Chine : Ai Weiwei, l'artiste activiste gêne-t-il vraiment le pouvoir ?

Alors que les photos de l’artiste sont exposées pour la première fois à Paris, questions autour du réel poids politique d'Ai Weiwei. Est-il un artiste rebelle défiant le pouvoir chinois ? Sait-on qu'il est aussi une figure de l'élite chinoise et que ses engagements sont très récents ? Débat. 
 
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Chine : Ai Weiwei, l'artiste activiste gêne-t-il vraiment le pouvoir ?
“Laisser tomber une urne de la dynastie des Han, 1995“ © Ai Weiwei
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Chine : Ai Weiwei, l'artiste activiste gêne-t-il vraiment le pouvoir ?
Tremblement de terre au Sichuan, 2008-2010 © Ai Weiwei
Activiste, dissident, provocateur… et artiste. Le photographe, architecte et plasticien chinois Ai Weiwei fait parler de lui et pas seulement pour ses qualités artistiques. Son comportement frondeur à l’encontre du gouvernement chinois lui vaut un soutien international. S’il en fallait une preuve, Time magazine l’a inclus dans sa liste des 100 personnalités les plus influentes du monde en 2011. L’année dernière également, le magazine américain ArtReview l’a désigné comme l’artiste le plus important du monde de l’art.
Durant le printemps 2011, le gouvernement chinois l’a détenu secrètement pendant 81 jours. Accusé de fraude fiscale, il est finalement libéré en juin 2011 mais condamné à verser 15,22 millions de yuans soit 1,7 millions d’euros.
Incapable de payer cette amende, il lance un appel auquel répondent quelques 30 000 chinois qui l'aideront à réunir cette somme. « Il a disparu pendant deux mois, il a été cogné et maltraité. Ils ont été obligés de le relâcher sous la pression internationale. Cela a été la cristallisation d’une forme d’opposition. Ça prouve qu’il a une certaine aura », explique Jean-Philippe Beja, directeur de recherche à Science po. 

Chine : Ai Weiwei, l'artiste activiste gêne-t-il vraiment le pouvoir ?
Étude de perspective – Tiananmen, 1995-2003 © Ai Weiwei
“Fils de princes“

Si Ai Weiwei jouit d’une telle aura internationale, qu’en est-il réellement dans son pays ?
Dérange-t-il vraiment alors que son affront à l'encontre du pouvoir est récent ? Son blog a été fermé en 2009 alors qu’il voulait y poster une liste de noms d’enfants victimes du tremblement de terre au Sichuan de 2008. Cette année a, en effet, marqué un tournant dans sa carrière et sa vie personnelle. « Différents artistes chinois travaillent uniquement pour le marché international, il a choisi une méthode plus risquée que d’autres. Depuis le tremblement de terre en 2008, il est devenu un activiste et un agitateur », raconte Jean-Philippe Beja. En provocateur, Ai Weiwei a toujours testé, cherché les limites du pouvoir.

« Il fait partie de la génération des fils de princes. Ils sont sur des routes parsemées de roses où tout leur est donné sans faire d’efforts », explique Jean-Luc Domenach également directeur de recherche à Science po et sinologue. Son père, le poète et intellectuel Ai Qing s’est aussi rebellé contre le pouvoir communiste. Il en a payé le prix en restant enfermé des années avec sa femme et ses enfants dans un camp de travail. « Weiwei est quelqu’un qui a toujours eu un comportement très précautionneux jusqu’en 2008. Aujourd’hui, il a une trajectoire intéressante qui peut peut-être signifier que le rapport de force est en train de bouger », reconnaît Jean-Luc Domenach.
 

Chine : Ai Weiwei, l'artiste activiste gêne-t-il vraiment le pouvoir ?
Tremblement de terre au Sichuan,2008-2010 © Ai Weiwei
Prise de conscience

Il va encore plus loin en 2008, l'année où son engagement bascule davantage dans l'activisme. Le tremblement de terre de la province du Sichuan en Chine fait plus de 70 000 morts. Cette catastrophe nationale ébranle l’artiste Ai Weiwei et lui fait prendre conscience de la réalité du régime. « Il s’est rendu compte que le pouvoir ne rigolait pas, le pouvoir l’a alors considéré comme un dissident. », explique Jean-Philippe Beja.
Il est scandalisé par la population laissée au dépourvu et dans la misère, les enfants dans les décombres des écoles. Il part d'ailleurs prendre en photos les cartables d'enfants dans les ruines pour les poster sur son blog.

Sa prise de conscience intervient après 25 ans passés sur le sol chinois suite à son retour à Pékin en 1993 alors que son père est malade. Il revient alors de son séjour à New York où il est resté 10 ans. « Avant, il était utilisé par le pouvoir, c’était une grande vedette. Il a conçu le « Nid d’oiseaux » pour les Jeux Olympiques, ils l’ont laissé construire son atelier à Shanghai», raconte Jean-Luc Domenach.
Il a été en effet embauché comme conseiller artistique dans la création du stade national chinois pour les Jeux Olympiques en Chine en 2008. Des J.O contre lesquels il s’insurge un peu tard et avec naïveté au regard des observateurs internationaux. Le gouvernement chinois le laisse également construire son atelier d’architecture à Shanghai. Mais il sera détruit quelques mois après par des bulldozers sans laisser de traces du bâtiment.
Autant de prises de conscience qui agitent l'artiste et l'homme. Ces réalités d'un pouvoir oppresseur et dictatorial vont pousser Ai Weiwei à se positionner contre le pouvoir au travers de son art, de ses performances artistiques. Quant à changer la politique de son pays... On en est loin. Comme le précise, le sinologue Jean-Philippe Beja : " C’est tout un ensemble de prise de conscience de la société qui pourra faire changer les choses". @font-face {"MS ??"; }@font-face {"Cambria Math"; }@font-face {"Cambria"; }p.MsoNormal, li.MsoNormal, div.MsoNormal { margin: 0cm 0cm 0.0001pt; font-size: 12pt; }.MsoChpDefault { }div.WordSection1 { page: WordSection1; }


> Exposition Ai Weiwei jusqu’au 29 avril 2012 au musée du Jeu de Paume à Paris.
 

Exposition des photographies de l'artiste chinois Ai Weiwei

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Chine : Ai Weiwei, l'artiste activiste gêne-t-il vraiment le pouvoir ?

Chronologie

1983-1993 : Il s’installe à New York
1993 : Retour à Pékin
2007 : Il est invité à participer à la Documenta 12, une importante exposition d’art contemporain qui se tient tous les 5 ans à Cassel en Allemagne.
Mai 2008 : Tremblement de terre au Sichuan. Ai Weiwei se rend sur les lieux du drame pour prendre des photos des écoles détruites.
2008 : Il participe en tant que conseiller artistique à la construction du stade national pour les Jeux Olympiques.
2009 : les autorités chinoises ferme son blog mais il continue de tweeter
2012 : La Tate Modern à Londres acquiert son œuvre des graines de tournesol et une galerie d’art madrilène propose une vente aux enchères de certaines de ses œuvres.
 

Chine : Ai Weiwei, l'artiste activiste gêne-t-il vraiment le pouvoir ?
Ai Weiwei, Octobre 2010 © Gao Yuan

Message sur le blog d'Ai Weiwei, posté le 4 février 2006


«  La vie des artistes chinois est marquée par une diversité et une confusion remarquables, des changements et des désordres, du doute et de la destruction, avec la perte de soi et le vide qui s’ensuit, le désespoir et la liberté qui en découle, l’absence de honte et les plaisirs qui l’accompagnent. Ce que l’on observe couramment aujourd’hui dans la production artistique, c’est une recherche et une réflexion sur la politique de la Chine, son histoire et sa culture, l’individu et le collectif, les réformes, l’authenticité du moi, le repentir, la spiritualité, la sexualité, l’Occident, la richesse matérielle, l’art et la méthodologie ».