Corée du Sud : Yoon Suk-yeol, un président novice en politique et antiféministe

Novice en politique, le nouveau président sud-coréen Yoon Suk-yeol s'est fait connaître du grand public comme procureur inflexible, quand il travaillait sur des scandales de corruption éclaboussant de hauts responsables du pays.

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Yoon Suk-yeol
Le nouveau président sud-coréen Yoon Suk Yeol lors de la 20e réception inaugurale présidentielle à l'Assemblée nationale à Séoul, Corée du Sud, le mardi 10 mai 2022.
(AP Photo/Lee ​​Jin-man, Pool)
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De par ses positions agressives à l'égard de Pyongyang, ses promesses électorales antiféministes et une insensibilité affichée sur des questions comme la pauvreté ou la guerre en Ukraine, le conservateur Yoon Suk-yeol a suscité de nombreuses polémiques.

Son inexpérience parlementaire pourrait aussi lui coûter cher face à une Assemblée nationale contrôlée par ses rivaux du Parti démocrate, qui surveilleront de près ses politiques.

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Né à Séoul en 1960, Yoon Suk-yeol a joué un rôle clé dans la chute de l'ancienne présidente Park Geun-hye pour abus de pouvoir en 2017.

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Désigné premier procureur du pays en 2019, il a également inculpé un proche collaborateur du président sortant Moon Jae-in pour fraude et corruption. Cette affaire a terni l'image d'intégrité de l'administration Moon, qui avait pourtant nommé Yoon Suk-yeol à son poste.

C'est ainsi qu'il a attiré l'attention du Parti du pouvoir au peuple (PPP, droite), qui a commencé à le courtiser. Il en a finalement remporté les primaires pour devenir son candidat à la présidentielle.

Yoon Suk-yeol  "a construit sa réputation en tant que combattant acharné contre les abus de pouvoir, et non en tant que dirigeant démocratique conventionnel valorisant la négociation et la compréhension", souligne Gi-Wook Shin, professeur de sociologie à l'Université de Stanford.

Icône de la droite

Il est devenu l'"icône" des conservateurs parce qu'il était "considéré comme la meilleure personne pour battre le candidat du Parti démocrate, malgré son manque d'expérience en matière de leadership politique", ajoute Gi-Wook Shin. "Cela n'est pas de bon augure pour la démocratie coréenne, car nous pouvons nous attendre à une polarisation accrue", regrette-t-il.

La vie politique sud-coréenne est très clivée, disent les analystes. Tous les anciens présidents encore en vie ont été emprisonnés pour corruption après leur mandat.
Malgré son rôle dans l'éviction de Park Geun-hye, Yoon Suk-yeol a reçu le soutien des électeurs conservateurs en leur offrant une chance de "se venger" de Moon Jae-in - allant même jusqu'à menacer d'enquêter sur lui pour des "irrégularités" qu'il n'a pas spécifiées.

Et l'épouse de Yoon Suk-yeol a affirmé que ses détracteurs seraient poursuivis si son mari gagnait, car c'est "la nature du pouvoir", selon des propos enregistrés et publiés à son insu.

Inspiré par Churchill

Selon les médias sud-coréens, Yoon Suk-yeol prend pour modèle l'ancien Premier ministre britannique Winston Churchill.

Antiféministe assumé, il s'est engagé à supprimer le ministère de l'Egalité des sexes, à l'avant-garde du progrès pour les Sud-Coréennes depuis 2001. Il a soutenu que les femmes sud-coréennes ne souffrent pas de discrimination systémique, malgré les nombreuses preuves du contraire.

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Ses propos ont incité les jeunes femmes à se mobiliser contre lui. Yoon Suk-yeol a remporté l'élection avec l'écart le plus étroit jamais obtenu. Et son comité de transition a déclaré par la suite qu'il conserverait pour l'instant le ministère de l'Egalité des sexes.

Sur la Corée du Nord, Yoon Suk-yeol a menacé de frappes préventives son voisin doté de l'arme nucléaire, ce qui, selon les analystes, semble complètement irréaliste. Lors de sa campagne, il a qualifié Kim Jong Un de "garçon grossier" et s'est engagé auprès de ses électeurs à "lui apprendre les bonnes manières".

Il veut aussi faire l'acquisition du système de missiles américain THAAD pour contrer le Nord, malgré les risques de s'attirer de nouvelles mesures de rétorsion économiques de la part de la Chine, son principal partenaire commercial.

Le "manque de compétences politiques de Yoon Suk-yeol​ se répercutera sur la politique étrangère", prédit Minseon Ku, professeure de sciences politiques à l'Université d'État de l'Ohio. Jusqu'à présent, le camp de Yoon "semblait simplement copier-coller des phrases de politique étrangère tirées des discours des présidents républicains américains", a-t-elle ajouté.

Il a aussi commis une série de gaffes pendant la campagne, allant de l'éloge de l'un des anciens dictateurs du pays au dénigrement du travail manuel et des Africains.
"La prochaine présidence arrive à un moment de transition pour le monde", notamment après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, déclare Karl Friedhoff, du Chicago Council on Global Affairs.

"Cela signifie qu'il faudra relever des défis difficiles en matière de compromis que la Corée du Sud n'a pas eu à faire dans le passé. Yoon est-il à la hauteur de cette tâche ?", a-t-il conclu.