Son corps a été retrouvé ce vendredi 10 juillet dans une montagne du nord de la capitale. Park Won-Soon, le maire de Séoul, se serait suicidé après avoir disparu plusieurs heures. Son décès survient un jour après que son ancienne secrétaire a déposé plainte contre lui pour harcèlement sexuel.
Park Won-soon, figure emblématique du Parti démocrate au pouvoir, dirigeait la capitale sud-coréenne depuis 2011. Longtemps considéré comme un candidat potentiel à l'élection présidentielle en Corée du sud, il est aussi le plus haut responsable politique du pays à être impliqué dans une affaire de harcèlement sexuel.
Il m'a "harcelée sexuellement et a eu des gestes inappropriés durant les heures de travail", insistant notamment pour qu'elle le rejoigne dans la chambre à coucher attenante à son bureau, a raconté la victime présumée, selon un document présentant sa déposition à la police, transmis à l'AFP de source proche du dossier. Après le travail, a raconté sa secrétaire personnelle depuis 2015, il lui envoyait via une messagerie "des selfies de lui en sous-vêtements accompagnés de commentaires obscènes".
Dans un message écrit à la main avec de l'encre et un pinceau, trouvé dans sa résidence officielle et rendu public, Park Won-soon, 64 ans, a présenté des excuses très générales.
"Je suis désolé pour tout le monde. Je suis désolé pour ma famille, à qui je n'ai fait que causer de la peine", a-t-il écrit, sans faire référence aux accusations portées contre lui par son ancienne secrétaire.
Paradoxalement, Park Won-soon s'était fait connaître au fil des années notamment pour ses actions en défense des femmes, et se qualifiait publiquement de féministe. Celui qui ne cachait pas son désir de succéder au président Moon Jae-in en 2022, a été élu maire de Séoul en 2011, puis a été réélu en 2014 et 2018. Il est le premier maire de la capitale à avoir été élu pour un troisième mandat consécutif.
Etudiant contestataire emprisonné quelques mois du temps de la dictature de Park Chung Hee (assassiné fin 1979), Park Won-soon était par la suite devenu un avocat engagé dans la lutte pour le respect des droits de l'Homme, défendant à ce titre de nombreux militants politiques dans les années 1980 et 1990. Il a notamment gagné en 1988 un procès très suivi dans laquelle il représentait une jeune militante de gauche qui avait été torturée sexuellement par des policiers.
Une décennie plus tard, il gagnait ce qui a été largement reconnu comme le premier procès pour harcèlement sexuel au travail, une pratique qui jusque-là était à peine considérée comme illégale dans une société alors extrêmement sexiste.
Son suicide éteint non seulement les poursuites mais également toute possibilité de débat sur la question, soulignent experts et féministes.
"La quasi-totalité des hommes sud-coréens, quelle que soit leur orientation politique, restent très traditionnels dans leur attitude personnelle à l'égard des femmes", a déclarée à l'AFP Lee Soo-yeon, une chercheuse de l'Institut coréen sur le développement de la position des femmes.
Et les hommes politiques "se présentent comme féministes s'ils pensent que cela aidera leur carrière, mais n'imaginent pas que la façon dont ils traitent les femmes dans leur vie privée puisse aussi être importante", a-t-elle jouté.
Le cas du maire de Séoul montre "un échec individuel mais aussi de son parti politique", a souligné de son côté une chercheuse de Harvard, Keung Yoon Bae.
"La misogynie, ainsi que l'aveuglement face à ce sujet, a une longue histoire dans la gauche coréenne. Il est temps qu'elle s'y attaque", a-t-elle expliqué à l'AFP.
La mort de Park signifie qu'il part "avec tous les honneurs et statut de son poste", tout en ne donnant aucune chance à son accusatrice de se confronter à lui en justice, a regretté une militante féministe, Yun Dan-woo.
"C'est une façon de la faire taire" et de clore le débat. Il restera toujours l'idée qu'elle a peut-être tout simplement menti, a-t-elle ajouté.
En dépit d'un remarquable essor industriel, la société sud-coréenne demeure encore aujourd'hui très patriarcale mais des signes de changement sont apparus dépuis 2018, avec plusieurs procès pour harcèlement.
Le cas le plus retentissant est celui d'Ahn Hee-jung, candidat à l'investiture du Parti démocrate pour la présidentielle, et condamné l'an dernier pour avoir "eu des rapports sexuels en abusant de son autorité".
Dans une société sud-coréenne profondément patriarcale, le mouvement mondial #MeToo, contre les violences faites aux femmes, a fait tomber ces deux dernières années des dizaines de figures masculines éminentes et ce, dans tous les domaines.