Fil d'Ariane
La réduction des émissions de gaz à effet de serre est l’un des enjeux majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique. C’est pour cela que les dirigeants se sont engagés lors de la COP26 à Glasgow à mettre un terme à la déforestation d’ici 2030. Les forêts sont appelées "poumons de la planète" : elles captent le carbone pour émettre de l’oxygène.
Cependant, les forêts ne sont pas les seules entités capables de capturer le gaz carbonique. Un autre élément naturel a un rôle de taille : les océans. Environ 30% du CO2 émis par l’activité humaine est absorbé par les océans, selon Françoise Gail, directrice de recherche au CNRS dans une interview au Monde.
Il y a deux manières par lesquelles les océans peuvent jouer un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Tout d’abord, un processus physique, qui représente 90% de l’absorption du CO2 par les océans, selon une étude menée par la plateforme "Océan et Climat", qui regroupe près de 90 membres parmi lesquels des ONG, des scientifiques, des acteurs privés. Le dioxyde de carbone est un gaz soluble. Il va se dissoudre dans l’eau à partir du moment où la température de celle-ci est en dessous de 20°C. Plus la température sera basse, mieux le CO2 va se dissoudre.
Il va ensuite être emporté par les courants qui rejoignent les fonds marins. Plus l’eau est froide, plus elle est dense et plus le carbone pourra être pompé vers les fonds marins. "C’est dans les hautes latitudes en effet, que l’eau se charge plus facilement en CO2 car la dissolution du CO2 atmosphérique y est facilitée par la température moins élevée (d’où l’importance des régions polaires dans le cycle du carbone)", note la Plateforme Océan et Climat. Mais il n’y restera pas éternellement : au bout d’une centaine d'années, les courants des fonds auront fait le tour de la planète et remonteront à la surface.
Le réchauffement climatique vient compliquer la tâche : en plus de réchauffer l’air, la température des océans monte aussi, donc le CO2 va avoir plus de difficultés à se dissoudre.
Une autre manière d’agir est similaire à celle des forêts, avec un processus biologique relatif aux planctons, ces espèces aquatiques microscopiques, végétales ou animales, qui se déplacent au gré des courants. Les phytoplanctons, végétaux, vont grâce à la photosynthèse, absorber le CO2 puis dégager de l’oxygène, comme le font les arbres. Une étude menée par le Fonds monétaire international (FMI) en collaboration avec le Great Whale Conservancy note qu’environ la moitié de l’oxygène sur Terre est produite par les phytoplanctons et qu’ils captent environ 40% des émissions de CO2 (soit l’équivalent de quatre fois la forêt amazonienne).
Ce procédé biologique permet aussi de stocker un quart du dioxyde de carbone lié aux énergies fossiles. Pour cela, il suffit de suivre la chaîne alimentaire : le phytoplancton est mangé par le zooplancton, aussi appelé krill, qui lui-même est mangé par des baleines ou des oiseaux. Lorsque ces animaux meurent, ils coulent au fond de l’océan et entraînent avec eux tout le carbone qu’ils ont stocké au cours de leur vie. Une baleine est capable de stocker jusqu’à 33 tonnes de dioxyde de carbone au cours de sa vie. À titre de comparaison, l'étude du FMI avec le Great Whale Conservancy note qu’un arbre absorbe autour de 21 kg de CO2 par an.
Et si le développement du phytoplancton est indispensable à la survie des baleines, l’inverse est aussi vraie : ils se nourrissent des excréments des baleines. Le déclin de la population des baleines en raison de la pêche peut donc mettre à mal cet équilibre fragile. La pêche commerciale a fait considérablement chuter le nombre de baleines présentes dans les océans. Par conséquent, la population de phytoplancton a également diminué, ce qui compromet l’absorption de dioxyde de carbone.
Il y a d’autres phénomènes qui peuvent mettre à mal l’équilibre des océans. L’acidification, même s’il est encore difficile d’en évaluer les conséquences à long terme, freine directement la capacité d’absorption du CO2. Lorsque le CO2 de l’atmosphère se dissout dans l’océan, il provoque une diminution du Ph de celui-ci, le rendant donc plus acide. Au fil du temps, l’activité humaine a fait augmenter les émissions de CO2. Donc les océans ont dû absorber plus de CO2, ce qui a fait augmenter leur acidité.
Depuis le début de l’ère industrielle, l'acidification a augmenté de 26%, note la Plateforme Océan et Climat. À l'heure actuelle, le rythme d'acidification des océans est dix fois plus rapide que sur n’importe quelle autre période de l’histoire. Des expériences prouvent que certains phytoplanctons présentent des anomalies, preuve que ce phénomène affecte les écosystèmes marins.