Conflit étudiant au Québec : tintamarre et recours devant la justice
Les étudiants québécois et les citoyens qui les appuient ont trouvé un nouveau moyen de casser les oreilles du gouvernement : ils s'emparent de casseroles et d'ustensiles et tapent allègrement dessus lors des manifestations nocturnes. Dans le même temps, la Fédération étudiante universitaire du Québec se tourne vers la justice.
Concert de casseroles lors de la manifestation du 25 mai à Montréal (AFP).
Un joyeux tintamarre retentit donc depuis plusieurs soirées dans la métropole québécoise et la capitale du Québec, ce qui donne un aspect festif et ludique à ces manifestations, qui sont toutes au demeurant décrétées illégales alors qu’elles commencent à peine en vertu de la loi spéciale.
Mercredi soir, les policiers sont intervenus massivement, ils ont arrêté près de 700 personnes à Montréal et à Québec, jeudi, ils ne sont quasiment pas intervenus et seulement quelques personnes ont été arrêtées. Les manifestants avouent que oui, ils craignent de se faire arrêter mais que cette peur n’est pas assez forte pour les empêcher de descendre dans la rue.
La mobilisation reste totale et force est pour le gouvernement Charest de constater que cette loi spéciale qu’il a fait adopter à toute vapeur vendredi dernier n’a pour l’instant aucun impact sur la détermination des étudiants et que la mise en place de cette loi a même mis dans la rue des citoyens en colère qui sont venus grossir les rangs des manifestants. Des citoyens qui en profitent aussi pour crier leur ras-le-bol d’un gouvernement usé par 10 ans de pouvoir et sali par d’importants scandales de corruption et de collusion – voir la chronique que j’ai écrite l’automne dernier à ce sujet.
A noter d’ailleurs que selon un sondage commandé par la Société Radio-Canada, plus de 60% des Québécois interrogés estiment que la loi spéciale n’est pas la meilleure solution pour ramener la paix sociale au Québec. Une majorité des répondants estiment que seule la médiation va permettre de sortir de la crise.
La loi 78 contestée devant les tribunaux
Par ailleurs les étudiants ont tenu leurs paroles, leurs associations ainsi que des organismes comme des syndicats, des groupes écologistes, féministes, communautaires et artistiques se tournent vers les tribunaux pour tenter d’invalider la fameuse loi spéciale.
Deux requêtes ont ainsi été déposées ce vendredi au palais de justice de Montréal : la première vise à suspendre dans l’immédiat les articles qui imposent des contraintes aux libertés d’expression, de manifestation et d’association. La deuxième requête vise, elle, à faire invalider la loi. Ni plus ni moins… On devrait en savoir plus dès la semaine prochaine sur les suites qui seront données à ces requêtes.
Reprise du dialogue
C’est aussi la semaine prochaine que doit se tenir une rencontre entre la ministre de l’Éducation Michelle Courchesne et les leaders des associations étudiantes, ce sera la 4ème entre les deux parties depuis le début du conflit. Chacun est en train de se préparer pour cette rencontre qui sera importante… car le temps presse : dans deux semaines va se tenir le Grand Prix du Formule 1 du Canada à Montréal, après quoi ce seront les Francofolies, le Festival international de Jazz, le Festival d’été de Québec, et toutes sortes d’autres événements tous plus populaires les uns que les autres.
On peut difficilement imaginer qu’ils puissent se dérouler avec une telle cacophonie dans les rues de Montréal et de Québec, il est clair que la paix sociale et le calme doivent être revenus d’ici le début de toutes ces festivités. Et c’est là que les étudiants grévistes reprennent le gros bout du bâton, en quelque sorte. Enfin je devrais plutôt dire, dans les circonstances, le gros bout de la casserole…
Entretien : Martine Desjardins
La présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec s'explique sur TV5Monde
27.05.2012Par Estelle Youssouffa
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Loi spéciale : le Québec épinglé par Amnesty (Par AFP)
Amnesty International a dénoncé aujourd'hui la loi spéciale adoptée au Québec, encadrant étroitement le droit de manifester, car elle y voit une violation du droit à la liberté d'expression et de rassemblement. "La loi 78 est un outrage aux libertés fondamentales qui dépasse largement les limites admissibles au regard du droit provincial, national ou international relatif aux droits humains", a affirmé Javier Zúñiga, conseiller spécial pour Amnesty International dans un communiqué mis en ligne sur le site internet de l'ONG. "Il est déraisonnable et inacceptable de demander aux citoyens de s'adresser à l'avance aux autorités chaque fois qu'ils souhaitent exercer un droit fondamental. L'Assemblée nationale du Québec doit abroger cette loi sans tarder", a-t-il poursuivi. Amnesty International a aussi renouvelé son appel en faveur d'une enquête indépendante sur les agissements des forces de l'ordre ainsi que sur les violences et les actes de vandalisme commis par certaines personnes au cours des récents événements au Québec. La "Loi permettant aux étudiants de recevoir l'enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu'ils fréquentent" a été adoptée le 18 mai. Aux yeux du gouvernement, elle doit assurer aux étudiants non grévistes la possibilité d'accéder librement aux salles de cours, en interdisant de facto les piquets de grève. Mais elle encadre très strictement la liberté de manifester et impose de fortes amendes aux contrevenants.