Fil d'Ariane
“La crise climatique nous tue, estime le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Elle nuit non seulement à la santé de notre planète mais aussi à celle de tous ses habitants (…) tandis que l’addiction aux combustibles fossiles devient hors de contrôle.” Il réclame des investissements dans les énergies renouvelables et la résilience climatique. Le Secrétaire général de l’ONU réagit à la publication d’une étude, publiée dans la revue scientifique The Lancet et menée par 99 experts issus de 51 institutions, parmi lesquelles l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation météorologique mondiale (OMM), sous la supervision du University Collège de Londres.
Cette étude montre que “la dépendance excessive et persistante vis-à-vis des combustibles fossiles aggrave rapidement le changement climatique” et “engendre des répercussions dangereuses pour la santé.” La conséquence principale de cette dépendance énergétique, c’est l’augmentation de l’effet de serre, à l’origine de l’augmentation des températures mais aussi de l’apparition plus fréquente des pics de chaleur. De ce fait, la chaleur a des conséquences néfastes pour la santé.
Entre 2017 et 2021, les décès ont augmenté de 68% par rapport à 2000-2004, selon l’étude. Par ailleurs, la montée des températures et les phénomènes météorologiques extrêmes laissent aujourd’hui près de 100 millions de personnes supplémentaires en situation d’insécurité alimentaire grave, par rapport à la période 1981-2010. De plus, l’exposition humaine aux jours à hauts risques d’incendie a augmenté de 61% sur la période de 2017 à 2020, par rapport à 2000-2004.
La plus grande exposition à des vagues de chaleur a des répercussions directes sur la santé. Elle aggrave les maladies cardio-vasculaires et respiratoires, détériore la santé mentale et le sommeil et augmente le nombre de morts à la suite de blessures, énumère l’étude. Comment l’expliquer ? "C’est lié au phénomène de chaleur humide", explique le philosophe Dominique Bourg, professeur honoraire à l’université de Lausanne et spécialiste des questions liées à l’environnement. En effet, pour se rafraîchir, le corps humain transpire. Or, plus l’air est humide, plus "on se rafraîchit beaucoup plus difficilement", analyse-t-il. Cela rend donc difficilement supportables les fortes chaleurs.
Au mois de mai, en Inde et au Pakistan, il y a des oiseaux qui sont tombés morts du ciel pour des raisons de chaleur humide.Dominique Bourg, philosophe spécialiste de l'environnement
"Le problème, c’est que ça concerne tous les êtres vivants à sang chaud", poursuit Dominique Bourg. Les végétaux peuvent aussi être "grillés" par la chaleur. "Au mois de mai, en Inde et au Pakistan, il y a des oiseaux qui sont tombés morts du ciel pour des raisons de chaleur humide", s’alarme le philosophe. Pourtant, leur duvet leur fournit une protection face aux variations de températures. "Mais si la chaleur est très élevée, ça ne suffit plus", constate le spécialiste de l’environnement.
Selon l’étude de The Lancet, l’amélioration de la qualité de l’air permettrait d’éviter les décès résultant de l’exposition aux combustibles fossiles, dont le nombre s’élève à 1,3 million seulement pour 2020. Au mois de mai, la revue indiquait aussi que la pollution tue neuf millions de personnes dans le monde chaque année, soit un décès sur six (16%). Pourtant, la chaleur reste plus mortelle que la pollution.
"La pollution est aggravée par la chaleur, rappelle Dominique Bourg, mais c’est une cause de mortalité en soi." "La chaleur aggrave encore les effets des autres polluants" précise-t-il. Par ailleurs, la plupart des conséquences du réchauffement climatique découlent de l’augmentation de la chaleur. En effet, "la chaleur, c’est de l’énergie". Comme "90% de la chaleur part dans les océans, ils se réchauffent", ajoute le philosophe. Le réchauffement des océans a des conséquences importantes sur la biodiversité marine.
Faut-il se résoudre à devoir apprendre à vivre avec cette chaleur humide ? Dominique Bourg explique que si l’on rentre "dans un espace sec et plus frais, on récupère." "Dans les grandes tours d’Iran, il y a des systèmes qui peuvent rafraîchir votre habitat sans dépenser d’énergie sur le coup", explique-t-il. Il s’agit d’un système de ventilations qui ramène le chaud vers le sol pour le rafraîchir et envoyer l’air frais vers le haut. Ce système de ventilation naturel pourrait être une solution pérenne, contrairement à la climatisation, qui, comme elle est très énergivore, génère elle aussi de la chaleur.