Fil d'Ariane
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Jack Ma a fondé Alibaba en 1999, devenu aujourd'hui numéro un chinois du commerce électronique.
Pékin a annoncé, jeudi, lancer une enquête anti-monopole contre Alibaba, numéro un chinois du commerce électronique fondé par Jack Ma en 1999. Le célèbre fondateur multimilliardaire a pu froisser le régime communiste en critiquant publiquement les régulateurs financiers de son pays.
Coup de tonnerre dans le monde des affaires en Chine: Alibaba, symbole de la réussite du pays dans l'économie numérique, est suspecté de « pratiques monopolistiques ». L'annonce de l'ouverture d'une enquête par l'Administration d'Etat pour la régulation des marchés contre le groupe a provoqué un plongeon des actions du champion du commerce en ligne de 8% à la Bourse de Hong Kong.
L'enquête contre Alibaba « est une mesure importante pour notre pays afin de renforcer la supervision antimonopolistique dans le secteur de l'Internet et promouvoir un développement sain à long terme de l'économie numérique », écrivait jeudi le Quotidien du peuple, organe du Parti communiste au pouvoir. Les autorités chinoises n'ont cependant guère fourni de détails sur ce qui est reproché à Alibaba, mis à part « un accord d’exclusivité » non précisé.
Voir aussi : Le jour des célibataires : une manne financière pour le géant Internet chinois Alibaba
Les médias chinois racontent à l'envi les débuts du célèbre fondateur de la firme : son ascension à partir d'un milieu pauvre, un père peinant à faire vivre sa famille, un bac raté deux fois, les petits boulots, jusqu'à la création d'Alibaba dans un appartement de Hangzhou (est), avec 60.000 dollars empruntés à des amis.
Jack Ma (Ma Yun de son nom chinois) avait décidé d'abandonner son métier d'enseignant à l'université après avoir découvert Internet lors d’un voyage aux Etats-Unis et saisi la possibilité offerte aux entreprises d'échanger leurs biens en ligne.
« La première fois que j'ai utilisé Internet, j'ai tapé sur le clavier et je me suis dit: " Voici quelque chose (...) qui va changer le monde et la Chine "», avait-il déclaré à la chaîne américaine CNN.
Il comprend aussi vite le potentiel des smartphones: avec son service Alipay, il sera le pionnier du paiement électronique mobile. Ces intuitions lui valent une réputation de visionnaire dans un pays où l'argent liquide est en voie de disparition au profit du paiement par smartphone.
En 2006, le décollage de la plateforme d'e-commerce d'Alibaba, Taobao, oblige l'américain eBay à se retirer du marché chinois, laissant la voie libre à son rival. Le triomphe arrive en 2014 lorsqu'Alibaba entre en Bourse à Wall Street, levant 25 milliards de dollars, un record pour l’époque. Le groupe réédite l'exploit l'an dernier à Hong Kong, en levant 13 milliards de dollars.
Les excentricités de Jack Ma détonnent dans l'univers corseté des entrepreneurs chinois : en 2017, il s'était grimé en Michael Jackson lors d'un gala d’entreprise... mais il n'en est pas moins membre du très austère Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir.
Voir aussi : Chine : Jack Ma, le patron d'Alibaba, veut devenir philantrope
De Davos à Wall Street, il côtoie les grands de ce monde et promet à Donald Trump de créer un million d'emplois aux Etats-Unis en janvier 2017, alors que le milliardaire américain s'apprête à entrer à la Maison Blanche. Il retirera sa promesse plus tard, invoquant la guerre commerciale lancée par le président américain contre son pays.
En septembre 2018, Jack Ma annonce qu'il prendra sa retraite un an plus tard, le jour de ses 55 ans. Il entend se consacrer à des oeuvres de philanthropie dans l'éducation, à l'instar d'un de ses modèles, le fondateur de Microsoft Bill Gates.
« Il y a manifestement une escalade des efforts coordonnés visant à entraver l'empire de Jack Ma, qui symbolisait les nouvelles entités chinoises trop grosses pour faire faillite », a observé pour l'agence Bloomberg l'analyste Dong Ximiao, de l'Institut de la finance sur Internet de Zhongguancun, la "Silicon Valley" de Pékin.
Même s’il n'est plus officiellement à la tête de son groupe, le géant du e-commerce a toutefois « promis de coopérer activement ». Outre l'enquête contre la maison-mère, les régulateurs ont annoncé avoir contacté Ant Group, leader mondial du paiement en ligne, pour des questions de « supervision », moins de deux mois après que Pékin eut annulé à la dernière minute l'introduction en Bourse de cette filiale d'Alibaba.
Cette entrée en Bourse s'annonçait comme un record du monde, avec un butin de 34,4 milliards de dollars (27,4 mds EUR). Dans un communiqué, Ant Group a fait savoir qu'il allait « rapidement étudier les demandes des autorités de régulation et s'y conformer strictement ».
La suspension de l’entrée en bourse d'Ant Group début novembre avait déjà provoqué la stupeur. Elle survenait quelques jours après un discours à Shanghaï de Jack Ma, lors duquel le multimilliardaire avait critiqué l'action des régulateurs financiers. Ces propos lui avaient valu une convocation par les autorités et Jack Ma n'a pas été vu en public depuis le fiasco boursier d'Ant Group.
Une réunion des plus hauts dirigeants du régime la semaine dernière autour du président Xi Jinping a appelé à « s'opposer fermement aux monopoles ».
« Le message politique subliminal, c'est qu'aucune entreprise ni individu n'a le droit de défier le Parti communiste quelle que soit sa taille », a commenté pour l'AFP Richard McGregor, de l'Institut Lowy à Sydney.
Signe de l'impatience des pouvoirs publics à l'encontre d'Alibaba, le groupe venait déjà d'écoper la semaine dernière d'une amende de 500.000 yuans (62.000 euros) pour n'avoir pas fait état d'une acquisition.