COP27 : le développement de l’Afrique passera-t-il par le gaz ?

Les revendications de pays africains demandant à exploiter leurs ressources gazières sont récurrentes. Pour certains spécialistes, la transition énergétique de l’Afrique n’a pas à suivre la trajectoire des pays occidentaux, ayant reposé sur l’exploitation d’hydrocarbures. Le renouvelable et le solaire peuvent-elles être des solutions réellement envisagées ? 

Image
nigeria gaz
Une femme marche le long d’un oléoduc gazier à Warri, au Nigeria. La "ruée sur le gaz" des puissances occidentales face à la guerre en Ukraine représente pour certains pays africains une solution de développement. Pour certains experts, elle est cependant une fausse promesse. L'avenir se situerait plutôt du côté des renouvelables.
AP/George Osodi
Partager 4 minutes de lecture

« Les pays riches n’ont pas le droit de penser qu’il nous faut se serrer la ceinture pour que les pays riches respirent. Attendez, ce n’est pas nous qui faisons tant de dégâts ». Ces mots de la ministre en charge de l’environnement en République du Congo, Arlette Soudan-Nonault, traduisent une pensée partagée par de nombreux pays du continent africain. À l’heure où les grands de la planète se réunissent en Egypte pour la COP27, l’Afrique continue de revendiquer une transition énergétique lui permettant d’accéder au développement.

(Re)lire : COP27 : "Les pays du Nord se détournent de leur responsabilité historique en terme d'émissions"

Pour certains, à défaut d’aides financières internationales, celle-ci passera par l’exploitation de leurs réserves en hydrocarbures. Le Sénégal ou encore la RDC ont déclaré avoir découvert de nouveaux gisements de gaz et de pétrole. Le Mozambique a lui annoncé dimanche ses premières exportations de gaz naturel liquéfié, le GNL.

L’exploitation du gaz est-elle à court terme, une solution menant vers l’électrification universelle, l’accès à l’énergie pour les entreprises et les ménages du continent ?

(Re)lire : Le Sénégal et la RDC ne comptent pas renoncer à leur pétrole et leur gaz
 

Le gaz : un bon investissement à court terme ? 

La réponse est non, pour le Think tank indépendant Carbon Tracker. 

Dans un rapport, les chercheurs prévoient que la « demande en combustibles fossiles » devrait « fortement diminuer à moyen terme », faisant de la « dépendance à l’égard des exportations de gaz pour alimenter la croissance économique » une « stratégie à court terme et risquée ». 

Les chercheurs parient plutôt sur l’énergie solaire comme solution à « long terme » pour les pays africains. Aux oubliettes, donc, l’extraction de gaz ? L’analyse est partagée par la professeure d’économie à l’université Paris Dauphine, Anna Creti, dont les travaux portent sur les liens entre économie, énergie et environnement. 

« Même si les pays émergents et en particulier l’Afrique vont devoir accélérer leur accès à l’énergie, cela ne veut pas dire que leur trajectoire doit être similaire à celle que nous (les pays occidentaux) avons suivi, avec différentes technologies et l’exploitation du gaz. Le gaz n’est pas pour eux une solution du futur. »

L’énergie solaire serait-elle cette « solution du futur » ? Anna Creti travaille sur cette question depuis longtemps en Afrique subsaharienne. Pour elle, la réponse n’est pas évidente. 

« La diffusion des panneaux photovoltaïques, que ce soit sous la forme de panneaux solaires, résidentiels ou sous forme de réseaux électriques locaux pouvant fournir une sorte de ferme solaire sur le territoire avec des systèmes de batterie distribuant de l’énergie de manière constante et fiable, n’est pas si simple que cela à mettre en place.»

(Re)lire : COP27: les ONG dénoncent l'arrivée en force des lobbies des industries du pétrole et du gaz

Les pays africains producteurs de gaz 

Les pays africains déjà producteurs de GNL, comme le Mozambique, l’Égypte, l’Algérie ou encore le Nigeria, ont-ils tiré un avantage certain de la production de l’hydrocarbure ? Son extraction, sa production, son transport et sa consommation sont particulièrement néfastes pour le climat et l’environnement. Le méthane émet du CO2 lorsqu’il est brûlé et les fuites depuis les sites de production et pendant le transport représenteraient de grandes quantités, selon l’ONG Greenpeace. Mais sa vente et/ou sa distribution ont-elles permis l’électrification des pays concernés ?

« Le gaz est une ressource - et c’est aussi pour cela que l’on parle de la malédiction des ressources - qui ne profite pas véritablement à l’objectif d’accès à l’électrification et d’accès à l’énergie. Elle sert plutôt à intégrer à l’aide de flux monétaires, à enrichir le pays… Souvent, il s’agit de gros investissements qui ont été fait par des sociétés étrangères, parfois revendus à des entreprises locales et qui sont dans la plupart des cas des entreprises d’Etat, qui n’ont pas toujours le savoir-faire pour bien exploiter les gisements et appliquer les dernières technologies», explique Anna Creti. 

gaz afrique
Des manifestants tiennent une affiche qui dit « Ne gazez pas l’Afrique » pendant une manifestation au Sommet des Nations Unies sur le climat de la COP27, samedi 12 novembre 2022, à Charm el-Cheikh, en Égypte.
AP Photo/Peter Dejong
 

Le gaz nécessite des infrastructures conséquentes et coûteuses 

Le gaz requiert des installations particulières, s’il est exploité en vue d’un objectif d’électrification du pays. Il nécessite alors l’installation de centrales à gaz. Elles ne seront utiles que s’il existe un réseau de distribution. 

« On ne peut pas pas atteindre l’électrification universelle sans réseau. Si nous regardons la situation du Mozambique et du Nigeria, aucun de ces pays n’a atteint l’électrification totale, le Sénégal est en voie d’y arriver avec des fortes subventions notamment à l’énergie solaire, mais aucun des pays d’Afrique subsahariennene - une zone cruciale car l’impact du changement climatique y est très fort - n’a atteint l’électrification universelle. Même sans vouloir dire qu’il y a eu des gestions de projets douteuses, l’exploitation du gaz n’a pas permis d’atteindre cet objectif », conclut la chercheuse Anna Creti.  

(Re)voir : COP 27 : que demande l'Afrique ?

Chargement du lecteur...