Fil d'Ariane
Dès le 27 février, un des plus grands imprimeurs italiens, Grafica Veneta, a proposé ses services à sa région, la Vénétie, et à la région Lombardie. Fabio Franceschi, président du groupe, est particulièrement sensible à cette crise sanitaire.
Comme il l’explique au quotidien La Repubblica, il a souffert pendant cinq ans d’une grave maladie auto-immune : "Pour moi, qui ai frôlé la mort, il ne pouvait s'agir que d'un don. C'est une immense satisfaction de se sentir utile." Il a converti une de ses rotatives pour réaliser au moins deux millions de masques de protection individuels.
Grafica Veneta est l'un des plus importants acteurs du secteur de l'imprimerie en Europe. C’est sur leurs presses qu’ont été imprimées toutes les versions d’Harry Potter distribuées dans le monde. Ils ont ainsi produit depuis le 18 mars 2 millions de masques en non-tissé distribués gratuitement aux personnels médicaux.
L’Italie est devenue le deuxième centre de l’épidémie de Covid-19 et la majorité des cas est concentrée dans le nord du pays (données du ministère italien de la Santé), qui est aussi la région la plus industrialisée. Or, débordé par la rapidité de la contagion, le pays manque d’équipements de protection et de structures d’accueil.
A l’instar du groupe de luxe français, LVMH, propriétaire de Louis Vuitton, Dior et Fendi qui va consacrer sa branche Parfum et Cosmétique pour produire du gel hydroalcoolique, des industriels dans toute l’Italie se sont proposés pour fabriquer gratuitement des équipements sanitaires.
Les hôpitaux ont vite été débordés comme à Bergame et à Crema, près de Cremone. Le directeur de la santé pour la région Lombardie expliquait le 25 mars que «30 médecins russes seront envoyés à l’hôpital Jean XXIII de Bergame. Et dans les locaux de la Foire de Bergame, l’association des Alpini (troupes de montagne italiennes) de Lombardie ont mis en place un autre hôpital de campagne. » (cf : communiqué de la région Lombardie).
Outre les masques, l'Italie manque cruellement d'équipements de protection. Le gouvernement italien a lancé un appel aux industriels pour pallier ce manque. Nombreux ont répondu, du nord au sud de l’Italie.
Le couturier Armani a ainsi converti toutes ses unités de production de vêtements pour faire des blouses à usage unique. Le groupe a également donné 2 millions d'euros aux hôpitaux qui accueillent les malades de Covid-19.
Le président de la branche des industries de la mode, Confindustria Moda, Claudio Marenzi a reçu 200 candidatures d’entreprises prêtes à fabriquer masques, blouses, housses de protection en non tissé anti-goutte, waterproof et anti-bactérien (cf. FashionNetwork.com). Le PDG de la marque de vêtements Herno a lancé le mouvement en faisant produire dans ses établissements 10 000 blouses et 25 000 masques par mois.
Les groupes d’exposants, comme Fiera di Bergamo et Fiera di Milano, ont donc proposé de transformer leurs dizaines de milliers de mètres carrés de pavillons déserts en hôpitaux.
Moncler, célèbre marque de vêtements de sport créée à Grenoble en 1952 et relancée en 2003 par Remo Ruffini, a offert 10 millions d’euros pour la construction de l'hôpital de campagne de Milan.
Les artisans de la Foire des expositions construiront gratuitement les pavillons pouvant accueillir 400 lits, dans les halls 1 et 2 de la Fiera di Milano, situés à Viale Scarampo. Remo Ruffini, DG de Moncler, a rendu son initiative publique non pas à des fins publicitaires, explique-t-il au site d'information internet de l'industrie de la mode Fashionnetwork.it, mais pour appeler d’autres bonnes volontés.
L’ancien Premier Ministre Silvio Berlusconi lui a emboîté le pas, offrant 10 millions d’euros pour cet hôpital de campagne, suivi par la Fondation Invernizzi, le groupe d’hypermarchés Esselunga, la Fondation Veronesi, l’assureur Allianz et le producteur de systèmes d’oxygénation Sapio, implanté à Monza depuis 1923.
Bulgari, joaillier et parfumeur, marque appartenant au groupe LVMH, a converti son usine de fabrication de parfum de Lodi, située à une trentaine de kilomètre de Milan, zone particulièrement touchée par l'épidémie de Covid-19, pour produire du gel hydroalcoolique en masse.
Alors que la maison mère, basée à Rome, venait d'offrir un microscope 3D à l'Hôpital Spallanzani de Rome, le PDG Jean-Christophe Babin apprend que le personnel soignant manque de gel desinfectant. Cela lui a semblé invraisemblable : "Nous n'aurions jamais pensé qu'une chose aussi basique que du gel desinfectant pour les mains vienne à manquer. Et pourtant, comme vous avez pu le constater, l'urgence s'est répandue à travers toute l'Italie", disait-il au quotidien La Repubblica.
La fabrication de 6000 bouteilles de 75 ml de gel - par jour -a commencé jeudi 26 mars.
Il y a urgence, car face au manque de produits sanitaires et de mesures de protection, de nombreuses catégories professionnelles ont appelé à la grève mercredi 25 mars.
Malgré la proclamation du décret ordonnant la fermeture de toute activité non essentielle, des pans entiers de l’industrie italienne continuent à fonctionner.
Dans tout le nord de l’Italie les employés protestent et se mettent en grève. Les salariés du secteur commercial de la région Piémont ont même écrit une lettre ouverte aux journaux pour demander des équipements de protection, la fermeture les week-ends des hypermarchés, la présence de la police pour obliger les clients à respecter les normes de sécurité… « Nous sommes considérés comme des bêtes d’abattoir » disent-ils.
Les chantiers navals de Marghera près de Venise sont aussi en grève expliquant que la norme de distanciation sociale d’un mètre est impossible à respecter sur les chaînes de fabrication. Tous les travailleurs des entreprises métallurgiques de Lombardie ont lancé un appel à la grève mercredi 25 mars.
Les travailleurs du secteur bancaire eux aussi menacent de se mettre en grève. Dans quelques jours, les retraités vont se précipiter aux guichets pour toucher leur pension, alertent-ils et ils n’ont pas d’équipements de protection.
Les secrétaires généraux de tous les syndicats du secteur, First Cisl, Fisac Cgil, Uilca et Unisin ont envoyé une lettre aux journaux et au Premier Ministre Giuseppe Conte alertant sur le fait que « les employés de banques, parmi lesquels on répertorie de nombreux cas de Covid-19, travaillent sans les conditions de sécurité de base » et n’ont ni gants, ni masques, ni désinfectant.
Lueur d’espoir : ce lundi 30 mars, la progression du coronavirus en Italie poursuit son timide ralentissement, pour le troisième jour consécutif, selon le dernier bilan officiel qui fait état d'un nombre total de 10.779 morts (+756 en un jour) pour 97.689 cas.
Le nombre de décès se stabilise comme l’annonçait le 25 mars, le directeur de la Santé de la région Lombardie Giulio Gallera :« La pression sur les services d’urgence s’est réduite. Mais il ne faut pas relâcher nos efforts et nous devons rester confinés chez nous. » Chaque jour on comptabilise, dans la région Lombardie, environ 1 000 nouveaux cas positifs au Covid-19.