Canons à eau, grenades et tirs lacrymogènes, ces scènes n’avaient pas été vues depuis plusieurs mois à Hong Kong. Ce 24 mai, regain de violence, les affrontements entre manifestants et police anti-émeutes repartent de plus belle. Noyau dur des tensions, un projet de loi sur la sécurité présenté par Pékin et dénoncé par la mouvance pro-démocratie.
Un projet "liberticide"
Pour les manifestants hongkongais, c’est peut-être la goutte de trop. Vendredi 22 mai, le régime communiste a déposé au Parlement de Pékin, un texte sur la sécurité qui vise à interdire
"la trahison, la sécession, la sédition et la subversion" à Hong Kong ainsi que
"l’ingérence étrangère". Une réponse ferme, sans aucun doute, aux importantes manifestations de la mouvance pro-démocratie l’an passé. Le projet a été adopté à la quasi unanimité par le Parlement chinois ce 28 mai, lors de la séance de clôture de l'actuelle session parlementaire.
"Il est impératif que la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong et son mécanisme de mise en œuvre s'appliquent sans le moindre délai", déclarait ce 24 mai Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères lors d'une conférence de presse au siège du Parlement chinois à Pékin.
En réponse à cela, la mouvance pro-démocratie a appelé les Hongkongais à descendre dans la rue pour dénoncer ce passage en force de la Chine. Les manifestants dénoncent une loi
"liberticide" et craignent cette disposition qui permettrait aux policiers chinois de mener des enquêtes à Hong Kong et pourrait servir à réprimer toute dissidence.
- (Re)voir aussi : A Hong Kong, des violences éclipsent les 70 ans du régime communiste chinois
La Chine a accusé ce 29 mai l'administration Trump de "prendre en otage" l'ONU au sujet de la loi controversée sur la sécurité nationale. Pékin a aussi appelé les Occidentaux à ne pas s'en mêler.
Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l'Australie mènent la fronde internationale contre le projet, lequel prévoit de punir les activités séparatistes et "terroristes", la subversion, ou encore l'ingérence étrangère dans le territoire autonome chinois.
L'Union européenne exhorte la Chine à respecter l'autonomie de Hong Kong. Pour Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, cette loi sur la sécurité serait
"un coup fatal pour le degré élevé d’autonomie promis par Pékin".
En effet, le territoire semi-autonome qu’est Hong Kong jouit d'une très large autonomie par rapport au reste du pays dirigé par le Parti communiste chinois (PCC). Ses habitants bénéficient par exemple de la liberté d'expression, de la liberté de la presse et d'une justice indépendante. Des droits davantage méconnus en Chine continentale.
Oui mais voilà, ce modèle censé prévaloir jusqu'en 2047 fait aujourd’hui défaut. Depuis plusieurs années les Hongkongais dénoncent des ingérences de plus en plus fortes de Pékin. Un disfonctionnement dont s’étaient d’abord inquiétés les pro-démocratie en 2014 avec
"la révolution des parapluies", puis plus récemment en 2019.
2019, une année de révolte historique
De juin à décembre 2019, l’ex-colonie britannique a connu l’une de ses pires crises politiques, depuis sa rétrocession par Londres en 1997. Pendant ces six mois, Hong Kong a été le théâtre d'un mouvement de protestation d'une ampleur historique contre un texte controversé qui visait à autoriser les extraditions vers la Chine continentale.
- (Re)voir : Hong Kong : les manifestants pro-démocratie toujours mobilisés malgré la répression policière
Manifestations monstres et parfois violentes en défense du principe d’
"Un pays, deux systèmes", la contestation s'est rapidement muée en un mouvement réclamant plus de libertés. Ce combat qui a également stimulé un courant militant pour l'auto-détermination, voire l'indépendance de la région, est d’ailleurs sorti triomphant avec la victoire des pro-démocratie aux élections locales de novembre dernier.
La mobilisation s'était ensuite calmée au début de l'année en raison des nombreuses arrestations réalisées par la police et surtout du fait des restrictions de rassemblement ordonnées pour lutter contre le coronavirus.
- (Re)voir aussi : Coronavirus : comment Hong Kong a contenu la propagation ?
« Nous sommes de retour »
L’accalmie n’aura été que de courte durée et les hostilités n’ont pas tardé à reprendre. Le 18 avril, la tension remonte avec l'arrestation de 15 personnalités du mouvement pro-démocratie, toutes modérées, pour leur implication dans les manifestations de 2019.
La crise est également relancée par une controverse constitutionnelle, partie d'un communiqué du Bureau de liaison, laissant entendre que l'obstruction menée depuis octobre par l'opposition au Conseil législatif
- le "LegCo", le Parlement hongkongais, pourrait leur valoir des poursuites.
- (Re)voir aussi : Hong Kong : victoire écrasante des pro-démocratie aux élections locales
En mai, des heurts opposent des députés pro-démocratie et pro-Pékin à l'intérieur du LegCo au sujet d'un projet de loi réprimant l'outrage à l'hymne national chinois. Quelques jours plus tard, ce même projet provoque une nouvelle journée chaotique au Parlement, alors que plusieurs figures de l'opposition sont inculpées pour leur rôle dans les manifestations de 2019.
Une agitation exacerbée par le projet de loi sur la sécurité présenté le 22 mai auquel la cheffe de l'exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, s'est dite prête à
"coopérer pleinement". Cette fois c’en est trop ! Les Hongkongais sont
« de retour », comme l’on pouvait le lire dimanche 24 mai dans les quartiers de Causeway Bay et Wanchai.