Reste que si la fermeture annoncée des camps ne signe pas la fin des enfermements arbitraires, elle ne sonne pas non plus le glas... des camps de travail, rappelle Jean-Luc Domenach. Car en Chine, si les camps de rééducation par le travail sont de l'enfermement arbitraire et visiblement voués à être fermés, les camps de travail "tout court" s'inscrivent dans la chaîne judiciaire. Il s'agit, en somme, d'un mode d'emprisonnement parmi d'autres. "Ce ne sont pas les derniers camps de travail qui disparaissent ! insiste le sinologue. C'est la catégorie la moins judiciaire et la moins juridique des camps de travail chinois. Le gros du travail demeure."
A son sens, l'écriture dans la loi de la fermeture du Lao Jiao reste une avancée importante. "Cela ne signe pas la fin des arrêts arbitraires, mais cela signe la fin d'un système d'arrêts arbitraires. C'est-à-dire que la Sécurité, évidemment, va continuer à organiser des arrestations chaque fois qu'elle en aura besoin et à trouver des systèmes de détention arbitraires. D'autre part, elle va essayer de soustraire à cette mesure toute une série de camps d'éducation mal connus. Tout ça c'est vrai, mais c'est quand même très important que disparaisse des textes officiels un système de détention qui était devenu la cassette de la police. Désormais, tous les ennemis de la police pourront arguer de la suppression de ce système de détention pour aller regarder, pour aller enquêter sur les autres. Mais attention, ça n'a rien à voir avec une évolution vers la démocratie. Tout cela a à voir avec une évolution vers un système de détention qui produise moins d'inconvénients et qui soit moins l'objet de critiques, notamment en Chine, parce que maintenant il y a de vrais milieux qui protestent."
Pour sa part, bien qu'elle se méfie des effets d'annonce des dirigeants chinois, Marie Holzman relève certains efforts : "après l'annonce de janvier, un certain nombre de provinces, dont celle du Guandong, ont annoncé qu'elles allaient fermer les Lao Jiao. Et j'ai eu des témoignages comme quoi, effectivement, il y avait eu des camps qui ont été vidés. Mais ça, avant même l'annonce du plenum !" Cependant, selon elle, point trop n'en faut : "toutes les mesures prises en Chine sont parfaitement pragmatiques. Tant qu'on peut taper sur la tête du citoyen et qu'il ne crie pas 'aie', on continue. Si à un moment il crie trop fort et risque de se rebeller, on trouve une autre méthode."