Fil d'Ariane
L’Élysée a expliqué, ce mercredi 8 avril 2020, "consulter un grand nombre d'acteurs publics et privés, français, européens et internationaux, afin d'échanger avec eux sur les grands enjeux relatifs au Covid-19". Pour la présidence française, l’objectif est d’étudier toutes les hypothèses permettant un déconfinement de la population.
En France, la barre symbolique des 10 000 morts a été franchie. Dans certains départements, les services des réanimation sont saturés. Alors pour juguler cet afflux de patients, certains sont transportés par voie aérienne et par train dans d’autres régions moins frappées par l’épidémie de coronavirus.
En Europe, l’Hexagone est le quatrième foyer de contamination derrière l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Pour mettre un terme au confinement, les experts, notamment ceux du conseil scientifique, planchent sur différentes éventualités et le cas chinois est regardé de près.
Un déconfinement par région est étudié. "Il est important que nous soyons dans la phase de décroissance du nombre d'hospitalisations et d'admissions en secteur de soins intensifs avant de pouvoir raisonnablement envisager de sortir du confinement. Il est possible de procéder par territoire. Il faudra répartir les sorties en fonction des données épidémiologiques que nous pourrons obtenir", explique François Bricaire, infectiologue et membre de l’académie nationale de médecine.
Il est nécessaire d’effectuer des tests sanguins, de tester les sérums pour que nous puissions avoir une photographie de la quantité de personnes immunisées dans ces zones géographiques.
François Bricaire, infectiologue et membre de l’académie nationale de médecine
Les habitants des 22 régions métropolitaines françaises pourraient donc retrouver leur mobilité mais pas tous au même moment, pour garantir l’arrêt de la propagation du Covid-19.
"Il est nécessaire d’effectuer des tests sanguins, de tester les sérums pour que nous puissions avoir une photographie de la quantité de personnes immunisées dans ces zones géographiques. Je pense qu’il faudrait mettre en place des échantillonnages, pour regarder dans une population donnée, combien il y a de pourcentage de personnes protégées", souligne François Bricaire.
Au déconfinement par région, mis en avant par l’académie de médecine, François Bricaire y ajoute le critère de l’âge : "Les écoliers doivent pouvoir retourner à l’école tout comme les personnes nécessaires à l’Etat, c’est-à-dire les personnes de moins de 60 ans. Je suis favorable à un critère d’âge pour que les professions les plus nécessaires puissent être en mesure de reprendre une activité".
Pour le moment, l’exécutif consulte. Emmanuel Macron s’exprimera le lundi 13 avril 2020 à 20 heures. Le chef de l’Etat devrait annoncer une poursuite du confinement au-delà du 15 avril et préciser sa gestion de la crise selon les observateurs de la vie politique.
Le corps médical craint de devoir affronter une deuxième vague de l’épidémie une fois le retour à la normale. Pour l’éviter, le pouvoir compte utiliser tous les outils à sa portée.
Plusieurs élus locaux dont le maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) ont émis le souhait de rendre obligatoire le port du masque, même non homologué, pour enrayer l'épidémie. "Il n'y a pas de réponse binaire, pas de solution miracle. Les masques seuls ne peuvent juguler la pandémie de Covid-19", a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, à la tête de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Si le port du masque est largement répandu dans des pays asiatiques comme la Corée du Sud ou Singapour, l'État français souhaite baser sa décision sur des recommandations scientifiques : "Nous prendrons une décision pour l'éventuelle extension du port du masque dans toute la population dès lors que nous pourrons la bâtir sur un consensus scientifique", a indiqué la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye. Une instance médicale a déjà fait connaître son opinion. L'Académie nationale de médécine préconise le port du masque, même alternatif, pour tous les Français.
Le masque n'est pas le seul outil à disposition de l'exécutif : le traçage numérique communément appelé "tracking" fait l’objet de discussions au sein de la classe politique.
Cela consisterait à utiliser les données mobiles des Français pour connaître leurs déplacements et ainsi prévenir les personnes avec lesquelles un patient testé positif au coronavirus a été en contact. L'application disponible sur mobile pourrait être baptisée "Stop Covid". Cette méthode a été utilisée notamment en Corée du Sud.
Dans un contexte de pandémie, si cela est temporaire je pense que nous pouvons envisager le tracking.François Bricaire, infectiologue et membre de l’académie nationale de médecine
Devant la mission d’information de l’Assemblée nationale, le Premier ministre Edouard Philippe a tenté de rassurer les députés : "On pourrait peut-être -et je dis peut-être, car le débat n'est évidemment pas clos -, sur le fondement d'un engagement volontaire, utiliser ces méthodes pour mieux tracer la circulation du virus et les contacts (...) de chacun."
Du côté des scientifiques les avis sont partagés. "Il y a deux aspects. Est-ce efficace au niveau épidémique et sur la réduction du risque de contamination ? Si cela a un impact, j’y suis favorable tout en ayant une réflexion sur les libertés individuelles. Dans un contexte de pandémie, si cela est temporaire je pense que nous pouvons envisager le tracking", indique François Bricaire.
En plus du traçage numérique, le test sérologique - réputé plus efficace que le test nasal - est plébiscité par le corps médical. "Tester la population à grande échelle serait une bonne chose mais cela ne peut se faire que si les moyens matériels sont disponibles
et s’ils sont faciles à faire", ajoute François Bricaire (Edouard Philippe avait annoncé une hausse des équipements disponibles, ndlr).
A ce stade, le pouvoir exclut toute idée d’obtenir une immunité de groupe, car pour atteindre ce niveau il faudrait que 60 à 70% de la population ait été en contact avec le Covid-19. Or, selon une étude du Boston consulting group, seule 10% à 15% de la population française a été confrontée au virus.