Fil d'Ariane
Environ 1 500 vols par jour, assurés par 258 avions. C'est la fréquence des vols permise par les effectifs actuels d'Air Canada."Dans la conjoncture actuelle, une exploitation d’une telle envergure n’est pas viable pour l’avenir", note la première compagnie aérienne du pays. "Nous agissons ainsi pour préserver notre trésorerie, faire correspondre la taille de l'entreprise au niveau de trafic attendu à moyen et à long terme et nous positionner afin de relancer notre croissance quand les affaires reprendront."
Le 4 mai déjà, Air Canada avait rendu publics des chiffres qui illustrent les fortes turbulences qui secouent le transporteur : des pertes de plus d’un milliard de dollars au premier trimestre de 2020. Et 22 millions de dollars de liquidités utilisés chaque jour en mars, 20 millions en avril.
« Carnage financier », « dislocation de l’industrie », « période la plus sombre de l’aviation commerciale », « impact cataclysmique de la pandémie sur notre industrie » : voilà comment le président et chef de la direction d’Air Canada, Calin Rovinescu, qualifiait la crise provoquée par l’épidémie pour les compagnies aériennes un peu partout sur la planète. La compagnie a pris différentes mesures pour rester à flot et maintenir une solvabilité mais le président Rovinescu se tourne vers le gouvernement canadien pour lui demander de l’aide, en faisant valoir que plusieurs pays européens et asiatiques ont mis en place des plans pour venir au secours de leur industrie aérienne.
Pour Air France-KLM, le gouvernement français a mis en place un plan de 7 milliards d’euros. Idem du côté des États-Unis : le gouvernement américain a mis à la disposition des compagnies américaines un fonds de près de 25 milliards de dollars.
Air Canada et les autres transporteurs canadiens ont deux programmes du gouvernement canadien à leur disposition pour traverser la crise : tout d’abord le plan offre des subventions pour payer 75% des salaires des employés d’une entreprise. Air Canada s’est prévalu de ce plan mais la compagnie vient d’annoncer qu’elle allait quand même licencier environ 20 000 de ses 38 000 employés début juin.
Le deuxième plan s’appelle le Crédit d’urgence pour les grands employeurs. Ce programme disponible pour les compagnies qui ont plus de 300 millions de dollars de revenus prévoit l’octroi de prêts d’au moins 60 millions, mais des prêts assortis de plusieurs conditions : l’entreprise doit être solvable, ne doit pas être en processus de restructuration, doit respecter les conventions collectives de ses employées, respecter leurs obligations envers leurs régimes de retraite et ne pas verser de dividendes prochaines à ses dirigeants.
Les entreprises qui ont été reconnues coupables de fraude fiscale seront exclues du programme également : « Pour contrer l’évitement fiscal et l’évasion fiscale, les entreprises devront partager avec nous leur structure financière complète lorsqu’elles présentent une demande pour obtenir du financement » a pris soin de préciser le premier ministre Justin Trudeau, et d’ajouter : « Je veux être clair. Il s'agit d'un financement de transition, pas d'un chèque en blanc » .
Enfin dernière condition : l’entreprise qui voudra se prévaloir de ce programme devra aussi présenter un plan environnemental de lutte notamment contre la pollution et les émissions de gaz à effet de serre.
Justin Trudeau ne nie pas la « situation extrêmement difficile » que vivent les compagnies aériennes et qu’elles font face à « un grand défi » : "On va travailler de près avec les compagnies comme Air Canada pour voir ce qu’on pourrait faire d’autre pour les appuyer », a déclaré le premier ministre canadien sans donner d’autres détails sur un possible plan spécifique pour les transporteurs aériens du pays.
Avant la crise, une importante transaction était en cours : Air Canada se portait acquéreur du transporteur québécois Air Transat. Le rachat doit maintenant être autorisé par le gouvernement canadien : « On attend une réponse d’ici le premier juin, maintenant avec cette pandémie, ce sera peut-être plus tard », estime Michel Archambault, professeur émérite en tourisme de l’Université du Québec à Montréal.
Est-ce qu’Air Canada aura encore les reins assez solides financièrement pour procéder au rachat ? Qu’en sera-t-il de la santé financière d’Air Transat également au sortir de cette crise ? Pour l’instant, rien ne filtre sur cette transaction qui offrirait à Air Canada un quasi monopole sur le marché canadien.
« Je pense qu’Air Canada est le transporteur qui devrait s’en sortir le mieux car la compagnie dispose de liquidités de près de 6 milliards de dollars, issues des profits réalisés au cours des trois dernières années », déclare Michel Archambault, qui souligne aussi que la compagnie a récemment décidé de se départir des plus vieux appareils de sa flotte, qui sont aussi les plus polluants - « une bonne décision pour l’environnement ».
L’enseignant estime que les plans d’aide des gouvernements aux compagnies aériennes doivent être liés aux actions prises par ces transporteurs pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, ce qu’a fait notamment le gouvernement français avec Air France. « C’est une opportunité à saisir pour les gouvernements » croit Michel Archambault.
Des vols ont été annulés par milliers depuis la mi-mars, mais les consommateurs canadiens n’ont pas été remboursés : les transporteurs leur ont plutôt offert un crédit voyage qu’ils pourront prendre au cours des 24 prochains mois. Les transporteurs affirment qu’en fonction de la charte des voyageurs en vigueur au Canada, ils n’ont pas d’obligation de rembourser leurs clients mais de leur offrir un crédit voyage.
Une décision qui soulève beaucoup de mécontentement chez les Canadiens qui auraient préféré un remboursement. Et comme les voyageurs ont un crédit-voyage, les assurances-voyage et les cartes de crédit qui offrent des assurances quand on paie un billet d’avion ne veulent pas indemniser leurs clients. Les Québécois sont les seuls Canadiens à pouvoir se faire rembourser si jamais ils sont passés par une agence de voyage accréditée par le gouvernement pour prendre leurs billets, via le Fonds d’indemnisation des clients d’agences de voyage. « On peut comprendre les transporteurs canadiens, ils essaient de sauver leurs liquidités car on ne connaît pas la durée la pandémie et c’est une crise mondiale. Ils veulent aussi assurer la fidélité de leur clientèle », souligne Michel Archambault.
Air Canada a réduit ses activités de plus de 85% : la compagnie assure encore des vols au sein même du Canada et quelques liaisons internationales, dont Paris, Bruxelles, Francfort et Londres, Hong Kong et Séoul et ce, jusqu’à la fin du mois de mai.
A compter de la troisième semaine de juin, le transporteur veut reprendre progressivement ses vols un peu partout dans le monde. A noter que tous les passagers d’Air Canada doivent maintenant porter un masque quand ils montent dans l’avion, la compagnie a aussi mis en place des protocoles d’hygiène pour assurer au maximum la sécurité de ses passagers et ses employés
Air Transat a annulé tous ses vols jusqu’au 30 juin
Westjet a annulé tous ses vols depuis le 22 mars dernier
Porter, qui assure principalement la liaison Toronto-Montréal, liaison la plus rentable au Canada, a suspendu tous ses vols jusqu’au 29 juin.