Ce que l'on sait de l'explosion massive de bipeurs au Liban

Au moins neuf personnes sont mortes et près de 2800 blessées dans une série d'explosions de bipeurs au Liban. Ces "attaques" visaient principalement des membres du Hezbollah libanais, mouvement qui n'a pas tardé à accuser les services secrets israéliens. Un drame qui voit l'espoir d'un cessez-le-feu s'éloigner. 

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Des secouristes de la Défense civile transportent un homme blessé après l'explosion de son bipeur, dans la ville portuaire de Sidon, au Liban, mardi 17 septembre 2024.

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Tragique et intrigant. Le scénario aurait pu être celui d'une enquête d'Hercule Poirot, le personnage mythique d'Agatha Christie. Mais le drame a réellement eu lieu au Liban, mardi 17 septembre, lorsque plusieurs milliers de bipeurs, détenus par des membres du Hezbollah libanais, ont explosé. La série d'explosions a laissé un bilan de neuf morts et près de 2.800 blessés, selon le bilan du ministère libanais de la Santé.

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Des explosions en chaîne

Les images ont commencé à faire le tour du monde mardi après-midi et ont suscité la stupeur des internautes lorsque plusieurs médias internationaux ont vérifié les images. Le bipeur sonne. L'homme présent dans un magasin jette un œil sur cet appareil, ancêtre du téléphone portable très en vogue dans les années 1990. L'instant qui en suit est le théâtre d'une explosion. La tête de l'individu fait un bond en arrière avant de retomber sur le comptoir de la caisse. Cette vidéo s'inscrit dans une chaîne d'explosions qui se déclenchent dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah libanais. 

Ma femme et moi allions chez le médecin, et ça a explosé d'un coup (...) j'ai trouvé devant moi des gens allongés par terre
Moussa, habitant de la banlieue sud de Beyrouth

Le Hezbollah accuse Israël, les États-Unis "pas au courant"

Les blessés commencent à affluer et le personnel médical se retrouve à soigner des gens jusqu'au parking de l'hôpital. Les habitants, eux, se mobilisent pour donner leur sang. "De ma vie, je n'ai jamais vu ça", déclarait à l'AFP Moussa, un habitant de la banlieue sud. "Ma femme et moi allions chez le médecin, et ça a explosé d'un coup (...) j'ai trouvé devant moi des gens allongés par terre". Il raconte comment lui, et les gens autour, ont été déconcertés, puis choqués. 

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Les réactions ne se sont pas faites attendre. Le Hezbollah libanais a immédiatement accusé Israël d'être responsable de cette attaque et a promis de continuer ses opérations en soutien au Hamas. Washington, allié numéro un d'Israël, n'a pas tardé à préciser qu'il n'en avait pas été informé. "Je peux vous dire que les Etats-Unis n'ont pas été impliqués là-dedans, qu'ils n'étaient pas au courant de cet incident à l'avance, et à ce stade nous collectons de l'information", déclarait mardi soir à la presse le porte-parole du Département d'Etat, Matthew Miller. Israël a plutôt opté pour le silence. 

Une implication présumée de la part d'Israël, selon le New York Times

Mais l'histoire a pris une autre tournure lorsque le prestigieux journal The New York Times a affirmé, citant des responsables américains et d'autres nationalités, l'implication présumée d'Israël. Selon les sources du quotidien, les services secrets israéliens étaient parvenus à intercepter les bipeurs avant leur arrivée au Liban et à cacher de petites quantités d'explosifs et un détonateur à côté de la batterie.

Toujours selon le New York Times, un message apparaissant comme venant de la direction du Hezbollah a fait biper l'appareil mardi pendant plusieurs secondes avant de déclencher l'explosif. Des informations qui vont dans le sens de la théorie, avancée mardi par plusieurs experts, selon laquelle les services israéliens seraient parvenus à infiltrer la chaîne logistique du Hezbollah pour planifier cette attaque.

Qui a fabriqué les bipeurs : du Taïwan à la Hongrie, la responsabilité rejetée 

Le constructeur taïwanais, Gold Apollo, dont la marque figure sur les bipeurs a rapidement démenti des informations publiées par le New York Times, selon lesquelles il aurait lui-même fabriqué et vendu au Hezbollah les bipeurs, du modèle AR924. Gold Apollo s'est donc empressé de renvoyer la balle à son partenaire hongrois BAC. "En vertu d'un accord de coopération, nous autorisons BAC à utiliser notre marque pour la vente de produits dans certaines régions, mais la conception et la fabrication des produits sont de l'unique responsabilité de BAC", a indiqué dans un communiqué Gold Apollo.

Selon l'entreprise, elle "n'apporte que l'autorisation d'utiliser la marque et n'est pas impliquée dans leur conception et leur fabrication". "Ce ne sont pas nos produits (...) du début à la fin", avait affirmé plus tôt mercredi le directeur de l'entreprise, Hsu Ching-kuang, à des journalistes à Taipei.

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Fin mot de l'histoire ? Pas vraiment. La PDG de la société hongroise, Cristiana Barsony-Arcidiacono, interrogée par la chaîne américaine NBC, a confirmé travailler avec Gold Apollo mais a nié à son tour toute implication dans la fabrication. "Je ne fais pas les bipeurs. Je suis juste une intermédiaire. Vous faites erreur", déclarait Cristiana Barsony-Arcidiacono auprès de la NBC. 

Les condamnations de tous les pays s'enchaînent. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a condamné les "attaques" aux bipeurs, se disant "extrêmement préoccupé" par la situation. L'ONU, quant à elle, a déploré mardi une "escalade extrêmement inquiétante". L'incident inédit arrive dans un contexte de tensions régionales qui s'intensifient et éloignent un peu plus l'espoir d'un cessez-le-feu à Gaza.