Certains spécialistes n'ont jamais cru à la monnaie unique européenne. Pour Jean-Jacques Rosa, professeur français d’économie à Sciences Po Paris et euro-sceptique de la première heure, « l’euro est un contresens économique ».
Dans un entretien donné au Figaro.fr, il explique : « vous ne pouvez pas appliquer la même politique monétaire, c'est-à-dire le même taux de change et le même taux d'intérêt, à des économies dont les trajectoires et les structures sont différentes. Notre économie n'évolue pas de la même façon que celle de la Grèce ou de l'Allemagne : les taux d'inflation divergent, les phases conjoncturelles ne coïncident pas, et il n'y a pas de taux de change idéal et unique, globalement applicable ». Une opinion partagée par l'économiste indien Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998,
dans une tribune dans le Monde : « C'est pour moi une piètre consolation de rappeler que j'étais fermement opposé à l'euro, tout en étant très favorable à l'unité européenne […]. Mon inquiétude venait notamment du fait que chaque pays renonçait ainsi à décider librement de sa politique monétaire et des réévaluations des taux de change, toutes choses qui, par le passé, ont été d'un grand secours pour les pays en difficulté. Cela permettait de ne pas déstabiliser excessivement le quotidien des populations au nom d'une volonté acharnée de stabilisation des marchés financiers.» Selon lui, l'unité monétaire va de pair avec une unité politique et budgétaire, comme c'est le cas pour les Etats américains.
Le maelström européen mis en cause Le célèbre économiste américain Paul Krugman, prix Nobel en 2008, pointait lui aussi cette absence de politique budgétaire et d'institutions communes dans le magazine allemand
Cicero en février : « les architectes de l’euro ont décidé d’ignorer les difficultés inhérentes à une monnaie commune et ont surtout ignoré les mises en garde contre l’absence d’institutions nécessaires pour que fonctionne la monnaie unique ». Résultat : l’euro conduit les pays à risques tels que la Grèce ou l’Espagne à une « orgie d’emprunts financée par le boom des exportations allemandes ». Un autre économiste américain célèbre, Joseph Stiglitz, prix Nobel lui aussi - en 2001, est plus lapidaire. Si l'Europe « ne règle pas ses problèmes institutionnels fondamentaux, l'avenir de l'euro sera peut-être très bref ». Il précise : « À long terme, tant que les problèmes institutionnels fondamentaux seront là, les spéculateurs sauront qu'ils existent, et au fur et à mesure que les faiblesses de l'Europe s'aggraveront je pense qu'ils s'en donneront à coeur joie » (BBC4, mai 2010).
Martin Wolf, éditorialiste au journal britannique Financial Times, donnait en juin un exemple concret : « Dans une véritable union monétaire, un dépôt dans n'importe quelle banque de la zone euro doit être l'équivalent d'un dépôt dans n'importe quelle autre banque. Mais que se passe-t-il si les banques d'un pays donné sont au bord de l'effondrement ? La réponse est que cette présomption d'égalité ne tient plus. Un euro dans une banque grecque n'est plus la même chose qu'un euro dans une banque allemande. Dans ce cas, il n'y a plus seulement un risque de panique bancaire sur une banque précise, mais sur un système bancaire national dans son ensemble.»