Al Qaïda, un désir de puissance Derrière cette allégeance se cache surtout un désir de puissance. En effet, avec Al Qaïda, les actes réels ont moins d'importance que la symbolique qui en émerge : plus l'ennemi est grand et son injustice reconnue, plus le combat est saint, juste et justifié. Ben Laden, comme icône, est un lieu où cette symbolique a pris racine pour se développer et se trouver des raisons d'accéder au réel à travers des attentats meurtriers. Il a toujours saisi l'actualité mondiale – pour des causes qui ne peuvent qu'avoir l'adhésion des populations humiliées – pour menacer les intérêts des « croisés » et des « sionistes ». Il s’est toujours servi des questions mondialement médiatisées comme
l’interdiction du voile en France car c’était un homme de la communication. En plus d’être arrivé à bout de son rival,
le commandant Massoud, avec une caméra piégée, il donnait de l’importance aux personnalités qui ont un impact médiatique. On se souvient du Jordanien
Abou Moussab Al Zarqaoui. Après avoir été élevé au rang d’ennemi américain, ce combattant au départ simple et ordinaire est devenu le responsable d’Al Qaïda en Irak. Mais la force de Ben Laden n'était pas dans son esprit militaire et encore moins idéologique. Elle était dans sa capacité à envoûter ses partisans en se posant comme celui qui a atteint l'idéal des mystiques qui est, pour ainsi dire, celui de l'« être total », à la fois sage et tranquille (il a toujours parlé d'une voix paisible) et qui est en mesure de rétablir l'ordre du monde par une force quasi-mythique incarnée par la kalachnikov dont il ne se sépare pas. Ici aussi, la symbolique est forte et renvoie au prophète Mohammed qui allait le Coran dans une main et le sabre dans l’autre. Il sera difficile pour la mouvance terroriste de trouver un leader qui a cette capacité à « hypnotiser » les foules. Avec un peu d'ironie, nous pourrions dire qu'Al Qaïda pour continuer d'exister n'a pas besoin d'un stratège militaire et/ou politique comme
Al Zawahiri, le potentiel successeur de Ben Laden, mais d'un « magicien ».
L’exemple algérien Pour les groupes terroristes dans les différentes régions du monde, « Al Qaïda » est considérée comme un titre honorifique qui permet de croire à la prochaine réalisation de l’utopie d’un Khalifat islamique qui dominerait le monde. C’est aussi un excellent faire-valoir qui masque des intentions moins conformes au « combat saint » (djihad) que prétendent mener des groupes comme Al Qaïda au Maghreb Islamique dont les membres ont versé
dans une forme de grand banditisme, vivant des rançons des prises d’otages et de divers trafics facilités par les frontières vastes et poreuses des pays du Sahel. L’autre raison qui porte à croire que le « terrorisme islamiste » ne finira pas avec la mort de Ben Laden concerne les sources endogènes et exogènes de la révolte des populations dites « musulmanes » et qui poussent des minorités à épouser des mouvances fanatiques. En la matière, l’exemple algérien est édifiant. Si le Front Islamique du Salut (FIS) a pu mobiliser au point de devenir la première force politique, c’est parce qu’il s’est posé comme seule alternative possible à la dictature en place, non pas par un projet politique clair et convaincant, mais par ses menaces de recourir à la violence pour prendre le pouvoir, ce qui a séduit même une partie de l’élite intellectuelle frustrée par son impuissance à changer les choses. Les Algériens savaient que les militaires et le
FLN (Front de Libération National) n’allaient pas céder leur place après le scrutin législatif de 1991. Par ailleurs, les islamistes, avant même la création du FIS, s’étaient créés une base militante solide parmi les plus défavorisés de la société qui avaient à leur égard une grande dette morale : de nombreuses associations caritatives à caractère religieux s'activaient sur le terrain depuis des années et aidaient les démunis abandonnés par l’
état. Ce sont là quelques raisons qui sont toujours des réalités qui amènent de nouvelles recrues à Al Qaïda au Maghreb Islamique.