Comment les pays baltes se passent-ils du gaz russe ?  

L'Estonie, la Lettonie et la Lituanie n'importent plus de gaz de Russie depuis le 1er avril. Un signal politique fort envoyé à l'Union européenne, qui rechigne à mettre en place un embargo sur le gaz russe. Mais comment les pays baltes ont-ils réussi le pari de l'indépendance énergétique face à Moscou ?  
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INDEPENDENCE
Le vaisseau de stockage de gaz 'Independence' dans le port de Klaipeda, en Lituanie, le 27 octobre 2014. 
Kestutis Vanagas / AP
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Les États baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) ont cessé d'importer du gaz naturel russe, qui « n'est plus acheminé vers la Lettonie, l'Estonie et la Lituanie depuis le 1er avril », d’après Uldis Bariss, le dirigeant de l'entreprise de stockage lettone, Conexus Baltic Grid. Les pays baltes sont désormais desservis par des réserves de gaz stockées sous terre, en Lettonie. 

Mon pays a pris des décisions qui nous permettent aujourd'hui de rompre sans peine les liens énergétiques avec l’agresseur
 Gitanas Nauseda, président lituanien

Une décision qui survient alors que la Russie et les pays occidentaux s’opposent sur la question du gaz à la suite des sanctions internationales contre Moscou liées à l'invasion de l'Ukraine. 

(Re)voir : quelle alternative au gaz russe ?

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Moscou réclame désormais que les pays « inamicaux » règlent leurs dépenses d’énergie en roubles, depuis des comptes basées en Russie, sous peine d’interrompre ses livraisons de gaz.

« Il y a des années, mon pays a pris des décisions qui nous permettent aujourd'hui de rompre sans peine les liens énergétiques avec l’agresseur », s’est félicité le président lituanien Gitanas Nauseda sur Twitter.

Politique d'interconnexion 

Comment l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont-elles tenu le pari de se passer du gaz russe ? Pour Thierry Bros, expert en énergies et professeur à Sciences Po, cette réussite s’est construite sur un temps assez long : « En 2014, ils ont mis en place un terminal de regazéification flottant, baptisé ‘Independence’. Ce n’était donc pas complètement neutre comme façon de faire. L’idée qu’ils avaient était de sortir de cette indépendance avec Gazprom", le géant gazier russe.

Ils avaient vraiment intégré le concept de sécurité de l’approvisionnement
Thierry Bros, professeur à Sciences Po
Les pays baltes ont également hérité « d’un grand stockage de gaz » situé en Lituanie, « qui appartenait à Gazprom, et qui couvre à peu près 50% de la demande annuelle des trois pays ».

Une vaste politique d’interconnexion a également été mise en place, avec l’appui de la Commission européenne. Les pays baltes « ont investi dans des terminaux de regazéification, des interconnexions avec la Pologne, avec la Finlande… Ils avaient vraiment intégré le concept de sécurité de l’approvisionnement », résume Thierry Bros.

Signal fort aux Européens

La question du gaz russe est un point de tension particulier dans la guerre en Ukraine. Les pays baltes, qui se méfient depuis longtemps de la menace russe, ont pris une décision forte en mettant fin à leurs importations de gaz russe. Les États-Unis ont aussi interdit l'importation de pétrole et de gaz russes après l'invasion de l'Ukraine, mais pas l’UE, qui s'approvisionnait en Russie à hauteur de 40% environ en 2021.

(Re)lire : gaz russe : pourquoi l'Europe n'a pas d'autre choix qu'un embargo

Dans son tweet, le président lituanien affirmait « si nous pouvons le faire, le reste de l'Europe peut le faire aussi ! » Un appel du pied à l’Union européenne, et en particulier aux Allemands, selon Thierry Bros : « Ils veulent donner un signal à l’immobile Allemagne qu’il serait temps qu’elle se bouge ! »

Particulièrement dépendante du gaz russe, l’Allemagne n’a aujourd’hui pas la même marge de manœuvre que les pays baltes. Sans terminal de regazéification, et avec des installations de stockage qui appartiennent à Gazprom, Berlin n’a pas de solution alternative au gaz russe.

« La question est : est-ce que ne pas avoir fait le travail en amont, n’avoir fait aucun investissement sur les 15 dernières années pour la sécurité énergétique, justifie aujourd’hui de ne pas prendre position pour les Ukrainiens ? » , s’interroge Thierry Bros. Du côté de la mer Baltique, la réponse est clairement : non.