Fil d'Ariane
Les négociations politiques de la COP15 doivent démarrer ce 15 décembre 2022. Cependant, le dialogue entre les différents pays se crispe. David Ainsworth, porte-parole de la Convention de l’ONU sur la biodiversité explique que « l’atmosphère s’est détériorée » dans la nuit du 13 au 14 décembre, lorsque la création d’un fond mondial pour la biodiversité a été abordée.
Masha Kalinia, de l’ONG Pew Charitable Trusts, interrogée par l'AFP, estime que les négociations sont à un « moment charnière. » Selon elle, tout peut basculer maintenant et il y a un risque de blocage des discussions « qui pourraient être introductives. » Mais quels sont les éléments qui causent ce blocage ?
Emmenés par le Brésil, l’Inde, l’Indonésie et le continent africain, des dizaines de pays réclament des « subventions financières d’au moins 100 milliards de dollars par an, ou 1% du PIB mondial d’ici 2030 ».
Cela représente dix fois les montants des aides actuelles entre le Nord et le Sud pour la biodiversité, et autant que ceux promis pour la lutte contre le réchauffement climatique.
Actuellement, le monde dépense « environ 130 à 140 milliards de décoller par an pour la biodiversité, essentiellement dans des fonds publics dépensés au sein des pays riches alors que très peu d’argent va vers le sud », explique Gilles Kleitz, directeur exécutif des solutions de développement durable à l’Agence française de développement.
Lors des négociations sur le climat en novembre 2022, les pays du Sud ont obtenu un mécanisme inédit de compensation des pertes et dommages liés au réchauffement climatique.
C’est pourquoi ils réclament également la création d’un fond mondial de biodiversité. Cependant, les pays du Nord assurent ne pas pouvoir décupler l’aide publique.
Ils préfèrent encourager une réforme des flux financiers existants, privés, philanthropiques, ou multilatéraux. Mais les pays du Sud jugés ambitieux écologiquement ont aussi tapé du poing sur la table. « Malgré nos efforts, nous sommes profondément préoccupés par le manque d’engagement clair sur la mobilisation des ressources », déclare le représentant de la Colombie.
Selon Gilles Kleitz, « la demande des 100 milliards n’est pas fondée sur un calcul des besoins, c’est d’abord une demande morale et politique, pour des raisons de justice historique. » Il ajoute que pour obtenir un accord, « il faut que chacun fasse un effort : que le Nord annonce un niveau de solidarité supérieur et que le Sud annonce qu’ils vont s’engager à être de meilleurs gestionnaires de leurs ressources. »
Les pays développés, avec leur rôle éminent dans la crise de la biodiversité compte tenu de leur niveau de consommation, ont le devoir de soutenir les pays en développement.Innocent Maloba, expert de l’ONG WWF International, interrogé par l'AFP.
Cependant, chaque parti a des positions bien ancrées. L’attitude du Nord « a conduit les négociations au bord de la rupture totale », s’alarme Innocent Maloba, expert de l’ONG WWF International. « Les pays développés, avec leur rôle éminent dans la crise de la biodiversité compte tenu de leur niveau de consommation, ont le devoir de soutenir les pays en développement », estime-t-il.
De son côté, Bérangère Couillard, secrétaire d’État française chargée de l’Écologie considère que « les financements ne doivent pas être une excuse pour ne pas avancer. » Selon elle, « on ne peut pas avancer sur le sujet des financements sans avancer sur le sujet des objectifs. »
« Ce qui manque ici, c’est de la volonté politique et un consensus sincère sur ce qui doit être fait », regrette Zakri Abdul Hamid, fondateur malaisien de l’IPBES, le "GIEC de la biodiversité".Ces points de blocage doivent être levés d’ici le 19 décembre, pour parvenir à l’accord de la décennie, crucial pour l’avenir de la planète.