COP21 : quand l’Europe ratifiera-t-elle l'accord ?
Fin 2015, 180 pays, auxquels s’ajoutent l’Union européenne, adoptent, à Paris, l’accord mondial sur le climat. Depuis, une à une, les "parties" de la COP21 ratifient. Mais de la part de l’Europe, toujours rien… Explications de Célia Gautier, du Réseau Action Climat.
Le 12 décembre 2015, à l’issue de la COP21 (Conference of Parties), Laurent Fabius signalait d'un coup de marteau sur son pupitre l'adoption de l'accord de Paris sur le climat.
Mais pour qu'il soit mis en oeuvre, encore fallait-il que chaque pays ou entité signataire le ratifie, autrement dit qu'il en définisse les modalités de mise en oeuvre selon son arsenal législatif (vote au Parlement, décret...). Car pour que l’accord entre en vigueur en 2020, au moins 55 pays totalisant 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre devront l'avoir ratifié. Rappelons qu'en 1997, les États-Unis avaient signé, mais jamais ratifié, le protocole de Kyoto, le privant d’une grande partie de sa portée.
Une ratification de poids
Hier encore, seuls 24 pays étaient allés au bout du processus, selon le site des Nations unies - surtout des petits Etats insulaires, les plus exposés, mais qui ne représentent à peine plus de 1 % des émissions. Et puis samedi 3 septembre, à quelques heures de l’ouverture du G20, qui se tenait en Chine les 3 et 4 septembre 2016, les Etats-Unis et la Chine ont ratifié de concert l’accord mondial sur le climat.
Très attendue, cette avancée donne beaucoup de poids à l’accord de Paris, puisque la Chine et les Etats-Unis restent les deux principaux émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre de la planète : la première compte pour 24 % du total mondial et les seconds pour 17,9 %. Désormais, les 26 pays ayant déjà ratifié l’accord représentent un peu plus de 39 % des émissions mondiales.
Les grands absents
L’Inde a déjà indiqué qu’elle ne signerait pas cet accord avant des lustres, si tant est qu'elle le signe. En cause : le refus obstiné de la Chine de voir l’Inde rejoindre le Groupe des Producteurs Nucléaires. De plus, le Premier ministre Modi s'est promis de donner à tous les Indiens accès à l’électricité bon marché - un objectif incompatible avec ceux de la COP21.
Le président Philippin Rodrigo Duterte tient le même discours et annonce qu’il n’honorera pas les promesses faites à Paris. Quant à la Russie et au Brésil, ils se tâtent et attendent de voir quels bénéfices juteux ils pourraient en retirer.
Et l'Europe ?
L’Union européenne compte comme l’une des "parties" de la COP, qui devrait ratifier l'accord en même temps que ses 28 États membres. Ceux-ci devront au préalable avoir convenu entre eux de la répartition de l’effort pour atteindre l’objectif commun d’une réduction pour l’Union d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030.
Célia Gautier, responsable des Politiques européennes Réseau Action Climat.
L'Union européenne doit-elle attendre que tous ses membres aient ratifié l'accord pour le ratifier à son tour ?
La question de la ratification européenne est politique, pas juridique. Certains Etats prônent la simple ratification par les institutions européennes prévue à l’automne ; d’autres estiment que les Etats, individuellement, doivent aussi ratifier – c’est cette dernière, la ratification double, qui, pour l’heure, est retenue.
Reste que, aujourd’hui, diplomatiquement, il serait problématique pour l'UE de ne toujours pas être membre de l’accord de Paris. Ce flou révèle l'Union européenne a perdu son rôle moteur en matière climatique, alors que c’est le bloc de pays qui avait, au départ, insufflé une logique de coopération à l’échelle internationale. Aujourd'hui, les autres pays sont plus rapides que l'Europe, à commencer par la Chine.
Combien de pays européens ont ratifié l'accord de Paris ?
Pour l’instant, seule la France, l’Autriche et la Hongrie ont ratifié le traité au niveau du Parlement national. D’autres ne devraient pas tarder. Leur objectif est maintenant d’accélérer le processus pour qu’il aboutisse en même temps que celui qui est en cours au niveau européen, de façon que l’Union puisse déposer sa ratification à l’ONU à l’automne. D’autres encore estiment qu’ils ont besoin de temps.
Lesquels freinent ? Pourquoi ?
Ce sont les Etats qui dépendent des énergies fossiles, comme les pays de l’Est, à commencer par la Pologne, ou encore l’Allemagne, qui reste très liées au charbon. En règle générale, face à l’absence de projet européen, chacun a tendance à revenir à ses préoccupations nationales et à préserver le status quo de son système énergétique. Or s'il est un domaine qui a besoin d'une coopération internationale, c'est bien le climat !
100 % d'énergies renouvelables, réclamaient les activistes pour le climat pendant la COP21 en décembre 2015, à Paris.
Difficile, à l’heure actuelle, de savoir comment le Royaume-Uni va se positionner en matière de politique climatique à l’issue du Brexit. Aujourd’hui, l’article 15 n’est pas encore activé, mais la position des conservateurs, qui sortent renforcés du référendum, ne présage pas d’un grand allant, alors qu’au départ, le Royaume-Uni était moteur sur le climat.
Et la France ?
La France pousse à la ratification par l’Union européenne, mais elle se révèle beaucoup plus silencieuse sur la question de l’ambition européenne – le rythme de développement des énergies renouvelables, qui remplaceraient les énergies fossiles, par exemple. De fait, la mise en œuvre de la loi de transition énergétique, qui correspond à la part de la France à l’effort européen et au sein de la COP21, ne suit pas. Au rythme où les énergies renouvelables se développent en France, les objectifs de 2020 ne seront pas atteints avant 2031. Or l’objectif prévu pour 2030 est déjà de 32 %.