Fil d'Ariane
C’est le cas d’Olivier Miotto, coiffeur et propriétaire d’un salon de coiffure très couru dans le Vieux-Montréal au Québec. Il a fermé son commerce le 14 mars dernier après que le gouvernement québécois a lancé la consigne de distanciation physique d’un mètre entre chaque individu. « Cela voulait dire qu’on ne pouvait plus faire notre travail. On a décidé de fermer une semaine avant la décision de fermer tous les commerces », explique Olivier Miotto.
Il a donc dû licencier temporairement ses neuf employés et leur a offert de l’aide, via son cabinet comptable, pour les accompagner dans les demandes de chômage. Olivier a rapidement réagi pour assurer la survie de son salon : il a demandé au groupe immobilier propriétaire des locaux de faire preuve de souplesse pour le paiement du loyer. Et il s’est entendu avec le groupe L’Oréal, son principal fournisseur, pour différer les factures, à l’initiative de la compagnie.
Fermer son salon jusqu’au 1er mai en cette période de l’année qui, en général, est très occupée avec Pâques et l’arrivée du printemps représente une perte pour Olivier d’au moins 100 000 dollars canadiens.
C’est pour venir en aide à tous ces travailleurs et travailleuses qui viennent de perdre leur emploi, à cause de cette crise sanitaire, que le gouvernement canadien met en place un programme, la PCU, Prestation canadienne d’urgence.
Toute personne qui en fera la demande recevra 2000 dollars par mois au cours des quatre prochains mois. La plateforme pour remplir la demande sera opérationnelle à partir du 6 avril, et le chèque sera envoyé dans les dix jours suivant la demande.
Sera admissible toute personne qui a perdu son emploi à cause de l’épidémie (quel que soit son statut -salarié, contractuel, travailleur autonome), qui se retrouve sans salaire, qui est atteinte du coronavirus ou qui prend soin d’un proche malade.
Ce programme va remplacer les deux autres annoncés la semaine dernière par le gouvernement canadien. L’objectif est de simplifier le processus aux Canadiens pour recevoir une aide financière et d’accélérer l’envoi des chèques car là aussi, il y a urgence.
Au Canada, le paiement des loyers pour les locataires se fait les premiers de chaque mois. Nous sommes à la fin mars, et ils seront nombreux à ne pas pouvoir payer leur loyer le premier avril. Le gouvernement du Québec demande d’ailleurs aux propriétaires de faire preuve d’indulgence envers leurs locataires s’ils ont des difficultés financières.
Ce programme de Prestations canadiennes d’urgence fait partie du plan d’urgence de 107 milliards de dollars qui vient d’être adopté par le Parlement canadien pour venir en aide aux Canadiens et pour soutenir l’économie du pays en train de plonger en récession dans la foulée de cette crise sanitaire.
« Ce programme est super, notamment pour les travailleurs autonomes qui n’avaient pas accès au chômage » estime Olivier, qui va postuler personnellement dès que le portail d’accès sera mis en ligne.
Par contre, il est d’accord avec beaucoup d’entrepreneurs qui estiment qu’il aurait été plus rapide et plus simple que le gouvernement leur offre des subventions afin de les aider à payer les salaires de leurs employés. « Cela aurait allégé le système et cela nous aurait aussi permis de garder un lien important avec nos employés pour qu’ils restent attachés à l’entreprise, déclare Olivier. Mais le gouvernement réagit vite, réagit bien. Je leur tire mon chapeau ».
Le Premier ministre Justin Trudeau vient d'ailleurs d'annoncer des mesures spécifiques pour venir en aide aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) canadiennes : le gouvernement va financer 75% des salaires des employés des PME de manière rétroactive au 15 mars. L'objectif est d'aider ces entreprises à garder leurs employés durant cette crise.
Ce programme du gouvernement canadien tombe à pic pour les habitants du Québec et de l’Ontario, les deux plus grosses provinces du Canada, qui sont passées en mode "pause", littéralement, depuis le 25 mars.
Les gouvernements ont demandé aux entreprises et aux commerces considérés comme non-essentiels de fermer leurs portes jusqu’à la mi-avril. Une mesure supplémentaire pour augmenter le nombre de personnes en confinement et réduire au maximum le nombre de déplacements afin de contrôler la propagation du virus.
Ce sont donc des milliers de commerces et d’entreprises qui ont mis la clé sous la porte temporairement, comme le salon de coiffure d’Olivier. Et autant d’employés qui se retrouvent licenciés ou suspendus pour les prochaines semaines sans salaire pour la majorité d’entre eux.
Par contre, dans le secteur de l’alimentation, où les entreprises et les commerces restent ouverts, on manque sérieusement de main d’œuvre, notamment pour assurer les livraisons à domicile dont les demandes ont littéralement explosé.
Au Canada, aucun dirigeant ne se demande, comme le fait sans vergogne le président américain Donald Trump, si le remède sera pire que la maladie. Pour l’instant, ici, la priorité des priorités, c’est la santé de la population. Et offrir l’aide urgente pour soutenir financièrement ceux et celles qui en ont besoin. Il sera temps après, de prendre les mesures pour relancer l’économie.
Le Canada, avant l’arrivée de ce virus sur son territoire, disposait d’une économie en pleine santé, et d’un plein emploi – le taux de chômage était le plus bas depuis l’après-guerre. Qui plus est, le pays dispose d’un des systèmes financiers les plus en santé dans le monde. Autant d’avantages indéniables pour sortir de la récession dans laquelle ce virus aura plongé le monde entier.
Olivier essaie de rester positif et optimiste : son salon, qui accueille entre 6000 et 8000 clientes par an, devrait survivre. En 18 ans d'existence, il a développé une clientèle fidèle avec laquelle il a bien l’intention de rester en contact le plus possible via les réseaux sociaux au cours des prochaines semaines.
La semaine dernière, quand il était encore possible d’avoir une activité commerciale, en partenariat avec L’Oréal, il a préparé pour ses clientes des petits kits personnalisés de coloration, vendus 30 dollars. Elles pouvaient passer le chercher au salon ou alors livraison à domicile. « Cela a été super bien reçu par nos clientes », précise le coiffeur.
Olivier a même déjà commencé à penser à l’après : « On va redoubler d’énergie dans le travail, on va ouvrir sept jours sur sept, augmenter nos heures d’ouverture, on ne prendra pas de vacances cet été, il va falloir se retrousser les manches. On va essayer de récupérer le plus possible ce que l’on est en train de perdre. Cela va dépendre de combien de temps ça va durer, ça on ne le sait pas. Ce qui est sûr c’est qu’on ne pourra pas tenir longtemps ».
Olivier se compte chanceux d’être dans un secteur qui est un incontournable dans la vie de la majorité des gens : on a tous besoin d’aller chez le coiffeur à un moment ou à un autre. Il croit en revanche que cette crise va avoir un impact sur les salons de coiffure avec le développement du commerce en ligne - acheter des produits sur Internet versus dans les salons.
« Je suis curieux de voir comment toute cette crise va changer le comportement des gens et de nos clientes, comment va s’organiser la reprise, comment on va redéfinir nos besoins… Cela va chambouler énormément de choses pour tout le monde et pour le petit commerce, c’est sûr. C’est un dur moment à passer mais on va le passer tous ensemble », conclut Olivier.