Chine : la censure des citoyens en colère contre les vaccins contournée grâce à la blockchain

Les internautes chinois ont trouvé un moyen d'empêcher leurs messages de mécontentement sur Internet d'être supprimés par leur gouvernement : les insérer dans des transactions financières d'une blockchain mondiale, Ethereum. Explications. 
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Ethereum
Logo Ethereum, une monnaie virtuelle et blockchain spécialisée dans les "smart contract"
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La première tentative pour contourner la censure numérique du gouvernement chinois en utilisant une blockchain date d'il y a quelques mois. Des étudiants  dénonçaient des harcèlements sexuels dans leur université sur les réseaux sociaux  et ceux-ci étaient systématiquement supprimés par les services gouvernementaux. Ils ont alors eu l'idée d'intégrer ces messages dans une toute petite transaction financière basée sur Ethereum, une monnaie virtuelle (et de validation d'échanges électroniques de type "smart contracts") équivalente au Bitcoin. Aujourd'hui, ce sont les familles inquiètes sur des vaccins de mauvaise qualité qui utilisent ce système pour dénoncer le scandale, sans que le gouvernement ne puisse les en empêcher. 

Un message dans un "virement bancaire public"

Les logiciels informatiques de monnaies virtuelles sont tous basés sur un même principe, celui de la blockchain, ou chaîne de blocs en bon français. Chaque monnaie utilise donc une blockchain permettant de valider des transactions financières, mais aussi, dans le cas d'Ethereum, des contrats, ou tout type de documents nécessitant d'être authentifiés et protégés de toute altération au cours de l'échange. Ce système permet à la fois une forme importante d'anonymat (plus ou moins garanti, il est toujours possible de recouper des échanges et parvenir à connaître l'identité d'un acteur de la blockchain, ndlr), une certification des échanges, mais surtout un contrôle des transactions de façon transparente : tout le monde peut lire les montants échangés, des documents validés par la chaîne de blocs ayant vocation à être publics ou des messages, le tout via des sites web spécialisés. Cette garantie que le document ou le message sont bien des originaux, validés, inaltérables, est donc très importante dans l'affaire de la censure chinoise : personne, pas même le gouvernement ne peut supprimer ou modifier des documents, messages issus d'une transaction dans la blockchain. L'équivalent d'un message public attaché à un virement bancaire ayant été transmis de façon chiffrée mais consultable une fois effectué… par tout un chacun.

> Article TV5Monde expliquant les grands principes de la blockchain : "La blockchain : futur big bang numérique ?"​

Dénonciation des vaccins et communauté blockchain chinoise

Il suffit de connaître l’adresse émettrice ou l’adresse de réception ou encore le numéro de transaction d'une opération effectuée sur Ethereum pour lire sur le moteur de recherche etherscan.io les détails de celle-ci, dont le message qui peut y être attaché. C'est par ce principe que les internautes chinois censurés sur les réseaux sociaux et les blogs, aidés de la communauté Ethereum, continuent de dénoncer le scandale des vaccins de mauvaise qualité destinés aux enfants en bas âge vendus par l'entreprise Changsheng Biotechnology. L'article de blog intitulé "The Vaccine King" — dénonçant 10 ans d'exactions du laboratoire Changsheng Biotechnology —  publié sur le reseau social WeChat en Chine a été très vite retiré par les services gouvernementaux,  mais est désormais lisible sur une transaction  Ethereum à 0,42$ :
 
etherscan article
Copie d'écran du site de recherche Ethereum etherscan.io de la transaction contenant le message de blog "The Vaccine King".
Ce système de contournement de la censure parfaitement efficace a bien entendu encore des limitations : accéder aux transactions requiert de la part des internautes chinois d'être au courant de leur existence, puis il leur faut récupérer soit les N° de celles-ci ou encore de connaître leur url exacte (adresse internet menant à la transaction par etherscan.io, par exemple). Mais avec le développement des échanges par blockchain ainsi que le "bouche à oreille" via les réseaux sociaux, il est possible que cette nouvelle forme de contestation numérique s'amplifie en Chine. Avec peu de solutions de censure pour le gouvernement, à part empêcher l'accès aux sites de recherche de transactions blockchain, ce qui serait problématique pour le développement de ces outils… qui intéressent fortement Pékin.