La guerre dite "froide" qui a eu cours durant cinq décennies a laissé des traces dans notre vocabulaire quotidien, même 30 ans après la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989. Petit lexique non exhaustif...
Les sources divergent quant à la paternité de cette expression.
Certaines l'attribuent à
l'écrivain britannique George Orwell, homme de gauche, anti-stalinien convaincu, qui combattit dans les Brigades internationales lors de la guerre civile espagnole (1936-1939).
L'auteur de l'implacable
Ferme des animaux a employé l'expression dès 1945 dans son pamphlet
You and the atomic bomb, évoquant le concept de "cold war". "
L'état permanent de guerre froide avec son voisin", écrit-il alors.
Mais selon l'
Encyclopédie Universalis cette expression proviendrait du financier américain Bernard Baruch et du journaliste Walter Lippmann. La Guerre froide c'est : "
la longue épreuve de force qui s'est engagée entre les Etats-Unis et l'Union Soviétique après la dissolution, au lendemain de la capitulation du Reich, de la coalition anti-hitlérienne".Cette guerre se matérialisera sous plusieurs formes : idéologique, spatiale, culturelle, sportive...
Aujourd'hui encore, lorsqu'on évoque le climat de tension avec la Russie de Vladimir Poutine, on n'hésite pas à parler de "
Guerre froide" avec l'Occident, comme si le monde était encore polarisé alors qu'il est multilatéral.
Cette Guerre froide se matérialise aussi par la division du monde en deux blocs : blocs soviétique à l'Est et bloc occidental à l'Ouest, le bloc du Pacte de Varsovie et le bloc de l'OTAN. Le monde d'après 1945 s'organise autour de ces deux pôles (d'où le terme de "bipolaire") : celui des États-Unis et de ses alliés de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et celui de l'URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques), à savoir la Russie soviétique et les républiques associées et les Etats "satellites" tels que la Pologne ou l'Allemagne de l'Est (RDA). C'est d'ailleurs dans cette république dite "démocratique" que s'est matérialisée la frontière physique entre les deux blocs avec le mur de Berlin et plus largement le "Rideau de fer".
Nous sommes le 5 mars 1946, lorsque Winston Churchill prononce la phrase la plus célèbre de l'après-guerre : «
De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l'Adriatique, un rideau de fer s'est abattu sur le continent. »
Churchill - qui vient de quitter le pouvoir après un échec aux législatives - est invité par le nouveau président américain, Harry Truman, désireux de profiter de la clairvoyance du vieux lion. C'est lors de ce voyage qu'il prononce son discours au collège de Westminster à Fulton dans le Missouri. Discours durant lequel il prévient des dangers de l'expansion soviétique : «
Jamais la guerre n'aurait été plus facile à éviter que celle qui vient de ravager de si grandes étendues du globe. Sûrement, nous ne devons pas permettre qu'une telle chose se reproduise.»
A la faveur de la libération des pays d'Europe de l'Est et la défaite du IIIe Reich, l'URSS de Joseph Staline fait tomber dans son giron les pays dits "satellites" de l'hyperpuissance soviétique : Pologne, Hongrie, Roumanie, RDA etc. C'est en République démocratique allemande que le "rideau de fer" se matérialise avec l'érection d'un mur qui coupe Berlin en deux. "Mur de la honte" à l'ouest, "mur de protection antifasciste" à l'est, il est construit la nuit du 13 août 1961, sous le regard médusés des Berlinois qui apprirent à vivre avec jusqu'à sa chute il y a 30 ans.
Le rideau de fer c'est aussi la frontière fortifiée qui existait entre RDA, Tchécoslovaquie, Hongrie, Bulgarie d'une part et RFA, Autriche, Grèce et Turquie d'autre part. Ce rideau s'effondre peu à peu tout au long de l'année 1989.
Lors de la conférence de Yalta (février 1945), les puissances victorieuses décident le partage de la ville de Berlin en quatre secteurs : américain, français et britannique à l'Ouest, soviétique à l'Est. En 1948, Staline tente un coup de pression et impose un blocus de la ville : plus aucune liaisons terrestres avec Berlin. Les Alliés décident alors de passer outre afin de ravitailler la ville déjà meurtrie par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Ils organisent le tout premier pont aérien de l'Histoire.
Et pour cause la technologie (les avions militaires de la Royal Air Force et de la US Air Force) est au point ! Cette méthode aéroportée sera utilisée plusieurs fois dans l'Histoire contemporaine pour venir en aide aux civils. Notamment lors de la chute de Saïgon, en 1975, qui permit l'évacuation d'un demi million de personnes. En 1948-1949, le blocage soviétique dura moins d'un an. Devant l'inefficacité de sa stratégie, Moscou décide de tout stopper. Quelques années plus tard un autre blocus fera parler de lui. Il reste encore en vigueur aujourd'hui...
Voilà un autre terme inventé dans cette période qui raisonne à nos oreilles. Embargo" est un mot espagnol qui signifie "placer sous séquestre". C'est la méthode utilisée par les Etats-Unis contre Cuba. Elle consiste à isoler politiquement et économiquement un pays. L'embargo contre Cuba est mis en place en février 1962 à la suite de nationalisations décrétées par le régime communiste de Fidel Castro. Ce qui eu pour conséquence l'expropriation de compagnies américaines. A ce jour, l'embargo est assoupli mais reste toujours en vigueur. Et le terme est resté.
Aujourd'hui on parle d'
embargo pétrolier au Venezuela, pour évoquer les mesures imposées par les États-Unis. Tout comme on a parlé d'embargo sur la viande bovine exercé par la Chine contre la France, en raison de la maladie de la vache folle.
"
Des associations demandent un «plan Marshall» contre les violences conjugales", titre
Le Figaro, en septembre 2019. "
Ebola : un "Plan Marshall" pour les pays les plus touchés", écrivions-nous en 2015. Le plan Marshall historique lui est le Programme de rétablissement européen décrété en 1947. Il fut communément baptisé "plan Marshall" en référence au Secrétaire d'Etat américain, George Marshall, à l'origine du projet financier d'aide à la reconstruction de pays européens tels que la France, l'Italie ou le Royaume-Uni. Et comme toujours à cette époque, c'est aussi une manière de diffuser les idées libérales et de contenir l'expansion communiste dans les pays occidentaux (l'endiguement cher au Président Truman). L'expression de "plan Marshall" passée dans le langage commun est utilisée dès qu'il faut en venir en aide économiquement à un pays, une cause. Bref dès qu'il est question de gros sous...
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Peu à peu, j'ai découvert que la ligne de partage entre le bien et le mal ne sépare ni les Etats ni les classes ni les partis, mais qu'elle traverse le coeur de chaque homme et de toute l'humanité." Voilà ce qu'écrivait le grand auteur russe Alexandre Soljenitsyne dans
L'archipel du goulag, le livre coup de poing sur les camps de travail forcé dans la Russie soviétique.
"Goulag" est en réalité l'acronyme russe d' "Administration principale des camps". Dirigée par la police politique du régime soviétique, elle décidait d'envoyer dans ces camps concentrationnaires les criminels, les dissidents et les opposants politiques, réels ou supposés. Il s'agit donc là d'un abus de langage mais le terme de "goulag" suffit à évoquer les conditions dans lesquelles les prisonniers vivaient et leur déshumanisation totale. Dans d'autres pays totalitaires comme le Vietnam, le Cambodge des Khmers Rouges, la Chine... des camps de travail similaires existaient aussi (ou existent encore en Corée du nord).
Aujourd'hui, il est communément accepté de parler de "goulag" lorsqu'on évoque des camps d'enfermement et de travail forcé, institutionnalisés par un régime autoritaire comme instrument de terreur.
L'expression vient de Nikita Khrouchtchev, dirigeant soviétique, qui a initié la destalinisation de l'URSS. Lors du XXe congrès du parti soviétique, en 1956, il dénigra son prédécesseur durant quatre heures, dénonçant - entre autres - l'adulation excessive dont le "Petit Père des Peuples" Joseph Staline faisait l'objet.
L'expression de culte de la personnalité est aussi associée à la vénération institutionnalisée, à coup de propagande, envers Mao Zedong en Chine, Nicolae Ceausescu en Roumanie ou Kim Jong Un, descendant d'une lignée de dictateurs en Corée du Nord.
George Orwell - encore lui ! - en fera une excellente satire dans son livre à la fois critique et dystopique
1984 avec le personnage de "
Big Brother" (Grand Frère) objet d'un véritable culte de la personnalité. Émanation de ce climat de Guerre froide, "Big Brother" est aujourd'hui encore la personnification de l’État policier et de l'entrave aux droits individuels (vidéosurveillance, reconnaissance faciale....).