Fil d'Ariane
Les États baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) ont cessé d'importer du gaz naturel russe, qui « n'est plus acheminé vers la Lettonie, l'Estonie et la Lituanie depuis le 1er avril », d’après Uldis Bariss, le dirigeant de l'entreprise de stockage lettone, Conexus Baltic Grid. Les pays baltes sont désormais desservis par des réserves de gaz stockées sous terre, en Lettonie.
Une décision qui survient alors que la Russie et les pays occidentaux s’opposent sur la question du gaz à la suite des sanctions internationales contre Moscou liées à l'invasion de l'Ukraine.
(Re)voir : quelle alternative au gaz russe ?
Moscou réclame désormais que les pays « inamicaux » règlent leurs dépenses d’énergie en roubles, depuis des comptes basées en Russie, sous peine d’interrompre ses livraisons de gaz.
« Il y a des années, mon pays a pris des décisions qui nous permettent aujourd'hui de rompre sans peine les liens énergétiques avec l’agresseur », s’est félicité le président lituanien Gitanas Nauseda sur Twitter.
From this month on - no more Russian gas in Lithuania.
— Gitanas Nausėda (@GitanasNauseda) April 2, 2022
Years ago my country made decisions that today allow us with no pain to break energy ties with the agressor.
If we can do it, the rest of Europe can do it too!
Comment l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont-elles tenu le pari de se passer du gaz russe ? Pour Thierry Bros, expert en énergies et professeur à Sciences Po, cette réussite s’est construite sur un temps assez long : « En 2014, ils ont mis en place un terminal de regazéification flottant, baptisé ‘Independence’. Ce n’était donc pas complètement neutre comme façon de faire. L’idée qu’ils avaient était de sortir de cette indépendance avec Gazprom", le géant gazier russe.
Thanks to its 'Independence' FSRU has the infrastructure to move 100% away from pipe gas. It now needs to make sure its fully used to make sure it can provide enough gas for all Baltic states... https://t.co/U9oeVzTRtP
— Thierry Bros (@thierry_bros) April 3, 2022
Une vaste politique d’interconnexion a également été mise en place, avec l’appui de la Commission européenne. Les pays baltes « ont investi dans des terminaux de regazéification, des interconnexions avec la Pologne, avec la Finlande… Ils avaient vraiment intégré le concept de sécurité de l’approvisionnement », résume Thierry Bros.
La question du gaz russe est un point de tension particulier dans la guerre en Ukraine. Les pays baltes, qui se méfient depuis longtemps de la menace russe, ont pris une décision forte en mettant fin à leurs importations de gaz russe. Les États-Unis ont aussi interdit l'importation de pétrole et de gaz russes après l'invasion de l'Ukraine, mais pas l’UE, qui s'approvisionnait en Russie à hauteur de 40% environ en 2021.
(Re)lire : gaz russe : pourquoi l'Europe n'a pas d'autre choix qu'un embargo
Dans son tweet, le président lituanien affirmait « si nous pouvons le faire, le reste de l'Europe peut le faire aussi ! » Un appel du pied à l’Union européenne, et en particulier aux Allemands, selon Thierry Bros : « Ils veulent donner un signal à l’immobile Allemagne qu’il serait temps qu’elle se bouge ! »
Particulièrement dépendante du gaz russe, l’Allemagne n’a aujourd’hui pas la même marge de manœuvre que les pays baltes. Sans terminal de regazéification, et avec des installations de stockage qui appartiennent à Gazprom, Berlin n’a pas de solution alternative au gaz russe.
« La question est : est-ce que ne pas avoir fait le travail en amont, n’avoir fait aucun investissement sur les 15 dernières années pour la sécurité énergétique, justifie aujourd’hui de ne pas prendre position pour les Ukrainiens ? » , s’interroge Thierry Bros. Du côté de la mer Baltique, la réponse est clairement : non.