Fil d'Ariane
Une épidémie de maladies respiratoires a fait son apparition dans plusieurs régions chinoises. Les contaminations concernent principalement les enfants. Quatre ans après l’apparition des premiers cas de Covid-19, Pékin tente de rassurer. Mais les autorités sanitaires internationales restent prudentes.
Pékin, Chine, vendredi 24 novembre 2023. Un enfant portant un masque se tient devant un hôpital pour enfants. L'OMS rapporte que les autorités chinoises affirment n'avoir détecté aucune « maladie inhabituelle ou nouvelle » dans le pays, bien que la Chine soit face à une augmentation potentiellement inquiétante des maladies respiratoires et des cas de pneumonie chez les enfants.
À la toute fin de l’année 2019, une “mystérieuse pneumonie virale" fait rage à Wuhan. Cette ville de 11 millions d’habitants située au centre de la Chine est connue dans le pays pour abriter le grand marché Huanan, où l’on vend toutes sortes d’animaux vivants. La maladie, un temps baptisée “le virus chinois”, va s’avérer être le Covid-19. Elle ne tardera pas à s’exporter sur le continent asiatique puis partout dans le monde.
Responsable de plus de sept millions de morts selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le coronavirus va générer une pandémie mondiale, marquée par des périodes de confinement partout dans le monde, les fermetures des frontières et un effondrement de l’économie internationale.
Près de quatre ans après cette crise sanitaire majeure, la Chine fait face à une nouvelle épidémie de maladies respiratoires. Mi-novembre, les autorités chinoises ont fait savoir que des cas de pneumonies qui touchent principalement les enfants ont été enregistrés dans le nord du pays. Fièvre, inflammation pulmonaire sans toux ou encore nodules pulmonaires figurent parmi les symptômes les plus fréquents.
Ces derniers jours, l'hôpital de l'institut de pédiatrie de Pékin a été pris d’assaut par des parents accompagnés de leurs enfants. D’après les informations des services hospitaliers transmises à l’AFP, il s’agirait “d’infections mycoplasma pneumoniae, une cause connue de pneumonies pédiatriques, traitée avec des antibiotiques”. Mais sur les réseaux sociaux, des utilisateurs s'inquiètent déjà d'"un nouveau virus venant de Chine", ou d'"un nouveau Covid".
Depuis la mi-octobre, l'OMS étudie les données des systèmes de surveillance chinois. Selon ces observations, ils montrent une augmentation sensible des maladies respiratoires chez les enfants dans le nord de la Chine.
Pékin, qui dispose d'un système de surveillance des maladies de type grippal et des infections respiratoires aiguës sévères, comme la grippe, le VRS, le SARS-CoV-2, a entamé mi-octobre une surveillance renforcée de diverses maladies respiratoires. Pour la première fois, le pays a justement placé sous surveillance les mycoplasma pneumoniae, ou pneumonies pédiatriques.
Lundi 20 novembre, le système de veille ProMED a émis une alerte sur des hôpitaux chinois "submergés d'enfants malades". Cette flambée est signalée principalement à Pékin et dans des villes telles que Liaoning, dans le nord-est de la Chine. Tous les malades avaient contracté une infection respiratoire inconnue, rapporte encore ProMED.
Ce réseau mondial rassemble à ce jour 40.000 médecins, biologistes et chercheurs internationaux. Ensemble, ils collectent quotidiennement des données dans le monde sur l'apparition d'épidémies et les publient ensuite gratuitement. C’est ce même dispositif qui était à l'origine, fin 2019, du tout premier signal sur la pneumonie mystérieuse qui se révèlera être le Covid-19.
Selon les autorités chinoises, "aucun pathogène inhabituel ou nouveau n'avait été détecté". Mais dans un communiqué, l'OMS signale toutefois "une hausse des consultations externes et des hospitalisations d'enfants” en Chine.
En réponse, les autorités chinoises se veulent rassurantes. Elles assurent que ces contaminations signalées ces derniers mois sont liées à l'abandon des restrictions anti-Covid, à la chute drastique des températures et à la circulation saisonnière de pathogènes connus (virus de la grippe, bactérie mycoplasma pneumoniae, VRS à l'origine de bronchiolites, SARS-CoV-2).
L’heure n’est pas non plus à l’inquiétude parmi la population locale. "Je ne suis pas inquiète de cette annonce de l'OMS. C'est l'hiver, donc c'est normal qu'il y ait plus de cas de maladies respiratoires. C'est dû à la saison", assure Li Meiling, une mère de famille âgée de 42 ans, interrogée jeudi 23 novembre par l’AFP. Elle s’était rendue à l'hôpital de Pékin avec sa fille, également atteinte d'infection pulmonaire liée à Mycoplasma pneumoniae. "Elle n'a pas beaucoup de symptômes. Mais il est vrai que beaucoup d'enfants de son âge sont touchés en ce moment", a-t-elle encore expliqué à l'AFP.
À ce stade, plusieurs experts ont pointé les répercussions du premier hiver depuis l'arrêt des restrictions Covid en Chine et un déficit d'immunisation des enfants comme causes probables de la hausse des infections. Interrogée par l’AFP, Catherine Bennett, docteure en anthropologie biologique à l'université Deakin en Australie, relève que "les jeunes enfants scolarisés (actuellement) en Chine auront passé jusqu'à la moitié de leur vie sans l'exposition habituelle aux pathogènes courants, donc sans les mêmes niveaux d'immunité".
Tant qu'il n'y a pas de nouvelle preuve, il n'y a pas de raison de soupçonner l'émergence d'un nouveau pathogène.
François Balloux
“La Chine a connu un confinement bien plus long et plus strict que les autres pays”, rappelle de son côté le professeur François Balloux, de l'University College of London, rattaché au Science Media Centre (SMC) britannique. "Tant qu'il n'y a pas de nouvelle preuve, il n'y a pas de raison de soupçonner l'émergence d'un nouveau pathogène", assure-t-il.
Il y a "trop peu d'informations pour une évaluation définitive", indique aussi à l’AFP Paul Hunter, de l'université britannique d'East Anglia (UEA). Ce professeur de médecine, chercheur en épidémiologie des maladies infectieuses émergentes, assure que ce que les différentes données rapportées "n'évoquent pas une épidémie causée par un nouveau virus, sinon il y aurait beaucoup plus d'infections d'adultes”. "Les quelques infections rapportées chez des adultes suggèrent une immunité générale née d'une précédente exposition", analyse encore Paul Hunter.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a épinglé plusieurs fois Pékin pour son manque de transparence sur la pandémie et a été elle-même critiquée sur son délai de réaction au Covid, a demandé davantage d'informations sur la hausse d'infections respiratoires chez les enfants. "L'OMS a adressé une demande officielle à la Chine pour obtenir des informations détaillées sur une augmentation des maladies respiratoires et des foyers de pneumonie signalés chez les enfants", a indiqué l'organisation dans un communiqué.
On ne dispose que de peu d'informations détaillées pour caractériser pleinement le risque global de ces cas de maladies respiratoires chez les enfants.
Organisation mondiale de la santé (OMS)
Mercredi 22 novembre, l'OMS s’est même inquiétée d'une hausse de maladies respiratoires en Chine. Dans un communiqué, elle a demandé à la population locale de "prendre des mesures" de protection. "Des mesures visant à réduire le risque de maladie respiratoire" sont aussi recommandées par l'OMS : vaccination, distanciation avec les malades, isolement en cas de symptômes, masques et tests si nécessaires. "Sur la base des informations disponibles", "aucune mesure spécifique" n'est préconisée pour les voyageurs allant en Chine, ni restrictions sur les voyages ou le commerce, ajoute l'OMS.
Pour l'OMS, "on ne dispose que de peu d'informations détaillées pour caractériser pleinement le risque global de ces cas de maladies respiratoires chez les enfants", mais avec "l'arrivée de la saison hivernale, on s'attend à une tendance à l'augmentation des maladies respiratoires".