Conflit Israélo-Palestinien : qu'est-ce que la solution à deux États ?

Israël et Palestine se disputent depuis 1947 leurs frontières. Avec le début d’une nouvelle guerre depuis les attentats du 7 octobre perpétrés par le Hamas, la solution d'une division du territoire en deux États indépendants refait surface.

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Poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin

Poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin lors de la signature des accords d'Oslo sur la pelouse de la Maison Blanche le 13 septembre 1993.

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“Nous sommes destinés à vivre ensemble sur le même sol de la même terre”, déclare le Premier ministre d’Israël Yitzhak Rabin le 13 septembre 1993 sur la pelouse de la Maison Blanche, aux États-Unis. Près de lui se trouve le dirigeant de l’Autorité de Libération de la Palestine (OLP) Yasser Arafat. Les deux hommes viennent de signer les accords d’Oslo.

L'espoir est de mettre fin au conflit israélo-palestinien. Israël reconnait la légitimité de l'OLP. L'OLP reconnait le droit à l'existence de l'Etat d'Israël. La poignée de main symbolique fera la Une des journaux du monde. Une autorité palestinienne voit le jour. Elle obtient le contrôle de certains territoires de Cisjordanie et de la bande de Gaza. C'est la première fois qu'une autorité palestinienne est mise en place sur ces territoires palestiniens.

La sociologue du politique Sylvaine Bulle était en Israël pendant ces accords. La chercheure à l’École des Hautes Étusdes en Sciences Sociales (EHESS) à Paris se souvient : “Des Palestiniens revenaient sur les territoires et découvraient pour la première fois la mer. Des Israéliens allaient en Palestine faire leurs courses”.

L'échec des accords de paix

Deux ans plus tard, le processus de paix déraille une première fois. Le Premier ministre travailliste israélien Yitzhak Rabin est assassiné le 4 novembre 1995 à Tel-Aviv par un ultra-nationaliste israélien.

L'autre grande figure israélienne du camp de la paix Shimon Peres devient Premier ministre. Mais une série d'attentats du Hamas contre les populations civiles israéliennes fragilise les partisans de la paix en Israël. Shimon Peres perd les élections législatives de juin 1996 et Benjamin Netanyahu, figure montante de la droite israélienne devient Premier ministre.

Les travaillistes israéliens reviennent au pouvoir en 1999. Ehud Barak, ancien général de l'armée israélienne, devient le nouveau chef du gouvernement israélien. Sous l'égide de Bill Clinton, président américain de 1993 à 2001, les négociations reprennent à Camp David pour trouver une solution définitive au conflit israélo-palestinien.

Seconde antifada

Selon Alain Gresh, spécialiste du Moyen-Orient, Israël  “refusait de partager Jérusalem-Est, de retirer ses colonies en plus d'être contre le droit de retour des réfugiés”. Le gouvernement israélien de l'époque craint que le retour des réfugiés palestiniens de Jordanie ou du Liban dans les frontières reconnus de l’État d'Israël mettent en danger que l’État hébreux puisse rester un pays où le peuple juif serait majoritaire.

Le 28 septembre 2000, le leader de la droite israélienne Ariel Sharon, brave un interdit en se rendant sur l'esplanade des Mosquées (ou le Mont du Temple pour les juifs), le troisième lieu saint de l'Islam. La colère palestinienne se transforme en seconde Intifada.

Dans ce contexte de violences, les négociations reprennent en 2001 à Taba en Égypte sous l'égide de Washington. Les Israéliens proposent de rétrocéder 94 % de la Cisjordanie aux Palestiniens. Jérusalem devient une ville ouverte. Les Palestiniens obtiennent la souveraineté sur les quartiers arabes et Israël sur les quartiers juifs.

En échange le nouvel Etat palestinien doit rester démilitarisé. Mais les négociations échouent à nouveau sur la question du retour des réfugiés palestiniens en Israël même. Le temps n'est plus alors aux négociations. Ariel Sharon remporte les élections législatives en Israël. Le seconde intifada est brisée par l'armée israélienne.

Plus de deux décennies plus tard, la création de deux États est de nouveau au cœur des discussions diplomatiques depuis la nouvelle guerre, suite aux attentats du 7 octobre perpétués par le Hamas.

Lors de sa visite officielle en Israël du 3 novembre, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken affirme que la solution à deux États représente “la meilleure voie, peut-être même la seule […] C'est le seul moyen d'assurer une sécurité durable" à Israël et "la seule façon de garantir que les Palestiniens réalisent leurs aspirations légitimes à un Etat qui leur soit propre"

Deux États indépendants 

Une ligne verte dessine la solution à deux États. Concrètement, le tracé repose sur la carte de 1967 entre Israël, la Cisjordanie et Gaza. L’objectif est d’installer une autonomie sur les deux territoires palestiniens, la bande de Gaza et la Cisjordanie, permettant la création d'un Etat palestinien indépendant. La question du statut de Jérusalem n'est pas abordée par l’administration américaine.

Selon le géopolitologue Frédéric Encel, spécialiste du Proche-Orient, pour y aboutir, cette solution doit répondre à trois conditions : “la démilitarisation du Hamas, la réappropriation par les autorités palestiniennes de la bande de Gaza et le changement de gouvernement en Israël”. L’État Israël est gouverné par une coalition d'élus de droite et d'extrême droite refusant l'idée d'un Etat palestinien.

Carte Israël-Palestine

Evolution des territoires israéliens et palestiniens entre 1948 et 2010.

Wikipedia

Pour Alain Gresh, le principal problème à régler est la colonisation de la Cisjordanie et Jérusalem-Est par Israël. 250 000 juifs vivaient dans les colonies sur des territoires occupés à la sortie des accords d’Oslo, ils sont plus de 700 000 aujourd’hui. “Que la communauté internationale parle de cette solution, oui, mais rien n’est fait pour arrêter cette colonisation”

Le territoire palestinien s’est indéniablement réduit depuis les accords d’Oslo de 1993, encore plus par rapport au tracé proposé de 1967. La sociologue Sylvaine Bulle explique qu’en cas de nouvel accord qui “prendra plus d’une décennie” en raison du contexte actuel, “ce n’est pas sûr qu’Israël reviennent sur la solution de 1993” avec presque “30 % du territoire palestinien colonisé en plus depuis 1967”

Solution : un Etat ? 

Deux tiers des Palestiniens et des Israéliens, avant le 7 octobre 2023 marquant le début d'une guerre, disent ne pas soutenir la solution à deux États selon un sondage réalisé par le Pew Research Center. Cela représente une chute de 15 points par rapport à il y a dix ans.  

Quelques semaines avant l'attaque du Hamas du 7 octobre, Benjamin Netanyahu avait affirmé à la tribune de l'ONU que l'idée d'une solution à deux États appartenait au passé, alors que le futur était celui de la normalisation des relations d'Israël avec les États arabes. Cette perspective s’est d’autant plus assombrie depuis le 7 octobre. 

Dans une tribune publiée après ces attaques, Anthony Cordesman, chercheur au Center for Strategic and International Studies, note que chaque tentative précédente d'aller vers une solution à deux États a en réalité mené à de nouveaux épisodes de violences ou de tensions. 

Une autre solution existe, celle à un Etat, avec l’unification d’Israël et de la Palestine. Les deux populations vivent proches mais sous des lois différentes. Pour Alain Gresh, cette perspective “à très long terme” permettra de “lutter pour l’égalité des droits”, même si pour Sylvaine Bulle : “c’est impossible, le fossé est beaucoup trop important entre les deux peuples. Cela nécessiterait de créer une identité commune mais je ne vois pas comment cela est possible, encore plus depuis le 7 octobre”