Coalition en Autriche : l'irrésistible ascension de la droite

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Kurz Strache

Sebastian Kurz et Heinz-Christian Strache lors d'une conférence de presse commune après la formation du gouvernement de coalition à Vienne le 16 décembre 2017.

©AP/Ronald Zak
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Après deux mois de négociations, le gouvernement autrichien est enfin connu. Il sera investi ce lundi. A 31 ans, le nouveau chancelier, Sebastian Kurz, va devenir le plus jeune dirigeant au monde. Dans son gouvernement, le FPÖ d’extrême droite obtient les postes clés.

Sebastian Kurz a atteint son but : après deux mois de négociations avec le FPÖ, le parti d'extrême droite autrichien, le chef des conservateurs (ÖVP), arrivé en tête des élections législatives du 15 octobre dernier, a formé son gouvernement avant Noël, comme il s'y était engagé.

3 ministères régaliens à l'extrême  droite

Au sein de ce nouveau gouvernement, la répartition des tâches est clairement affirmée : aux conservateurs reviennent les questions économiques, à l'extrême-droite les questions de sécurité. L'ÖVP obtient 8 ministères : les Finances, l'Economie, l'Education ou encore le ministère de la Justice. Le FPÖ obtient lui 6 portefeuilles, en plus du poste de vice-chancelier de son leader Heinz-Christian Strache. Et notamment le ministère de l'Intérieur – qui avait échappé au FPÖ en 2000, la dernière fois que le parti était entré au gouvernement, déjà aux côtés de l’ÖVP – celui de la Défense ou encore celui des Affaires étrangères, expurgé toutefois de la politique européenne. Sebastian Kurz a exigé que les questions concernant l’Union Européenne soient de son ressort.

Vers un Etat de surveillance ?

Reste que le FPÖ dirigera à la fois les militaires, les services secrets et la police. Une concentration de pouvoir qui inquiète l’opposition, notamment le parti social-démocrate, arrivé deuxième, devant le FPÖ, lors des élections législatives du 15 octobre dernier. Le porte-parole des Verts, Werner Kogler, considère même que ces nominations « ouvrent la voie à un état de surveillance ».

Autre point critiqué par l’opposition: la nomination de Herbert Kickl comme ministre de l’Intérieur et de Mario Kunasek à la Défense. Tous deux sont des figures controversées du FPÖ, jugées extrêmes. L’opposition a lancé un appel à Alexander Van der Bellen, le président autrichien, qui a un droit de regard sur la composition du gouvernement.

Accord sur la sécurité et l'immigration

L’accord de gouvernement porte « sur les cinq années à venir », a précisé Sebastian Kurz, le futur chancelier. Fruit de deux mois de négociations, cette feuille de route est très conservatrice. Sur la question migratoire d’abord : le FPÖ et l’ÖVP souhaitent réduire l’aide financière à laquelle les réfugiés ont droit et, à l’avenir, les réfugiés ne pourront demander la nationalité autrichienne qu’après 10 ans de présence dans le pays, contre 6 actuellement.

Autre point d’accord : la sécurité. Outre la création de nouveaux postes dans la police, le FPÖ et l’ÖVP veulent accentuer la lutte contre le terrorisme, en faisant appel à la vidéosurveillance notamment. Plusieurs autres mesures envisagées par les deux partis font beaucoup parler depuis plusieurs jours: l’autorisation des journées de travail de douze heures, mais surtout l’annulation d’une réforme, votée sous le précédent gouvernement, qui visait à interdire la cigarette dans les restaurants.

Discorde sur la votation populaire

Il y a tout de même un point de discorde entre les deux partis. Il concerne la démocratie directe. Le FPÖ veut s'inspirer du modèle suisse. Le parti souhaitait l’organisation de consultations populaires lorsque au moins 4% des citoyens autrichiens, environs 250 000 personnes, le réclament. Sebastian Kurz, lui, voulait que ce système de votation ne soit possible que lorsque 10% des citoyens autrichiens le demandent, soit 640 000 personnes environ.

Le débat n’est pas anodin car en filigrane, il pourrait introduire la question de l’appartenance de l’Autriche à l’Union européenne. Et l’ÖVP y est opposé. Voilà pourquoi il a été décidé, dans les dernières heures des négociations, que non seulement la question européenne serait exclue de ce système de votation populaire, mais aussi que le seuil sera fixé à 900 000 citoyens autrichiens. Bien plus, donc, que ce que souhaitaient initialement les deux partis.

Reste que la question européenne sera évidemment importante dans les mois à venir : le FPÖ voulant se rapprocher du groupe de Visegrad – groupement de pays eurosceptiques, qui rassemble la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie – l’ÖVP se disant, lui, clairement pro-européen. D’autant que l’Autriche présidera le Conseil de l’Union européenne de juillet à décembre 2018.

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