Depuis la bruyante Schönhauser Allee, lorsque l'on s'avance dans les travées du plus vieux cimetière juif de Berlin, c'est d'abord le silence qui nous saisit. Puis la solitude : même au plus fort de la saison touristique, le lieu reste désert, le petit musée qui le côtoie aussi. Cette nécropole juive est aussi la plus grande d'Europe. Il est toujours longé par une ruelle, le Judengang, lieu de passage obligé autrefois des convois funéraires, afin de ne pas indisposer le voisinage, lieu de débarras aujourd'hui.
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En avançant toujours, on réalise alors que ce n'est pas seulement la végétation luxuriante qui offre aux yeux cette géographie du chaos, mais les tombes renversées, fracassées, jamais relevées.
Le lieu a été ravagé deux fois. Par les nervis de la SS d'abord, venus en hordes sauvages profaner les sépultures, après 1933, bien avant la guerre. Par les bombardements des alliés ensuite, mais par hasard, en 1944 et 1945, lorsque l'horreur touchait à sa fin et qu'un déluge s'abattait sur la capitale du Reich. Ici, nul besoin de mémorial, l'histoire imprègne le corps des passants. Nous sommes tous des Juifs allemands...
"À cause de la Shoah, mon regard était devenu perçant et sensible. (...) Je compris alors que Berlin était une ville sans pareille, car on pouvait à travers ce paysage urbain déchiffrer tout le passé de notre temps, appréhender, comme dans des coupes géologiques, ses différentes strates - le Berlin impérial, le Berlin wilhelminien, le Berlin nazi, le Berlin allié, le Berlin rouge, communiste - qui coexistent, se conjuguent, se fondent en quelque chose d'unique pour l'histoire du XXème siècle." Extrait du Lièvre de Patagonie, Claude Lanzmann, ed Gallimard, 2009
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Des Juifs allemands attendent devant un bâtiment pour obtenir un visa d'émigration, Berlin. Allemagne, 1933-1939.Crédit photographique : Mémorial de la Shoah/CDJC