil d'entreprise extraordinaire était convoqué ce vendredi matin à 8h30 chez Caterpillar. Les travailleurs du groupe s'attendaient à une mauvaise nouvelle. Elle est tombée en début de matinée : la direction a pris la décision de fermer complètement le site de Gosselies,  près de Charleroi, dans le sud de la Belgique, où travaillent quelque 2200 personnes.

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Seront également touchés, par ricochet, les "centaines de sous-traitants et d'indépendants dont l'activité est liée à Caterpillar", selon la fédération d'indépendants l'Union des Classes Moyennes (UMC). En termes d'emploi, le bilan pourrait donc être terrible pour la région puisque "en première analyse, au moins 6000 emplois sont directement menacés", toujours selon l'UMC. 

Cathy Verhaeghen, déléguée principale du syndicat Setca, explique que l'usine fonctionnera jusqu'en avril 2017. "C'est ce qu'ils espèrent, mais ce ne sera pas facile. Il va y avoir de la colère, difficile à gérer, pendant que nous allons négocier pour tenter d'obtenir les meilleures conditions possibles pour ceux qui devront partir." Les activités de distribution de Caterpillar à Grimbergen et Zeebruge ne sont, elles, pas menacées.

Délocalisations

Dans un communiqué, le groupe dit "envisager d'allouer les volumes produits" dans cette usine à d'autres sites, notamment à Grenoble, en France, et à "d'autres usines en dehors de l'Europe". Une décision qui "impliquerait un licenciement collectif de quelque 2000 salariés et la fermeture du site de Gosselies", où le groupe est installé depuis 1965, dans ce qui constituait l'un des ses principaux centres de production en Europe. "Cette annonce est liée au plan mondial de restructuration et de réduction des coûts annoncé par Caterpillar en septembre 2015", précise le groupe.

Mais à Grenoble aussi, on attend avec inquiétude les conséquences de la fermeture du site belge. Si le géant américain confirme son intention de supprimer les 2000 emplois de Charleroi et de transférer les lignes de production sur d’autres sites, d’autres mesures de restructuration sont à prévoir, notamment dans les Alpes, où un plan de départs volontaires a déjà été annoncé pour 100 salariés dans les bureaux.

Si Grenoble reprenait la fabrication des chargeurs sur pneus à l’attention du marché européen, le site perdrait la fabrication des tracteurs destinés au marché américain au profit du Brésil. Ainsi les syndicats français, qui ont vu fondre les effectifs ces vingt dernières année,s s’inquiètent-ils de l’avenir du site grenoblois, surtout s’il est dédié d’une seule ligne de produits. De 3000 salariés, il est passé à seulement 1350 avant le plan de départs volontaires.

2013/2014 : le premier choc

En mars 2014, déjà, 1331 emplois, sur les 3687 que comptait alors l'entreprise, avaient été supprimés dans cette usine, qui fabrique des engins de chantier.
En juin dernier, malgré la réorganisation au sein du siège gosselien par le biais de la modernisation des lignes d'assemblage, la direction du groupe avait laissé entendre que les objectifs définis en 2013 n'étaient pas atteints, faute d'une véritable relance du marché. Les organisations syndicales s'en étaient alors inquiétées, même si une réponse aux compressions budgétaires annoncées figurait notamment dans le non-remplacement des départs et dans la limitation des recours à la sous-traitance.

 

Caterpillar

Le fabricant américain de matériel de chantier et d'extraction souffre de la crise du secteur minier et de la faible croissance économique mondiale.

Caterpillar avait déjà fait part de son intention de supprimer 10 000 emplois dans le monde, soit 9 % de ses effectifs, et de fermer une vingtaine de sites.

Ses résultats de 2015 sont en forte baisse : -43 % pour les bénéfices, à 2102 milliards de dollars et -15 % pour le chiffre d'affaires, à 47 milliards de dollars.

Fin juillet, dans la foulée de résultats trimestriels mitigés, le groupe annonçait que, face à la conjoncture morose, il continuerait à réduire ses effectifs. Caterpillar vient d'annoncer sa décision de supprimer 261 emplois en Irlande du Nord, d'ici à deux ans.

Le plan de licenciement de 2014 a également eu de lourdes conséquences pour des sociétés sous-traitantes. C'est le cas de Cediwal, à Heppignies (Fleurus) qui produit des pièces détachées pour bulldozers et excavatrices, avec pour seul client Caterpillar à Gosselies. Elle avait annoncé, il y a un an, son intention de fermer le site et d'entamer la procédure de licenciement collectif, qui concernerait 57 emplois.

La catastrophe 

La tension était palpable sur le site de Gosselies, où une soixantaine d'ouvriers étaient réunis ce vendredi matin, certains étaient en pleurs.  Ils ont pris possession des engins de chantier, dont l'un barrait l'une des entrées de l'usine. Caterpillar compte parmi les gros employeurs de Wallonie, une région où le taux de chômage est particulièrement élevé, atteignant plus de 20%. Pour la région, le départ du constructeur américain est un coup dur :

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La situation s'est calmée en milieu de journée. De nombreux employés ont depuis quitté les lieux, abattus. "C'est une situation d'écœurement total", affirmait Antonio Cocciolo, représentant du syndicat socialiste FGTB. "Ce n'est même pas la direction locale qui est venue faire l'annonce, mais un responsable américain, en anglais". De fait, l'annonce n'a pris que quelques secondes, le patron de Caterpillar se retirant ensuite sans répondre à aucune question. Pourtant, certains employés travaillaient ici depuis dix, quinze ou vingt ans :

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Quelques travailleurs sous le choc ont accepté de témoigner. "C'est ma vie qui s'écroule", explique l'un deux. J'ai les jambes coupées. "La direction a préféré vite remonter en voiture, plutôt que d'être confrontés aux ouvriers", dénonce un autre.
"La fermeture de Caterpillar est une catastrophe absolue", a réagi dans un communiqué le président du Parti socialiste francophone belge et ancien Premier ministre Elio Di Rupo, qui regrette "la manière inhumaine utilisée par le patron pour annoncer la catastrophe sociale". "C'est un vendredi noir pour Charleroi alors que la ville célèbre ce week-end son 350e anniversaire et se souvient notamment de son riche passé industriel", déclare Olivier Chastel, président du Mouvement Réformateur (MR), le parti libéral du Premier ministre Charles Michel.