La Corée du Nord a tiré un missile balistique intercontinental, arrivé jusque dans la zone maritime économique exclusive du Japon. Le Premier ministre japonais a dénoncé "un acte scandaleux qui ne peut être pardonné".
La Corée du Nord a tiré jeudi 24 mars un missile balistique intercontinental (ICBM). Il est arrivé jusque dans la zone maritime économique exclusive du Japon. Ce lancement rompt un moratoire qu'elle s'était auto-imposé depuis 2017 sur ce type d'essai d'arme, au risque de déclencher une spectaculaire montée des tensions dans la région.
L'armée sud-coréenne a annoncé avoir tiré plusieurs missiles "depuis le sol, la mer et les airs", en réponse à l'essai.
"Un acte scandaleux" pour le Japon
Le président sud-coréen Moon Jae-in a confirmé, dans un communiqué, que le projectile lancé jeudi après-midi par Pyongyang en direction de la mer du Japon était un ICBM.
Il s'agit "
d'une rupture de la suspension des lancements de missiles balistiques intercontinentaux promise par le président Kim Jong Un à la communauté internationale", a-t-il déploré. "
Elle représente une sérieuse menace pour la péninsule coréenne, pour la région et pour la communauté internationale".
Le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, a dénoncé depuis Bruxelles "
un acte scandaleux qui ne peut être pardonné".
Condamnant "
avec force" le nouveau tir, la Maison blanche a assuré que les États-Unis prendraient "
toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du territoire américain, de la Corée du Sud et du Japon". Ce tir nord-coréen "
est une violation insolente de multiples résolutions du Conseil de sécurité des Nations-Unies et augmente inutilement les tensions" dans la région, a réagi la porte-parole de l'exécutif américain Jen Psaki.
Des essais interdits par les Nations Unis
Les résolutions des Nations unies interdisent à la Corée du Nord, frappée par de lourdes sanctions internationales pour ses programmes nucléaire et d'armement, de procéder à des essais de missiles balistiques. Pyongyang a officiellement suspendu ses essais de missiles à longue portée lors des négociations entre Kim Jong Un et le président américain de l'époque Donald Trump. Mais les pourparlers ont échoué en 2019.
(Re)voir : Corée du Nord : nouvel essai de tir de missiles
Et cela n'a pas empêché Pyongyang de réaliser une dizaine de tests de ce type d'arme depuis le début de l'année. Mais il ne s'agissait pas jusqu'à présent de missiles intercontinentaux. Washington et Séoul soupçonnaient tout de même le régime nord-coréen d'avoir testé certains systèmes d'ICBM lors de ces lancements.
Vol dans la zone économique exclusive du Japon
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Nos analyses indiquent que le missile balistique a volé pendant 71 minutes et est tombé vers 15H44 (06H44 GMT)
dans la zone économique exclusive, dans la mer du Japon, à environ 150 km à l'ouest de la péninsule d'Oshima" dans l'île septentrionale de Hokkaido, a déclaré le numéro deux du ministère japonais de la Défense, Makoto Oniki.
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Étant donné que le missile balistique a cette fois-ci volé à une altitude de plus de 6.000 km, ce qui était beaucoup plus haut que le (missile)
ICBM Hwasong-15 qui a été lancé en novembre 2017, on pense que celui d'aujourd'hui est un nouvel ICBM", a-t-il ajouté.
(Re)voir : La Corée du Nord lance un missile depuis un sous-marin
Il a précisé que le ministère japonais de la Défense n'avait reçu aucune information faisant état de dégâts causés à des navires ou des avions. Il a cependant qualifié ce tir de "
menace sérieuse" pour la sécurité du Japon.
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Au moment où le monde fait face à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la Corée du Nord poursuit ses tirs qui aggravent unilatéralement les provocations contre la communauté internationale, ce qui est absolument impardonnable", a déclaré Makoto Oniki.
Échec la semaine précédente
Selon Séoul, un essai de missile par la Corée du Nord le 16 mars s'est soldé par un échec. Le projectile a explosé dans le ciel au-dessus de Pyongyang peu après son lancement depuis l'aéroport de Sunan, au nord de la capitale. Le régime a gardé un silence complet sur cet événement.
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Pyongyang a essayé de lancer un ICBM à l'aéroport de Sunan la semaine dernière mais a échoué", a affirmé à l'AFP Go Myong-hyun, chercheur à l'Institut d'études politiques Asan. "
Alors il a mené le lancement d'aujourd'hui pour maquiller ce ratage et parce qu'il doit maîtriser les technologies d'ICBM dès que possible".
(Re)lire : "L'arme nucléaire, ce n'est pas vraiment de la dissuasion mais l'équilibre de la terreur"Cet essai survient alors que la Corée du Sud est en période de transition présidentielle. Le chef de l'Etat sortant Moon Jae-in doit céder son fauteuil en mai au conservateur Yoon Suk-yeol. Il a été élu au début du mois et a promis d'adopter une ligne plus dure face aux provocations du Nord.
Beaucoup d'analystes s'attendaient à ce que Pyongyang se livre à une démonstration de force pour marquer le 110
ème anniversaire de la naissance de Kim Il Sung, fondateur du pays et grand-père de Kim Jong Un. Cette fête, la plus importante du calendrier politique nord-coréen, sera célébré le 15 avril.
(Re)voir : Corée du Nord : le dernier des Kim ?
"Kim Jong Un considère très important de prouver qu'il est un dirigeant compétent avant le 110e anniversaire de Kim Il Sung, surtout à son propre peuple", a expliqué Cheong Seong-chang, du Centre d'études nord-coréennes de l'Institut Sejong.
"Kim a probablement le sentiment que c'est le moment parfait pour développer des ICBM, et rappeler au monde avec insistance que le Nord, contrairement à l'Ukraine, est un pays doté de l'arme nucléaire", complète Ahn Chan-il, analyste spécialisé dans la Corée du Nord.
Le "missile monstre"
Kim Jong Un a déclaré l'an dernier qu'améliorer les capacités militaires du pays était prioritaire pour le régime. Priorité parmi les priorités: développer un missile balistique intercontinental capable de porter plusieurs ogives conventionnelles ou nucléaires suivant chacune une trajectoire indépendante. Des ogives difficiles à intercepter par les systèmes antimissiles des États-Unis.
Ce missile, le Hwasong-17, a été surnommé le "
missile monstre" par les analystes militaires. Il a été montré lors d'une parade à Pyongyang en octobre 2020. On ignore à ce stade si c'est ce missile qui a été testé jeudi 24.
Les États-Unis et la Corée du Sud accusaient déjà le régime nord-coréen d'en avoir récemment testé certaines parties depuis le début 2022, sous couvert de ce qui a été présenté comme des essais de lancement de satellites.