Conflit syrien : rien ne va plus entre Moscou et Paris ?

Vexé par François Hollande, Vladimir Poutine a annulé sa visite prévue la semaine prochaine à Paris pour inaugurer la nouvelle cathédrale orthodoxe. Les tensions diplomatiques entre la France et la Russie sont liées aux divergences croissantes concernant la guerre en Syrie.
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François Hollande reçu au Kremlin à Moscou (Russie) par Vladimir Poutine, le 26 novembre 2015.
 
©AP Photo/Alexander Zemlianichenko
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Vladimir Poutine voulait parler culture, mais François Hollande ne voulait parler que de Syrie. En prenant ombrage, le président russe a décidé mardi de remettre à plus tard une visite prévue pour coïncider avec l’inauguration le 19 octobre d’un grandiose Centre spirituel et culturel russe à Paris, à deux pas de la tour Eiffel.

cathedrale orthodoxe Paris
La nouvelle église orthodoxe, bientôt inaugurée à Paris (France), photographie du 28 septembre 2016.
 
©AP Photo/Christophe Ena

Les deux chefs d’Etat pourraient toutefois se rencontrer à Berlin ce même 19 octobre. Ils sont invités par la chancelière allemande Angela Merkel, pour discuter avec le président ukrainien Petro Porochenko d’un autre sujet épineux: le conflit du Donbass.

Les bombardements russes et syriens sur la partie Est d’Alep encore aux mains de l’opposition au régime de Bachar el-Assad ont fait monter le ton entre Paris et Moscou. Ces raids ont fait des centaines de morts depuis le début de l’offensive de l’armée syrienne le 22 septembre. Accusant Moscou de participer à des «crimes de guerre», François Hollande confiait lundi se «poser la question» de recevoir son homologue russe. Jeudi dernier, il avait dépêché à Moscou son ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, sans obtenir la moindre concession. Samedi soir au Conseil de sécurité des Nations unies, la Russie a mis son veto à une résolution française appelant à la cessation immédiate des bombardements sur Alep.

Les relations entre Hollande et Poutine étaient restées en apparence cordiales, même après le refus du président français de livrer l’année dernière à la Russie deux porte-hélicoptères Mistral, en réponse à l’annexion de la Crimée par Moscou en mars 2014. Les diplomates des deux pays admettent qu’il n’y a jamais eu d’amitié entre les deux hommes, bien qu’ils se tutoient abondamment lors de leurs conférences de presses communes.

Dégradation sans précédent

«Il ne s’agit pas d’une nouvelle étape dans la dégradation des relations», préfère minimiser le sénateur russe Vladimir Djabarov, en charge des questions internationales. Bien que ce soit Vladimir Poutine qui ait décidé d’annuler sa visite, le sénateur voit la vexation dans l’autre camp: «Ils [les Français] se sont vexés du fait que la Russie a refusé de soutenir la résolution française sur la Syrie.»

«Cela fait bien longtemps qu’une situation aussi scandaleuse ne s’est pas présentée à l’orée d’une visite», s’offusque en revanche Sergueï Markov, ancien député proche de l’aile la plus conservatrice du Kremlin. «Il s’agit du même Hollande qui porte une responsabilité directe dans le coup d’Etat de Kiev et la prise du pouvoir par une junte ultranationaliste […] Il ne faut pas construire des relations avec ces politiciens faibles et dépendants de Washington, incapables de défendre les intérêts de la France. Il faut être plus brutal», estime Sergueï Markov.

Le coup de sang du président russe intervient dans un contexte de dégradation sans précédent depuis vingt-cinq ans des relations entre Moscou et les capitales occidentales. Le Kremlin fait preuve d’une intransigeance croissante dans le dossier syrien et a annoncé lundi son intention d’élargir et de rendre permanente sa base navale militaire de Tartous, la seule dont la Russie dispose dans la mer Méditerranée. Avant le début de l’intervention militaire en soutien du régime de Bachar el-Assad, il y a un an, le port de Tartous n’était qu’un point de ravitaillement pour la flotte russe.

La Russie a également signalé lundi son intention de redéployer sa présence militaire sur toutes les mers et tous les continents, avec la réouverture de bases soviétiques à Cuba, au Vietnam et en Egypte. Et les Européens ne sont pas en reste: le Ministère de la défense a indiqué samedi avoir déployé des missiles nucléaires Iskander (SS-26) dans l’enclave de Kaliningrad, qui sont capables d’atteindre Berlin, Copenhague et Varsovie.

Article publié en accord avec nos partenaires Le Temps