Fil d'Ariane
En début d'un weekend pascal confiné, le Premier ministre Giuseppe Conte a annoncé cette décision "difficile mais nécessaire dont j'assume toute la responsabilité politique", lors d'une allocution solennelle à la télévision vendredi 10 avril.
Les 60 millions d'Italiens ont écouté le chef du gouvernement leur annoncer la poursuite des mesures imposées depuis un mois: interdictions de rassemblements, atteintes drastiques à leur liberté de circuler, quasi-mise à l'arrêt de leur économie.
Depuis plusieurs jours, Giuseppe Conte est soumis à une double pression contradictoire.
Médecins et scientifiques l'appellent à ne pas faire repartir le pays trop tôt, au risque de relancer la pandémie alors qu'elle ralentit depuis une dizaine de jours dans le pays qui reste le plus endeuillé au monde (19.000 morts), selon les bilans officiels.
A contrario, les milieux d'affaires mettent en garde contre les dommages terribles que risque la troisième économie européenne. Ce dilemme est particulièrement fort pour le Nord, le plus touché par le Covid-19, avec 80% des décès, mais qui est aussi le poumon économique de l'Italie (45% du PIB).
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Si Lombardie, Emilie-Romagne, Vénétie et Piémont "ne repartent pas à court terme, le pays risque d'éteindre définitivement son moteur", ont prévenu cette semaine des responsables du patronat (Confindustria) dans ces régions. Ils ont exigé "une feuille de route pour une réouverture ordonnée et en toute sécurité du coeur économique du pays".
Celle dessinée vendredi par Giuseppe Conte risque de ne pas leur convenir. "Je sais que nous sommes tous impatients de repartir" et "j'espère qu'on pourra le faire après le 3 mai avec prudence et de façon graduelle", a déclaré le responsable, qui n'a pas détaillé cette hypothétique reprise.
Il n'a par exemple pas évoqué la réouverture des écoles qui, selon les médias, ne serait pas envisagée avant septembre. Quelques rares secteurs - les librairies, les papeteries, les commerces pour les nouveaux-nés et l'exploitation forestière - pourront toutefois reprendre mardi.
"Nous ne pouvons nous permettre une reprise de la contagion" et "si on abandonne maintenant, on risque (...) de devoir repartir de zéro", a-t-il prévenu.
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Considérables, les conséquences de cet arrêt prolongé sont difficiles à mesurer exactement.
L'agence de notation Moody's prévoit pour le moment un recul de 2,7% du PIB italien en 2020, tandis que la banque américaine Goldman Sachs table sur une chute abyssale de 11,6%. La Confindustria s'attend à un recul de 6%, à condition toutefois que la machine reparte effectivement en mai.
"Les dernières prévisions du FMI parlaient d'une baisse du PIB de 7% en 2020, très proche de celle de l'Allemagne (-6,8%), les deux chiffres les plus mauvais en Europe. Ces deux pays ont une spécialisation très élevée dans le secteur industriel, et sont donc les plus touchés", a dit vendredi à des journalistes Andrea Boitani, professeur de macroéconomie à l'Université catholique du Sacré Coeur à Milan. Selon lui, il faut donc "faire tout ce qui est possible" pour éviter des faillites et relancer l'économie, alors même que le pays avait déjà une croissance faible avant la crise.
A cet égard, Giuseppe Conte a répété que les mesures décidées par l'Union européenne, notamment un fonds de 500 milliards d'euros, n'étaient pas à la hauteur du défi. "Notre principale bataille sera d'obtenir un fond financé par des Eurobond" a-t-il expliqué, "parce qu'il est nécessaire qu'il y ait une puissance de feu proportionelle" au défi inédit auquel doit faire face l'Union Européenne. "Ce fond doit être disponible immédiatement" a précisé le Premier ministre. Les pays du Nord, notamment l'Allemagne et les Pays-Bas, ont refusé ce compromis.
Rome a annoncé mi-mars une enveloppe de 25 milliards d'euros pour aider les Italiens à pallier leurs pertes de revenus et pour soutenir l'économie.
Le Premier ministre a aussi débloqué un total de 750 milliards d'euros de liquidités pour les entreprises et des garanties publiques pour les prêts contractés par les sociétés.