Fil d'Ariane
Sous le soleil de plomb de Barcelone, les habitants de la fière ville méditerranéenne ont crié "No tinc por", "je n'ai pas peur" en catalan: à midi, moins de 24 heures après le double drame la foule s'était auparavant rassemblée autour du roi Felipe VI et du chef du gouvernement Mariano Rajoy et du gouvernement régional de Catalogne pour une minute de silence.
Moins de 24 heures plus tôt et seulement à quelques enjambées de la place de Catalogne où s'est tenue la cérémonie, à 16H50 locales (14H50 GMT) jeudi, une camionnette blanche avait fauché des dizaines de passants sur l'allée centrale des Ramblas, coeur touristique de Barcelone où l'on descend habituellement le coeur léger vers la mer.
Dans la nuit, une Audi A3 a ensuite à son tour foncé sur la promenade du bord de mer de Cambrils, une station balnéaire au sud de la capitale catalane, avant de percuter une voiture des Mossos d'Esquadra, la police catalane. S'en est suivie une fusillade au cours de laquelle les cinq occupants de l'Audi ont été tués.
Les attaques ont fait 14 morts, dont 13 à Barcelone et près de 120 blessés dont 65 étaient encore hospitalisés vendredi. L'attaque de Barcelone a été revendiquée par le groupe Etat islamique (EI).
L'hypothèse des enquêteurs est que tous les suspects sont liés à l'attaque à Barcelone, revendiquée par le groupe jihadiste Etat islamique (EI). Ce dernier a déjà revendiqué des attentats similaires à Nice, Londres et Berlin. Il s'agit toutefois du premier attentat revendiqué par l'EI en Espagne.
L'attaque de Cambrils n'a pas été revendiquée.
Ces attaques ont cependant peut-être remplacé des attentats "de plus grande envergure", a expliqué vendredi un porte-parole de la police catalane lors d'un point de presse.
L'enquête laisse entrevoir l'existence d'un "groupe de personnes", ayant agi en Catalogne à Ripoll, au nord de Barcelone, et Alcanar au sud, notamment.
A Alcanar, à 200 km au sud de Barcelone, une explosion dans une maison aurait en réalité évité un autre drame de plus grande ampleur car selon la police les assaillants y préparaient des bombes et auraient alors perdu les composants nécessaires à la fabrication d'engins explosifs.
La double attaque a alors été commise de "manière plus rudimentaire, dans le sillage des autres attentats perpétrés dans les villes européennes" sans être "de l'amplitude espérée" par les jihadistes, selon Josep Lluis Trapero, le porte-parole de la police catalane.
L'attaque a été menée à Barcelone puis à Cambrils, avec deux véhicules.
Puis, les cinq "terroristes présumés" porteurs de fausses ceintures d'explosifs, d'une hache et de couteaux, ont été abattus à Cambrils. Les fausses ceintures devaient leur permettre de gagner du temps face aux policiers, selon les Mossos.
Pour l'heure, quatre personnes, trois Marocains et un Espagnol, ont été arrêtées dont trois dans la ville de Ripoll d'où serait originaire un des auteurs. Au moins quatre autres seraient aussi en fuite, selon le quotidien catalan La Vanguardia.
La police recherche notamment Moussa Oukabir, le frère de Driss Oukabir, arrêté jeudi à Ripoll.
Le principal suspect recherché, le conducteur d'une camionnette ayant fauché des dizaines de piétons à Barcelone, pourrait se trouver parmi les cinq hommes abattus, selon la police catalane qui évoque "plusieurs indices", sans toutefois confirmer formellement cette information.
Des témoins de l'attaque de Barcelone ont décrit l'horreur sur les Ramblas. "J'ai vu quatre ou cinq personnes à terre et des gens essayaient de les réanimer. Il y avait beaucoup de sang", a raconté à l'AFP Lily Sution, une touriste néerlandaise.
Tom Gueller a raconté à la radio BBC avoir vu le véhicule dévaler l'avenue: "il ne ralentissait pas du tout. Il fonçait droit dans la foule au coeur des Ramblas".
A Cambrils, un serveur de restaurant âgé de 20 ans, Markel Artabe, sortait manger une glace quand il a entendu des tirs: "nous étions sur la promenade de la plage. Nous avons entendu des tirs et pensé +ça doit être des fusées+ mais c'était des coups de feu", a-t-il raconté à l'AFP. Il a ajouté avoir vu une étrangère à terre, apparemment touchée à la tête, avec ses amis qui criaient à l'aide.
L'Espagne, troisième destination touristique au monde, avait été jusqu'ici épargnée par les attentats de l'EI qui ont touché d'autres capitales européennes, telles Paris ou Bruxelles.
Mais c'est à Madrid qu'avaient eu lieu les attentats islamistes les plus meurtriers jamais commis en Europe: le 11 mars 2004, des bombes avaient explosé dans des trains, faisant 191 morts. Ils avaient été revendiqués par un groupe de la mouvance al-Qaïda.
Cette expérience traumatisante et sa longue lutte contre les attentats terroristes des séparatistes basque de l'ETA, ont poussé l'Espagne à renforcer se services de renseignement et à appliquer une politique d'arrestations préventives des suspects de jihadisme.
La Catalogne est avec Madrid et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc, l'un des lieux de concentration d'islamistes radicalisés.
Plus d'un tiers des personnes condamnées pour des activités en rapport avec le terrorisme jihadiste résidaient en Catalogne, contre 35,4% dans la région de Madrid, selon un rapport du think tank Real Instituto El Cano.
Les réactions d'indignation ont afflué du monde entier, tandis que l'Espagne observait un deuil national de trois jours à partir de vendredi.