Le nœud du blocage : la violence Plusieurs des dernières manifestations des étudiants ont dégénéré en actes de violence et en affrontements avec les forces de l’ordre. Le gouvernement du Premier ministre Charest a maintenu la ligne de la fermeté : si les étudiants ne dénoncent pas cette violence, il n’y a pas de discussion possible. Le gouvernement vise en particulier l’une des trois associations étudiantes, la CLASSE (Coalition large de l’association pour une solidarité syndicale étudiante) qui représente plus de la moitié des étudiants en grève mais qui est l’association la plus radicale. Les autorités soupçonnent des membres de cette association de fomenter la violence - d’autres estiment plutôt que les manifestations étudiantes sont infiltrés par des agitateurs qui en profitent pour faire de la casse et semer la zizanie - . Quoiqu’il en soit, il est quasi impossible de contrôler tous les éléments qui participent à une manifestation, c’est d’ailleurs ce qu’explique le porte-parole de la CLASSE, le jeune Gabriel Nadeau-Dubois quand le gouvernement l’accuse de ne pas dénoncer ces actes de violence. Dimanche dernier, les militants de la CLASSE se sont entendus pour dénoncer toute violence contre les personnes, ce qui a permis, mardi et mercredi, d’asseoir pour la première fois autour d’une table de discussions la ministre de l’Éducation du Québec, Line Beauchamp, et les représentants des trois associations étudiantes, dont ceux de la CLASSE. Sauf que BADABOUM ! Mercredi après-midi, à la suite d’incidents dans un centre commercial – dont on n’a jamais pu vérifier au demeurant s’il était ou non le fait d’étudiants – la ministre Beauchamp a exclu la CLASSE des discussions. Par solidarité, les représentants des deux autres associations étudiantes ont eux aussi quitté la table de négociations. « Que la ministre arrête donc de se conduire en maîtresse d’école », a déclaré Martine Desjardins, la président de la Fédération étudiante universitaire du Québec. « La ministre Beauchamp vient de prolonger la grève et de rajouter de l’huile sur le feu », a précisé Gabriel Nadeau-Dubois. La rupture des discussions a amené en soirée des milliers d’étudiants en colère dans le centre-ville de Montréal (depuis le début du conflit, quelque 160 manifestations se sont tenues dans la métropole québécoise, c’est presqu’entré dans le quotidien des Montréalais maintenant). La manifestation a tout d’abord été pacifique, jusqu’à l’intervention d’agitateurs qui ont brisé des vitrines et confronté les forces de l’ordre, la police a décrété la manifestation illégale, l’anti-émeute est entrée en action pour disperser la foule. Bilan : 85 arrestations et plusieurs blessés – une de mes amies qui manifestait m’a raconté avoir vu de ses yeux un groupe de policiers matraquer un jeune qui ne faisait rien d’autres que de tenter de rentrer dans le métro, elle a crié avec ses amis pour dire aux policiers de le laisser tranquille mais rien n’y a fait. Au lendemain de cette manifestation qui a fait les manchettes jusqu’aux États-Unis et ailleurs en Europe, les étudiants se sont dit prêts à retourner en négociation dès vendredi, mais le gouvernement a rejeté leur offre en maintenant la ligne dure : la CLASSE est EXCLUE des discussions. Gabriel Nadeau-Dubois, le porte-parole de la CLASSE, est en train de devenir, en quelque sorte, le bouc émissaire du gouvernement… À noter au demeurant que ces trois leaders étudiants sont impressionnants : articulés, intelligents, éloquents, ils savent frapper là où ça fait mal avec des arguments massue. Le gouvernement a devant lui des interlocuteurs qui restent solidaires malgré les tentatives évidentes de les diviser – on connait le vieil adage romain qui dit « diviser pour régner », la formule a fait ses preuves à maintes reprises. Et si le gouvernement comptait sur l’essoufflement du mouvement et la démobilisation des étudiants, eh bien il a fait fausse route car les étudiants qui sont en grève – ils ne le sont pas tous, il faut le préciser – restent mobilisés. Et si le gouvernement compte remporter la bataille de l’opinion publique en maintenant la ligne dure envers les étudiants (pour l’instant, l’opinion publique semble partagée), rien ne dit qu’à moyen terme la stratégie sera gagnante car ces étudiants ont aussi… des parents, qui ne voient pas d’un très bon œil leurs enfants se faire matraquer allègrement par les policiers. Et parents et étudiants ont le droit de vote, alors que les rumeurs de possibles élections au printemps bruissent sur la colline parlementaire à Québec. De leur côté, la Ville de Montréal et les commerçants montréalais s’impatientent également et réclament le plus rapidement possible un règlement à la crise qui a déjà coûté plusieurs millions de dollars aux contribuables québécois en heures supplémentaires payées aux policiers…
Une offre aux étudiants Vendredi, le premier ministre Charest et sa ministre de l’Éducation ont rendu publique les offres qui ont été faites aux étudiants lors des discussions menées mardi et mercredi – des mesures surtout pour bonifier l’aide financière aux étudiants. Et le gouvernement a fait une offre de dernière minute : l’augmentation des frais de scolarité serait maintenue à 1625$ MAIS étalée sur 7 ans et non sur 5 comme prévu initialement. La hausse serait donc de 254$ par an au lieu de 325$ MAIS comme ces frais seront annexés au coût de la vie, la facture totale sera en fait de 1778$ sur 7 ans (sortez vos calculatrices, 254$ X 7 = 1778), autrement dit, les étudiants devront débourser un bon 150$ de plus au final… et au total, l’augmentation serait de 82%... Hummmm… Évidemment, les étudiants les ont sorties aussi, leurs calculatrices… Gabriel Nadeau-Dubois a déjà fait savoir que ce n’est certainement pas avec une offre de cette nature que les étudiants allaient retourner en classe la semaine prochaine. Les leaders des deux autres associations étudiantes ont de leur côté déploré que le gouvernement dévoile ses offres sur la place publique et ils demandent à pouvoir retourner à une table de négociations et ils veulent y aller TOUS ENSEMBLE… Donc avec les représentants de la CLASSE. Néanmoins, ils disent qu’ils vont présenter cette offre du gouvernement à leurs membres. Alors ? Comment sortir de cette crise ? Les étudiants en grève se disent prêts à aller jusqu’au bout, ils n’ont pas fait tout ça pour RIEN, ils n’ont plus rien à perdre. Leur session d’études est compromise, ils vont devoir reprendre leurs cours plus tard, cet été, cet automne, pour l’instant rien n’est certain, ce qui est sûr c’est qu’ils ne retourneront sur les bancs des collèges et des universités que quand cette crise sera réglée. Car il faudra bien qu’elle se règle un jour… De nombreuses voix s’élèvent pour réclamer la nomination d’un médiateur dans ce dossier explosif. Beaucoup demandent également au premier ministre Charest de prendre les choses en main, ce qui semble être déjà le cas au demeurant car la ministre Beauchamp ne semble pas vraiment en totale maîtrise du dossier, plusieurs disent même qu’elle n’est qu’une marionnette. Bref, c’est tout un bras-de-fer qui se joue en ce moment au Québec dans ce conflit étudiant qui est le plus long qu’ait jamais connu la province… un bras-de-fer qui prend les allures d’une grave crise politique et sociale…