Comment expliquer l’escalade des tensions entre le Liban et Israël ?

Après avoir été visée par plus de trente roquettes tirées du Liban le 6 avril, l’armée israélienne a mené des frappes contre le sud du Liban et la bande de Gaza ce 7 avril. Cette hausse des tensions entre les deux pays est inédite depuis 2006. À quoi est-elle liée ?
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ONU Liban Israel
Des soldats de l'ONU inspectent un petit pont détruit par une frappe aérienne israélienne dans un village du sud du Liban, le 7 avril 2023.
AP Photo/Mohammed Zaatari
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Peu avant l’aube le 7 avril, Israël mène des frappes contre le sud du Liban, fief du Hezbollah pro-iranien, et la bande de Gaza, fief du Hamas palestinien.  Ces deux organisations qui ont des branches politique et militaire sont considérées comme terroristes par les occidentaux. Plus tard dans la matinée, deux Israéliennes sont tuées et leur mère est grièvement blessée lors d’une attaque en Cisjordanie occupée. Il s’agit du dernier épisode d’une brusque montée de tensions au Proche-Orient depuis le 5 avril. Cela intervient après une accalmie toute relative du conflit israélo-palestinien observé depuis le début du Ramadan, le 23 mars. Il s’agit d’une escalade sans équivalent sur le front israélo-libanais depuis 2006. 

 2006 et la Guerre des 34 jours

  • Le 12 juillet 2006, deux soldats israéliens sont kidnappés par la milice chiite libanaise du Hezbollah, qui en tue 8 autres.
  • Des roquettes sont ensuite tirées d’Israël vers les centres névralgiques du Hezbollah et l’État hébreu impose un blocus international au Liban.
  • Le 14 juillet, le chef du Hezbollah proclame la “guerre ouverte.”
  • Alors que les frappes se multiplient, des négociations démarrent dans le cadre de l’ONU. 
  • Le 12 août, le Conseil de sécurité vote une résolution pour réclamer la cessation des hostilités. 
  • Le cessez-le-feu entre en vigueur le 14 août. 

Pourquoi des roquettes ont-elles été tirées depuis le Liban ? 

Le 6 avril dans l’après-midi, plus de trente roquettes ont été tirées en direction d’Israël depuis le Liban, où se trouvent des camps de réfugiés palestiniens. Au moins une personne a été blessée et de nombreux dégâts matériels sont à déplorer. L’armée israélienne accuse des activistes palestiniens d’être derrière ces tirs. Selon elle, ces tirs non-revendiqués viennent probablement du Hamas ou du Djihad islamique, un autre mouvement palestinien engagé dans la lutte contre Israël. Le lieutenant-colonel Richard Hecht affirme toutefois que “ce n’était pas le Hezbollah” libanais. 

Les tirs de roquettes ont eu lieu au lendemain de l’irruption violente le 5 avril de la police israélienne dans la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, troisième lieu saint de l’Islam, en plein Ramadan. Elle est intervenue afin d’en déloger des Palestiniens “extrémistes”, selon le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Dénonçant "un crime sans précédent", le Hamas a appelé les Palestiniens de Cisjordanie "à se rendre en masse vers la mosquée al-Aqsa pour la défendre".

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Depuis Beyrouth, le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh affirme le 6 avril que les Palestiniens “ne resteront pas les bras croisés” face aux “agressions” d’Israël contre cette mosquée. Il appelle également "toutes les organisations palestiniennes à unifier leurs rangs et intensifier leur résistance conte l'occupation sioniste". De son côté, le Premier ministre israélien a promis de faire “payer le prix fort” aux ennemis d’Israël. 

Faut-il craindre une guerre ?

Après différents conflits, Israël et le Liban sont techniquement en état de guerre. La ligne de cessez-le-feu est contrôlée par la Force intérimaire des Nations unies (Finul), déployée dans le sud du Liban. Selon la Finul, qui a pris contact avec les autorités des deux pays, “les eux parties ont dit qu’elles ne voulaient pas de guerre.” La Finul appelle par ailleurs “toutes les parties à cesser leurs actions” dans un communiqué.

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L’armée israélienne affirme qu’elle n’autoriserait “pas l’organisation terroriste Hamas à opérer à partir du Liban et qu’elle [tient] l’État libanais pour responsable de tout tir dirigé [vers Israël] à partir de son territoire.” De son côté, le Hamas condamne “dans les termes les plus forts possibles l’agression israélienne épouvantable” à Gaza et au Liban. Il dit tenir Israël “entièrement responsable des conséquences d’une agression aussi grave.” Selon des sources issues des mouvements palestiniens, l’Égypte, qui sert habituellement de médiateur entre Israël et les groupes palestiniens, a été informée par le Hamas et le Djihad islamique que “les factions palestiniennes poursuivront les tirs de roquettes si Israël continue ses agressions et raids aériens”.

Appels à la désescalade 

L’escalade des tensions est condamnée à l’international. Le Royaume-Uni appelle à la “désescalade” de “toutes les parties” à la suite des frappes Israéliennes de ce 7 avril. Londres “condamne les tirs de roquettes du Sud du Liban et de Gaza et reconnaît le droit d’Israël à se défendre”, souligne dans un communiqué le chef de la diplomatie britannique, James Cleverly. “Le moment est venu pour toutes les parties de la région de faire preuve de désescalade”, ajoute-t-il. Il appelle à “respecter le statu quo historique concernant les lieux saints de Jérusalem.

De son côté, la France rappelle "son attachement indéfectible à la sécurité d'Israël et à la stabilité et la souveraineté du Liban". Paris appelle "toutes les parties à la retenue maximale et à éviter toute action susceptible de conduire à une escalade", déclare François Delmas, le porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères. La France réitère également "sa ferme condamnation des tirs de roquettes indiscriminés qui ont ciblé le territoire israélien depuis Gaza et le Sud Liban".

La Russie quant à elle appelle Israël et les Palestiniens à stopper l'"escalade" de la violence et à trouver un compromis. "Nous appelons les parties concernées à s'abstenir de toute confrontation et à agir pour empêcher une nouvelle escalade, mettre fin à la violence et rétablir un cessez-le-feu durable", indique le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.

Des violences en hausse depuis un an

  • La flambée de violence démarre le 22 mars 2022, lorsque quatre personnes sont tuées à Beersheva, ville du désert du Néguev (sud d'Israël), par un enseignant bédouin lié au groupe jihadiste Etat islamique (EI).
  • Le 27 mars, deux policiers sont tués dans une attaque revendiquée par l'EI à Hadera (nord).
  • Deux jours plus tard, un Palestinien de Cisjordanie tue cinq passants dans la banlieue de Tel-Aviv.
  • Le 7 avril, une autre attaque fait trois morts dans le centre de Tel-Aviv.
  • Le 11 mai, la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh, vedette de la chaîne qatarie panarabe Al-Jazeera, est tuée lors d'un raid israélien.
  • Le 5 août, l'armée israélienne lance à Gaza une opération présentée comme "préventive" contre le Jihad islamique, dont les principaux chefs militaires sont tués. 
  • Le 25 octobre, cinq Palestiniens sont tués dans une attaque israélienne visant le groupe armé Areen al-Oussoud à Naplouse. Le 29 novembre, les troupes israéliennes abattent cinq Palestiniens en Cisjordanie.
    Plus de 2 000 raids sont menés par l'armée israélienne en Cisjordanie en 2022.
  • Une nouvelle spirale de violences démarre le 26 janvier 2023, lorsque 10 Palestiniens sont tués à Jénine lors d'un raid israélien.
  • Le lendemain, un Palestinien tue par balles six Israéliens et une Ukrainienne près d'une synagogue à Jérusalem-Est, secteur palestinien occupé et annexé par Israël, avant d'être abattu.
  • Le 6 février, cinq Palestiniens, dont des membres du Hamas, sont tués dans une opération militaire israélienne à Jéricho.
  • Le 10 février, un attentat à la voiture-bélier à Jérusalem-Est fait trois morts israéliens, dont deux frères de 6 et 8 ans.
  • Le 22 février, onze Palestiniens sont tués lors d'une incursion militaire à Naplouse.
  • Le 26 février, deux jeunes colons israéliens de Cisjordanie sont tués près de Naplouse. 
  • Le soir même, des centaines de colons israéliens entrent à Houwara, où ils jettent des pierres vers des habitations palestiniennes, incendient des bâtiments et des voitures.
  • Six Palestiniens sont tuées le 7 mars à Jénine, dont l'auteur de l'attaque des deux colons.
  • Le 1er avril, le nombre de décès lors de heurts quasi-quotidiens atteignait 104 depuis le début de 2023 (88 Palestiniens, un Arabe israélien, 14 autres Israéliens et une Ukrainienne).