Fil d'Ariane
Les séparatistes arméniens du Nagorny Karabakh ont annoncé qu'ils déposeront les armes mercredi dans le cadre d'un cessez-le-feu et négocieront dès jeudi la réintégration de cette région disputée à l'Azerbaïdjan. Un accord trouvé après une médiation des forces russes de maintien de la paix. L'Azerbaïdjan a confirmé un cessez-le-feu mercredi et des pourparlers jeudi.
Un immeuble résidentiel endommagé suite à un bombardement à Stepanakert, dans le Haut-Karabakh. @Photo AP/Siranush Sargsyan.
L'Arménie a affirmé mercredi qu'au moins 32 personnes avaient été tuées et plus de 200 autres blessées depuis l'offensive au Nagorny Karabakh lancée la veille par les forces azerbaïdjanaises dans cette région disputée avec Erevan.
"Il y a actuellement 32 morts, plus de 200 personnes blessées, en incluant sept morts (dont deux enfants) et 35 blessés (dont 13 enfants) parmi la population civile", a indiqué Anahit Manassian, responsable nommée par les autorités en charge de la protection des droits humains.
L'offensive de l'Azerbaïdjan au Nagorny Karabakh cessera si les séparatistes arméniens "déposent les armes", a affirmé le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, lors d'un appel téléphonique avec le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken.
"Le chef de l'Etat (azerbaïdjanais) a affirmé que les mesures anti-terroristes seront interrompues si (les séparatistes arméniens) déposent les armes et sont désarmés", a indiqué la présidence azerbaïdjanais dans un communiqué publié mercredi.
"La population civile et les infrastructures ne sont pas ciblées, seules les cibles militaires légitimes sont détruites", a assuré le président azerbaïdjanais. Il s'agit de ses premières déclarations première depuis l'offensive lancée mardi.
Trois ans après une guerre qui avait débouché sur une déroute militaire de l'Arménie, la reprise du conflit s'est invitée mardi en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies, la France réclamant une réunion "d'urgence" du Conseil de sécurité pour prendre acte d'une offensive "illégale" et "injustifiable" menée par Bakou au Nagorny Karabakh.
Cette réunion pourrait avoir lieu "dans les prochains jours", ont indiqué à l'AFP deux sources diplomatiques, évoquant jeudi.
Le chef de l'ONU a appelé "dans les termes les plus forts, à un arrêt immédiat des combats, à la désescalade et au respect plus strict du cessez-le-feu de 2020 et des principes du droit international humanitaire", selon un communiqué publié mardi soir, par son porte-parole Stéphane Dujarric.
Des enfants mangent assis dans un abri pendant les bombardements à Stepanakert, dans le Haut-Karabakh, le 19/09/23. @Photo AP/Siranush Sargsyan.
La Russie a également exhorté mercredi matin à "cesser immédiatement l'effusion de sang, à mettre un terme aux hostilités et à arrêter les pertes civiles", dans un communiqué de son ministère des Affaires étrangères.
La présidence azerbaïdjanaise a appelé mardi soir les troupes du Nagorny Karabakh, territoire sécessionniste d'Azerbaïdjan majoritairement peuplé d'Arméniens, à déposer les armes, condition sine qua non pour le début de négociations.
Les forces armées arméniennes illégales doivent hisser le drapeau blanc, rendre toutes les armes et le régime illégal doit se dissoudre. Autrement, les opérations antiterroristes continueront jusqu'au bout.
Présidence azerbaïdjanaise
La présidence a proposé, en cas de capitulation, des pourparlers "avec les représentants de la population arménienne du Karabakh à Yevlakh", une ville azerbaïdjanaise à 295 km à l'ouest de Bakou.
Auparavant, les autorités de cette région avaient réclamé un cessez-le-feu immédiat et des négociations.
Depuis mardi, les combats ont fait au moins 29 morts. Les séparatistes ont signalé 27 morts, dont deux civils, et plus de 200 blessés, tandis qu'environ 7.000 habitants de 16 localités ont été évacués.
L'Azerbaïdjan a rapporté que deux civils avaient péri dans les zones sous son contrôle. Dans la ville de Choucha, un ouvrier du bâtiment est décédé à la suite d'éclats d'obus, et un autre civil est mort dans le district d'Agdam.
Les séparatistes affirment que plusieurs villes du Nagorny Karabakh, dont sa capitale Stepanakert, sont ciblées par des "tirs intensifs", qui visent aussi des infrastructures civiles.
Les affrontements ont lieu "sur toute la ligne de contact" de ce territoire et les Azerbaïdjanais dit avoir eu recours à l'"artillerie", à des roquettes, à des drones d'attaque, à des avions.
Soixante positions arméniennes y ont été conquises, a annoncé Bakou.
Quant à l'Arménie, qui a dénoncé une "agression de grande ampleur" à des fins de "nettoyage ethnique", elle a assuré ne pas avoir de troupes au Nagorny Karabakh, laissant entendre que les séparatistes étaient seuls face aux soldats azerbaïdjanais.
L'Arménie considère que c'est à la Russie, garante d'un cessez-le-feu datant de 2020 avec des forces de la paix sur le terrain, d'agir pour "stopper l'agression azerbaïdjanaise".
Le conflit de 2020 avait débouché sur une déroute militaire de l'Arménie qui avait dû céder à l'Azerbaïdjan du terrain dans et autour du Nagorny Karabakh.
Le 20 septembre 2023, de la fumée s'élève au-dessus d'une zone qui, selon l'Azerbaïdjan, abrite les positions des forces arméniennes sur le territoire du Haut-Karabakh. @Ministère de la Défense de l'Azerbaïdjan via AP.
Le ministère azerbaïdjanais de la Défense avait annoncé mardi matin le déclenchement d'"opérations antiterroristes" après la mort de six Azerbaïdjanais dans l'explosion de mines sur le site d'un tunnel en construction entre Choucha et Fizouli, deux villes du Nagorny Karabakh sous contrôle de l'Azerbaïdjan.
C'est un groupe de "saboteurs" séparatistes qui a posé ces engins explosifs, d'après ses services de sécurité.
"L'échec de la communauté internationale à agir est à l'origine de l'offensive azerbaïdjanaise", ont dénoncé les Arméniens du Nagorny Karabakh.
Les tensions s'aggravent depuis des mois autour de ce territoire qui a déjà été au coeur de deux guerres entre Erevan et Bakou. La première avait duré de 1988 à 1994, celle de l'automne 2020 s'était arrêtée au bout de six semaines.
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a accusé les Azerbaïdjanais de vouloir "entraîner l'Arménie dans les hostilités".
Nikol Pachinian, auquel l'opposition reproche d'avoir été responsable de la défaite d'il y a trois ans, a dénoncé des appels à un "coup d'Etat" dans son pays, où des heurts ont opposé des manifestants le qualifiant de "traître" et exigeant sa démission.
La Russie s'était dite "préoccupée" par "l'escalade brutale" de la situation au Nagorny Karabakh, et avait annoncé s'efforcer de faire revenir Erevan et Bakou "à la table des négociations" pour "éviter les pertes humaines", par la voix du porte-parole de la présidence, Dmitri Peskov.
Quant à la Turquie, qui a qualifié de "légitimes" les préoccupations ayant amené les Azerbaïdjanais à se lancer dans une action militaire, elle a également exhorté à la "poursuite du processus de négociations entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie".
Nikol Pachinian, qui n'a pas fait état de discussions avec Vladimir Poutine, a eu deux entretiens téléphoniques avec Emmanuel Macron et Antony Blinken.