Est-ce justement une volonté des deux puissances de réduire cette dépendance envers les Etats-Unis et l’Europe ? Du point de vue russe, c’est une volonté de diversifier les exportations d’hydrocarbures et de gaz. Mais de son côté, la Chine importe peu de la Russie. Son pétrole vient principalement du Moyen–Orient ou d’Afrique. La Russie ne constitue que l’un de ces fournisseurs car la Chine a des besoins importants notamment en gaz naturel. Le pays importe donc de beaucoup de pays
, notamment en Asie centrale. La Russie n’a pas encore atteint un niveau d’exportation qui pourrait constituer un moyen de pression sur la Chine. Hormis cette entente que les deux chefs d’Etats n’ont pas manqué d’exposer la semaine à l’Apec, existe-t-il toujours une méfiance politique entre les deux pays ? Je crois qu’il y a plus de méfiance du côté russe que du côté chinois parce qu’une nouvelle asymétrie s’est créée. Depuis 2010, la Chine est devenue la
deuxième puissance économique mondiale. La Russie arrive loin derrière (8
e puissance économique au monde en valeur, ndlr), et surtout son
économie n’est pas en très bonne santé qui dépend principalement des exportations de produits énergétiques ou de produits de matières premières. La relation s‘est plutôt développée ces dernières années en faveur de la Chine. C’est pour ça que les Russes ont une certaine réserve à l’égard de cette relation. Avec Poutine et la crise autour de l’Ukraine, la relation entre la Russie et la Chine s’est resserrée. La question que l’on peut maintenant se poser c’est de savoir combien de temps cela va durer. A l’avenir, est-ce que ce partenariat stratégique pourra rester aussi étroit, aussi solide à plus long terme ? Les Russes essaieront sûrement de ne pas devenir trop dépendants de la Chine. Ils maintiendront une forme de distance parce qu’ils se méfient notamment des ambitions chinoises à la fois économiques et diplomatiques en Asie centrale et de son influence économique grandissante en Sibérie. Cette relation n’est donc pas dénuée d’arrière-pensées mais qui sont, pour l’instant, relayées au second plan. Clairement, c’est la solidarité qui l’emporte. Parce que des deux côtés il y a une volonté de rééquilibre ou de se mettre en opposition à l’Occident
, en général
, et notamment aux Etats-Unis. C’est le cas sur la crise en Ukraine qui, au départ, ne servait pourtant pas les intérêts de la Chine. L’annexion de la Crimée par la Russie va à l’encontre de ce que pense la Chine sur l’indépendance des nations, la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays. Mais au nom de sa solidarité avec la Russie et de son opposition à l’Occident, la Chine a mis cette affaire de côté et s’est montrée très discrète sur cette affaire, la critiquant à peine.