Corée du Nord : Kim Jong-Un en guerre contre Hollywood
Kim Jong-Un enrage. Dans "The Interview", une féroce comédie hollywoodienne , deux journalistes américains sont chargés d'assassiner le leader nord-coréen. Intolérable pour Pyongyang. Selon un porte-parole de la diplomatie nord-coréenne, un tel film "constitue un acte de terrorisme et un acte de guerre absolument intolérables".
“The Interview“ doit sortir le 14 octobre aux Etats-Unis
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«J’espère qu’il aimera», dixit Seth Rogen.
"Des représailles impitoyables"
En visionnant la bande-annonce, le cinéphile pense qu'il s'agit d'un film comme Hollywood sait les produire : à la chaîne. Avec son lot d'explosions, de tensions et de rebondissements, sans oublier son couple de héros ahuris et malchanceux. Le scénario ? Il peut s'écrire sur un post-it : deux journalistes de télévision ont décroché une interview de Kim Jong-Un. La CIA les charge d'assassiner le leader nord-coréen. Simple et (sans doute) efficace : personne n'a encore vu ce film tourné à Vancouver et qui doit sortir le 14 octobre aux États-Unis. Qu'importe : le thème de cette comédie a fait bondir Kim Myong-chol, porte-parole officieux de la dictature. Avec un sens de la nuance très relatif, il déclare : "La réalisation et la diffusion d'un film mettant en scène un attentat contre notre leader (...) constituent un acte de terrorisme et un acte de guerre absolument intolérables". Il ajoute que l'administration américaine devait l'interdire, faute de quoi la Corée du Nord sera contrainte à "des représailles impitoyables" puis, mi-philosophe mi menaçant : "Il y a quelque chose d'ironique dans cette histoire qui montre le désespoir du gouvernement américain et de la société américaine. Ce film sur l'assassinat d'un leader étranger reflète ce que les Américains ont fait en Afghanistan, en Irak, en Syrie, et en Ukraine. Et n'oublions pas qui a tué John Fitzgerald Kennedy : les Américains. En fait, c’est le président Obama qui devrait se méfier au cas où les militaires américains voudraient le tuer aussi." Mais quel film d'action trouve grâce à ses yeux ? Les films britanniques, et notamment ceux avec James Bond qu'il juge comme étant "un bon personnage avec des films beaucoup plus appréciables". Dans "The Interview", Seth Rogen et James Franco incarnent des journalistes de télévision. Randall Park interprète, lui, Kim Jong-Un. La production du film, certainement ravie par cette publicité, s'est empressée de tweeter à l'adresse du dictateur un hypothétique : "J'espère qu'il aimera"...
Le film se moque du culte de la personnalité entretenu par la dynastie Kim
"Il n'urine ni ne défèque"
Dans la bande annonce de "The Interview", la Corée du Nord est considérée comme le "pays le plus dangereux au monde" et elle se moque du culte de la personnalité entretenu par la dynastie Kim. "Le peuple de Kim Jong-Un croit tout ce qu'il lui dit, y compris qu'il peut parler aux dauphins, ou qu'il n'urine ni ne défèque". La charge est pourtant moins énorme qu'il n'y parait.
En Corée du Nord, les passants doivent se prosterner devant les statues de Kim et se retirer à reculons, on affirme dans les écoles qu'un double arc-en-ciel et une étoile seraient apparus dans le ciel lors de la naissance de son père, Kim Jong-il, lequel entretenait des rapports particuliers avec l'univers cinématographique : le dirigeant n'avait pas hésité à faire enlever un réalisateur sud-coréen et son épouse pour réaliser des films chez lui, à Pyongyang. Paranoïaque, dormant avec un révolver sous l'oreiller, le "cher leader" était persuadé qu'un élevage de "lapins géants" pourrait enrayer la faim dans le pays etc.
Il existe tellement d'anecdotes susceptibles de nourrir une telle fiction ! Tout cela prêterait à sourire s'il n'y avait les drames, bien réels ceux-là, que cette dictature engendre dans une impunité totale. La commission de l'ONU publiait il y a plusieurs semaines un rapport de 374 pages. Le document détaille les violations systématiques de la population nord-coréenne par le gouvernement, y compris les allégations d'assassiner, le viol utilisé comme un instrument de torture, les enlèvements, l'esclavage et la famine. Dans son communiqué, le porte-parole de Kim Jong-Un a dénoncé le cinéma américain rempli "d'assassinats et d’exécutions". Une colère qui n'est pas sans rappeler celle des défenseurs des droits de l'Homme. Eux aussi dénoncent "les assassinats et exécutions" en Corée du Nord. Et cette fois, ça n'est pas du cinéma.