Fil d'Ariane
Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais-les-Bains ne cache pas un certain soulagement. Ils ne sont plus là ces "‘troupeaux ‘ qui débarquent par bus entiers" dans sa commune. Le virus a chassé ces "excursionnistes venus passer une journée pour prendre un ‘selfie’ avec le mont Blanc". Et le maire ne veut plus de " ce touriste Instagram, égocentré et peu respectueux de l’environnement" et qui n'est que de passage. Sa commune étouffe. "Nous préférons avoir des gens qui viennent et qui restent une semaine. De fait, ils limitent leur empreinte carbone en espacant leurs déplacements. Ils font du tourisme et non pas de l’excursion"
Cette colère n’est pas isolée. On la retrouve sur de nombreux sites touristiques du continent européen, de Venise à Barcelone en passant par Amsterdam. Ce surtourisme s’est pourtant mis en pause pendant de longues semaines face à la pandémie. Une opportunité pour Hubert Vendevile, dirigeant de Betterfly Tourism, une société de conseil auprès des collectivités locales en France sur les enjeux touristiques.
"C’est effectivement le moment de nous interroger sur quel type de tourisme nous voulons. La pandémie a court-circuité ce tourisme de masse. Et ce type d'accident face au réchauffement climatique va se reproduire. La dune du Pilat est visitée par quelque 16 000 personnes par jour. On sait que le trait de côte en Nouvelle-Aquitaine face à la montée des mers est en train de se retirer. Les accidents sanitaires et écologiques peuvent se répéter", estime Hubert Vendeville.
Le modèle n’est pas soutenable économiquement selon ce spécialiste. « Une structure comme la Grande-Motte, conçue dans les années 60-70, ne gagne de l'argent qu’en ayant recours à des flux massifs d’estivants. Et sa saison reste très concentrée. Le parc immobilier, souvent vétuste et gourmand en énergie reste pratiquement vide durant une grande partie de l’année. Au moindre accident c’est une catastrophe économique", décrit Hubert Vendeville. La ville de la Grande-Motte estime son manque à gagner à quelque 6 millions d‘euros depuis le début du coronavirus.
« Il faut diversifier l’offre touritique, proproser autre chose qu’une simple mono-activité. Il faut donner la possibilité de développer l’arrière-pays du littoral. Il faut tenter d’étaler gégraphiquement et aussi dans le temps la gestion des flux de touristes», note Hubert Vendeville.
Erven Léon, maire de Perros-Guirec en Bretagne, abonde dans le même sens. Sa commune est situé sur le sentier des douaniers, fréquenté par quelques 900000 randonneurs par an. Durant l’été sa population passe de 7000 à 40 000 habitants. "Nous sommes un peu compressés, reconnaît le maire. Le sentier a été rouvert. Mais nous avons travaillé pour tenter de valoriser l’arrière-pays et d’autres axes de randonnées". L’élu espère que la peur sanitaire changera un peu les pratiques. "Les Français ont sans doute encore un peu peur des lieux où les gens se concentrent. Peut-être vont'ils rechercher à l'avenir des lieux plus reculés, plus paisibles ? Les Français vont-ils peut-être privilégier les grands espaces peu fréquentés ? Ce temps de confinement nous a fait changer notre rapport au temps et à la solitude », espère le maire de Perros-Guirrec.
Hubert Vendille croit surtout en une conscience écologique plus affirmée et la crise sanitaire va sans doute renforcer cette tendance selon ce professionnel du secteur. "Les gîtes se sont fortement développés. On veut privilégier un tourisme qui a du sens, plus responsable et qui a un impact positif sur les territoires qui sont près de chez soi. Par exemple, on estime que dans la région Bourgogne-Franche-Comté, un peu plus de 25% des restaurants vont faire faillite durant cette année. Faire du tourisme de proximité, c’est sans doute le meilleur moyen de sauver ces emplois", estime Hubert Vendille.
La Mayenne ne fera pas autant rêver qu'une excursion exotique.
Philippe Violier, géographe
L'année 2020, boom du tourisme de proximité ? Pour l'instant, nous ne disposons d'aucun retour et d'aucun chiffre sur les réservations effectuées pour l'été.
Une fois la pandémie jugulée, le géographe Philippe Violier, spécialiste des questions de tourisme, craint surtout une reprise des anciennes habitudes. « C’est vrai, ces dernières années on a constaté en Europe une prise de conscience des dérives du tourisme de masse notamment dans les pays scandinaves. Une partie de la population boude les compagnies à bas coûts qui proposent des week-ends dans différentes villes du continent à des prix très faibles. Mais cette tendance reste minoritaire. Maintenant, les vacances ne se résument pas à ce qu’elles sont. Elles constituent aussi un rite social, un affichage social. Je vois mal les Français et les Européens qui en ont les moyens renoncer à des voyages longs dans le monde », estime le géographe. La Mayenne ne fera pas autant rêver qu'une excursion exotique", conclut Philippe Violier.