Fil d'Ariane
"Sur les vingt dates que j'avais au mois de mars, j'ai eu le temps d'en faire cinq. Les quinze autres ont été annulées du jour au lendemain. Pour mai, les dix dates que j'avais ont été reportées à septembre. Je me retrouve sans rien jusqu'au mois de juin. Ca ne va pas me faire manger..." .
Pour Benjamin Rico, ingénieur son sur la tournée de Patrick Bruel, à cause du coronavirus, les mois de mars avril et mai riment avec chômage forcé. Une situation similaire pour la plupart des 274 000 intermittents du spectacle (chiffre Pôle Emploi sur l'année 2018).
Les annulations se multiplient, suite à l'abaissement du seuil d’interdiction de rassemblement de 5 000 à 1 000 personnes pour faire face à l'épidémie de Covid19.
Pour les plus petits évènements et les salles avec une jauge inférieure à 1000 personnes, le problème reste le même. "Le public annule. Il y a déjà cette peur panique. C'est un peu logique.", reconnaît Laure Desbre, intermittente, chanteuse accordéoniste d'un groupe de 5 à 15 musiciens.
"Nous avions une foire ce week-end et la préfecture a préféré annuler l’évènement, notamment car certains exposants venaient d’une zone à risque. Pour nous ça veut dire pas de travail et aucun recours, puisque c’est un arrêté préfectoral.", ajoute l'accordéoniste.
Pour les intermittents, techniciens employés dans les salles, la situation se résume à l'annulation, au report de tous leurs contrats ou au chômage partiel.
Nous avons besoin de faire nos heures pour conserver notre statut.
Laura Desbre, intermittente, chanteuse accordéoniste
Face à la précarité des artistes et techniciens du spectacle vivant, le régime de l'intermittence en France permet de payer le travailleur les jours où il n'a pas de contrat. Un avantage obtenu si le technicien ou l'artiste rassemble le nombre de cachets voulus par an. Cette année, ce qui inquiète tous les intermittents du spectacle, c'est de ne pas atteindre le nombre d'heures leur permettant de renouveler leur droits à l'assurance chômage.
"La difficulté, c’est que nous avons besoin de faire nos heures pour conserver notre statut. Pour certains intermittents, c’est à flux tendu, ils ont du mal à trouver du travail à l'année. Il y a des contrats, des compagnies, des gens qui sont sur des résidences. Tout cela va s’annuler. C’est catastrophique pour ces derniers."
Pour les salles et les prestataires qui emploient les techniciens, la période est compliquée aussi.
"Nous avons eu une réunion d'urgence le 2 mars. Pour les intermittents comme pour les prestataires techniques, la situation est déjà catastrophique ! ", explique Pascal Louet, secrétaire général du syndicat national des artistes chefs d'orchestre professionnels de variétés et arrangeurs (SNACOPVA CFE-CGC). " Les foires, les salons s'annulent. Des milliers de travailleurs sont concernés."
Comme après les attentats du Bataclan, qui avaient porté un coup au secteur du spectacle vivant dans la fréquentation des salles de concert et des festivals, les principaux syndicats d'intermittents du spectale espèrent du gouvernement la mise en place d'un fonds d'urgence.
Le groupe de protection sociale Audiens, spécialisé dans la culture, a déjà annoncé la possibilité d'aides sociales pour les artistes et techniciens en situation de précarité suite aux problèmes liés au Coronavirus Codi-19. Les demandes devront être faites dans la semaine du 16 mars.
Une pétition en ligne à l'adresse du ministre de la Culture a été lancée, pour demander le report du dépôt des dossiers attestant des heures effectuées et attribuant le statut d'intermittent.