Ce jeudi 1er septembre, Emmanuel Macron recevait à l’Élysée les diplomates français dans le cadre de la conférence des ambassadeurs. Dans un discours de deux heures, le chef de l’État français est revenu sur ses ambitions en matière de diplomatie pour les années à venir.
Dans un contexte de "
grandes bascules" géopolitique, la France doit être une nation forte et travailler avec l’Europe pour ne "
pas se laisser intimider", affirme Emmanuel Macron, ce jeudi 1
erseptembre.
"
Ces dernières années, l'impensable est arrivé à plusieurs reprises", estime le chef de l’Etat soulignant notamment les crises du Covid-19 et la guerre en Ukraine.
La diplomatie française doit se tenir prête et "
réactive" pour faire face à "
d'immenses travaux", prévient-il.
La France doit s'imposer comme "puissance d'équilibre"
La France doit s'imposer comme une "
puissance d'équilibres" à l'heure où "
l'ordre international est bousculé" par "
la logique impérialiste" de la Russie et la volonté de la Chine de "
redéfinir les règles du jeu", affirme Emmanuel Macron. Le président français revient ainsi sur ses prises de positions vis-à-vis de la Russie et de la Chine.
Qui a envie que la Turquie soit la seule puissance du monde qui continue à parler à la Russie ?Emmanuel Macron, lors de la conférence des Ambassadeurs
Il "
assume" ainsi le dialogue avec la Russie malgré les critiques de l’Ukraine depuis le début de la guerre et interroge les diplomates rassemblés :"q
ui a envie que la Turquie soit la seule puissance du monde qui continue à parler à la Russie ?"
À lire : Diffusion d'un entretien entre Macron et Poutine : Moscou critique une violation de l'"étiquette diplomatique" Nous n'avons jamais été ni aligné ni vassalisé derrière quelque puissance que ce soit [...] nous devons partout pouvoir garder cette liberté d'actionEmmanuel Macron, lors de la conférence des Ambassadeurs
Par ailleurs, la France "
n'est pas prête à avoir une stratégie de confrontation avec la Chine dans l'espace Indopacifique", estime le président. Il fait ainsi référence aux tensions opposant la Chine, les États-Unis et leurs alliés notamment sur la question de Taïwan.
À lire : Visite de Nancy Pelosi à Taïwan : "Ce n'est ni sans précédent, ni une évolution importante de la politique américaine"Cet été, la présidente de la Chambre des représentants américaines Nancy Pelosi s’était rendu à Taïwan suscitant la colère de Pékin. En représailles les autorités chinoises ont procédé à des manœuvres militaires terrestres et maritimes sans précédent autour de l’Île. Une activité militaire qualifiée de "
provocatrice" par la Maison Blanche.
À voir : Taïwan : les manoeuvres chinoises s'intensifient
Dans ce contexte, Berlin, allié traditionnel de Washington, a envoyé mi-août six avions de combat Eurofighter dans la zone, soit "
le plus grand et le plus ambitieux déploiement jamais réalisé par l'armée de l'air", selon le chef d'état-major de l'armée de l'air allemand.
Emmanuel Macron estime pour sa part qu'il est important que la France et l'Europe bâtissent une "
indépendance géopolitique" par rapport au "
duopole" sino-américain. "
La France ne considère pas que des alliances qui ont été structurées pour certaines oppositions doivent s'étendre sur l'espace Indopacifique", précise-t-il. "
Nous n'avons jamais été ni aligné ni vassalisé derrière quelque puissance que ce soit" et "
nous devons partout pouvoir garder cette liberté d'action."
Vers un élargissement de l'Europe
La France doit s'appuyer sur ses forces mais aussi sur celles de l'Europe, réitère le président français.
Il salue ainsi le discours d’Olaf Scholz sur l'avenir de l'Union européenne, prononcé ce lundi 29 août. Le Chancelier allemand avait manifesté sa volonté d’une Europe "
plus efficace" notamment avec la fin d'un droit de veto au Conseil de Sécurité.
Olaf Scholz, à l’occasion de ce discours, s’était également prononcé en faveur d’un élargissement de l’Union européenne jusqu'à "
30 ou 36 membres" saluant le projet de "
Communauté politique européenne" voulue par Emmanuel Macron.
Qu'est-ce que le projet de "Communauté politique européenne" (CPE) ?
Le 9 mai 2022, à l’occasion de la célébration de la construction européenne, le président français a présenté au Parlement européen un projet visant à renforcer les liens entre l’Union européenne et "les pays qui partagent les mêmes valeurs".
Dans un contexte marqué par la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, Emmanuel Macron souhaite bâtir une “Communauté politique européenne” (CPE).
“Nous savons tous parfaitement que le processus permettant l’adhésion [des Ukrainiens], prendrait plusieurs années, en vérité, sans doute plusieurs décennies”, avait déclaré Emmanuel Macron, le 9 mai dernier.
En attendant, le président français propose une nouvelle structure permettant “aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs de trouver un nouvel espace de coopération politique, de sécurité, de coopération en matière énergétique, de transport, d’investissements, d’infrastructures, de circulation des personnes et en particulier de nos jeunesses”.
Dans le cadre de ce projet, un nouveau forum ouvert aux pays non-membres de l'UE, doit se réunir une première fois en octobre en République Tchèque, actuellement à la présidence de l’Union.
Par ailleurs, le Chef de l'État fait part de sa volonté d'une plus grande solidarité des européens dans le cadre de l'OTAN. Il appelle à "
une cohérence plus forte" dans les politiques d'achats d'armements interpellant faisant ainsi référence au choix allemand de préférer les avions de chasse américains F-35 aux Rafales français. "
Si chaque État européen dépense davantage, ce n'est pas pour acheter non-européen", dénonce-t-il.
Être "plus réactifs" sur les réseaux sociaux
Emmanuel Macron demande également aux diplomates français d'adopter "
une approche plus hybride" de leur action. Ils sont ainsi invités à "
s’associer davantage à la société civile" et à être "
plus réactifs sur les réseaux sociaux", en particulier en Afrique.
Il faut riposter aux narratifs russe, chinois ou turcEmmanuel Macron, lors de la conférence des Ambassadeurs
"
Aujourd'hui on subit trop" regrette Emmanuel Macron. Il s'agit, selon lui, de riposter aux "
narratifs russe, chinois ou turc" qui expliquent aux opinions publiques "
que la France est un pays qui fait de la néo-colonisation et installe son armée sur leur sol". La France a notamment été visée par des campagnes de désinformation au Mali, sur fonds de tensions diplomatiques entre Paris et Bamako, souligne l’AFP.
Défendre une réforme controversée
Emmanuel Macron profite également de la conférence des ambassadeurs, annulée en 2020 et 2021 en raison du Covid-19, pour défendre sa réforme controversée de la haute fonction publique.
Défendre un métier n'a jamais signifié défendre un corpsEmmanuel Macron, lors de la conférence des Ambassadeurs
Cette réforme prévoit la "
mise en extinction" des deux corps historiques de la diplomatie d'ici à la fin de l’année 2023. Un nouveau corps d’État doit être créé pour les remplacer. Les hauts fonctionnaires ne seront alors plus rattachés à une administration spécifique mais pourront en changer en cours de carrière.
Inacceptable pour les diplomates de métier, nombre d’entre eux, y compris des ambassadeurs en fonction, se sont indignés estimant ne pas être "
interchangeables".
À lire : France : les discrets diplomates français laissent éclater leur "malaise"En juin dernier cette réforme a provoqué une grève extrêmement rare des professionnels de la diplomatie. Un premier mouvement de contestation avant la création ce mercredi 31 août, d’une association inédite regroupant les "
diplomates de métier".
Ce jeudi, Emmanuel Macron réitère son attachement à la réforme. Il reconnaît "
le trouble" qu’elle suscite, mais assure qu’elle est "
bonne pour le Quai d'Orsay" et participe à rendre la diplomatie "
plus agile, plus experte et plus forte". "
Défendre un métier n'a jamais signifié défendre un corps", assène-t-il devant les ambassadeurs réunis.