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Ce qui change par contre, ce sont premièrement les capacités chinoises et deuxièmement, la capacité de la Chine à assumer de plus en plus ouvertement que la conquête de Taïwan se fera par la coercition et non par la conviction.
TV5MONDE : Pourquoi inclure désormais cette question dans la charte du PCC ?
Antoine Bondaz : Il était assez logique, en réalité, de faire cette révision, parce que dans ce fameux livre blanc d'août 2022, il est mentionné que la "réunification pacifique" est la mission historique du parti - ce qui n'avait pas été le cas dans les livres blancs publiés en 1993 et en 2000. Donc à partir du moment où le livre blanc en parle, c'est cohérent qu’on aille encore plus loin dans la charte.
L'objectif pour la Chine est de prendre le contrôle de Taïwan sans qu'il n’y ait à avoir une guerre.
Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste de la Chine.
TV5MONDE : Ces derniers temps, plusieurs responsables militaires ou politiques aux États-Unis ont affirmé se tenir prêts à défendre Taïwan en cas d’attaque chinoise dans un futur très proche. Est-ce que cette révision de la charte ou d’autres déclarations des autorités chinoises renforcent la probabilité d’une invasion ?
Antoine Bondaz : À très court terme, je dirais que le risque d'invasion est extrêmement faible. L'objectif pour la Chine est de prendre le contrôle de Taïwan sans qu'il n’y ait à avoir une guerre. Pour l'instant, la dynamique est du côté de la Chine. Les capacités du pays continuent de croître.
Si, par contre, une crise économique par exemple fait que le différentiel de puissance, le rapport de force entre la Chine et Taïwan n'évolue plus aussi favorablement pour la Chine, peut-être qu’elle choisira une autre stratégie. Mais pour l'instant, Pékin a tout intérêt à attendre davantage. Plus Pékin attend, plus ses capacités militaires, sa résilience économique, son poids international sont importants, plus une conquête de Taïwan sera « facile ». Donc dans la dynamique actuelle, la Chine n'a pas d'intérêt à aller le plus rapidement possible.
Ce n’est pas pour autant qu'il ne pourra pas y avoir de tensions. Avec les élections présidentielles à Taïwan en janvier 2024, on peut s'attendre à ce que, fin 2023 et même durant l'année 2023, il y ait de nouveau des tensions provoquées par la Chine.
(Re)voir : Taïwan : fête de l'Indépendance sous menace de Pékin
TV5MONDE : Donc si la Chine se trouve en situation de crise, cela accentuerait selon vous la probabilité qu’elle opte pour une invasion ?
Antoine Bondaz : Si la Chine est en crise, si le parti a besoin de renforcer certains leviers de sa légitimité - notamment le levier nationaliste parce que l'économie ne pourrait plus être le levier principal - alors le scénario, même s'il reste peu probable, le deviendrait davantage. La situation intérieure en Chine, l'évolution du rapport de forces, etc. ont évidemment un impact sur la perception chinoise et, in fine, potentiellement sur la prise de décision.
La croissance économique ne peut plus être utilisée aussi puissamment qu'avant. Le nationalisme, et donc la question de Taïwan, prennent donc encore plus d’importance.
Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste de la Chine.
TV5MONDE : Qu'est-ce qui explique cette radicalisation accélérée de la position chinoise sur la question taïwanaise ?
Antoine Bondaz : Cette accélération a lieu pour plusieurs raisons. Premièrement, encore une fois, les capacités de la Chine continuent de s'accroître. La Chine a des capacités aujourd'hui qu'elle n'avait pas il y a ne serait-ce que dix ans.
Deuxièmement, cela s'explique par un besoin au sein du parti d'avoir des nouveaux relais de légitimité, en tout cas de renforcer certains relais de la légitimité. Et très clairement, la croissance économique ne peut plus être utilisée aussi puissamment qu'avant. Le nationalisme, et donc la question de Taïwan, prennent donc encore plus d’importance.
Troisièmement, il faut envoyer des messages extrêmement forts à Taïwan, aux États-Unis, et à leurs partenaires. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, la question de la crédibilité de la menace chinoise, de la détermination de la Chine, mais aussi de Taïwan, des États-Unis et des partenaires, se pose. Donc la Chine essaye de démontrer sa crédibilité, sa détermination ; de convaincre la communauté internationale qu'il y a une asymétrie dans les priorités. Pour la Chine, c'est une question prioritaire alors qu'elle ne l’est pas forcément pour les autres pays.
TV5MONDE : En dehors de la question taïwanaise, lors de ce Congrès, l’ancien président Hu Jintao a été « escorté » vers la sortie pendant la cérémonie de clôture. Comment peut-on analyser cette séquence inhabituelle ?
Antoine Bondaz : C’est un évènement extrêmement marquant. C’est très étonnant. On n'a pas d'explications pour l'instant. Et c'est "le black out" côté chinois, c'est-à-dire que personne ne communique, c'est censuré.
Early drama: Hu Jintao seen being led out soon after reporters are led into the main hall pic.twitter.com/pRffGZF60I
— Danson Cheong (@dansoncj) October 22, 2022