Coronavirus : la France est-elle prête à faire face ?

Les cas de coronavirus recensés en Italie augmentent et deux nouvelles régions sont touchées, la Toscane et la Sicile. Ce mardi 25 février, le ministre français de la Santé, Olivier Véran, a souligné que les frontières ne seraient pas fermées. A Rome, il a rencontré ses homologues suisse, autrichien, slovène et croate, des pays frontaliers avec l’Italie, pour définir «des lignes d'action communes ». De quels moyens dispose-t-on en France pour faire face à cette urgence ?
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Bayonne
Hôpital de Bayonne, le 10 décembre 2019 (AP Photo/Bob Edme)
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L'Italie est confrontée à 283 cas déclarés ce mardi, dont 212 en Lombardie, dans le nord du pays. C'est une des raisons pour lesquelles les ministres des pays frontaliers se sont réunis à Rome. Tous les pays voisins de l'Italie «se sont engagés à garder ouvertes leurs frontières car les fermer serait une erreur et disproportionné», a annoncé le ministre de la Santé italien Roberto Speranza. En France, les services de santé s'organisent.
 

L'organisation

Le ministère français de la Santé coordonne la réponse à l’épidémie via deux instances : l’agence « Santé publique France » et le COREB, la mission nationale de Coordination Opérationelle Risque Epidémique et Biologique. En juin 2019, le dispositif de réponse du système de santé, ORSAN avait été mis à jour pour inclure un volet dédié aux épidémies, et qui s’appelle désormais le plan ORSAN REB (pour risque épidémique et biologique). Le plan ORSAN REB a donc été déclenché ce mardi dans les agences régionales de Santé (ARS) et les 38 établissements de santé (pour la pluspart des Centres hospitaliers universitaires) habilités COvid-19. Ce mardi 25 février le ministre français de la Santé a annoncé que la compétence était désormais étendue à 70 hôpitaux.

Les cas suspects sont signalés par le SAMU Centre-15 qui est au cœur du dispositif de réponse.  Ce sont les services d'urgences qui ensuite sont chargés de poser les bonnes questions pour immédiatement aiguiller le patient vers les services compétents.
 

Les mesures de prévention

Le ministre français de la Santé, Olivier Véran, interviewé sur la radio RTL, souligne qu'en l’état actuel des choses, il n’y a pas de raisons médicales d'interdire les grands rassemblements comme cela s’est fait en Italie.

Un dispositif d’alerte a été mis en place afin de repérer toute personne provenant des zones à risques comme l'Italie. 

Le ministère de l'Education a écrit aux rectorats pour recommander que les élèves revenant de Chine, de Singapour, de Corée du Sud et d'Italie, touchés par le nouveau coronavirus, restent chez eux durant 14 jours suivant leur retour. Mais l'information n'a pu parvenir que tardivement dans certains établissements. La mise en oeuvre de cette directive pose aussi quelques problèmes aux parents qui ne savent comment gérer la quarantaine d'un enfant, qui revenait d'un voyage scolaire en Italie, sans perturber la scolarité de ses frères et soeurs...

Pour le ministre Véran, il n’y a pas de raison de fermer les frontières. « Nous sommes dans l’espace Schengen » et il n’y a pas de raisons médicales d’empêcher l’entrée en France de personnes provenant d’Italie. Il fait remarquer que les voyageurs peuvent en tous les cas contourner la frontière avec l’Italie et passer par l’Espagne ou la Suisse. C'est la conclusion à laquelle sont arrivés tous les ministres de la Santé réunis à Rome en ce moment. Le ministre italien de la Santé, Roberto Speranza, l'a répété à la conférence de presse : «les virus se jouent des frontières géographiques ou administratives.»
 

En Suisse, aucun cas de coronavirus n’a été décelé.

Le pays a réactivé les mesures mises en place à l’occasion du SRAS. "Tout est fait pour séparer les patients dès l’entrée à l’hôpital" expliquait ce mardi sur la radio RTS le directeur du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) de Lausanne, Philippe Eckert.

Le Dr Karim Boubaker, médecin du canton de Vaud, toujours interrogé par nos confrères de la RTS expliquait qu’il serait illusoire de penser que l’on peut empêcher le virus de franchir la frontière :  "c'est pour ça que toutes nos mesures - actuellement - sont des mesures qui permettent d'identifier rapidement des cas, comme le font les Italiens […]. Et à partir de là, les isoler, les mettre en quarantaine pour certaines personnes. "


Les moyens

L’agence Santé publique France met à jour les zones d’expositions à risques. Afin de mieux repérer les cas suspects, le nombre de laboratoires équipés en tests diagnostiques ont été augmentés afin de pouvoir réaliser jusqu’à 1000 analyses par jour. Le nombre d’hôpitaux mobilisés pour accueillir les personnes atteintes est passé de 38 à 70. 

Et c’est là où, peut-être, la situation peut inquiéter. Le professeur Jérôme Salomon, Directeur général de la Santé, a adressé lundi 24 février un courrier à tous les médecins urgentistes de France. Dans le cas d'une épidémie, il estime que le nombre de patients à prendre en charge serait très important.

« D’après les données dont nous disposons actuellement, l’incidence des cas est maximale chez les personnes de plus de 50 ans avec 14% de formes sévères et 5% de formes graves nécessitant une hospitalisation. Dans ce cadre, les estimations du nombre de patients à prendre en charge en réanimation serait très supérieures aux épidémies de grippe saisonnière les plus sévères que nous avons connues jusque-là. Il convient donc qu’une stratégie soit identifiée au plus vite dans chaque établissement de santé pour organiser la prise en charge de ces patients. »

Par comparaison, l’épidémie de grippe de 2018-2019, qui avait débuté en janvier et atteint son pic au cours de la première semaine de février, et s'est terminée fin février, soit 8 semaines, a été d’intensité modérée. Elle s’est caractérisée « par un nombre élevé d'hospitalisations après recours aux urgences pour syndrome grippal (>10 700) et de cas graves admis en réanimation (>1 800). » Selon les chiffres de l'agence Santé Publique France, il y a eu en tout 8 100 décès. 75% des décès concernait des patients âgés de plus de 75 ans.  

Le ministre de la Santé affirme que les hôpitaux sont prêts. Or la situation est très fragile. Les services d’urgence sont en grève depuis 11 mois : 216 services d’urgence sur 713 partout en France. Dès cet été les principaux acteurs des services d’urgence ont exprimé leur inquiétude.

Re(voir) : Hugo Huon, infirmier du "Collectif inter-urgences"

François Braun, médecin urgentiste à Metz et patron de Samu-Urgences France le disait au quotidien français  Le Parisien : « Les équipes sont à bout, épuisées sans perspective d’avenir. La crise est profonde. Si nous n'avançons pas collectivement, l'hiver, avec ou sans grippe, sera une catastrophe. Il faut maintenant des signaux forts, objectifs, concrets. »

Le risque d'une épidémie ne fait que rendre plus criants les problèmes que vivent les hôpitaux en France.

Quoi faire en cas de rassemblements ?

Le match Olympique de Lyon contre la Juventus de Turin se déroulera comme prévu ce mercredi. Les maires de Meyzieu et Décines-Charpieu (où se situe le stade de l'Olympique lyonnais) ont demandé aux autorités d'interdire la venue des 3000 supporters du club turinois.

La Juventus, de son côté, assure qu' «aucune restriction particulière n'est prévue pour les tifosi bianconeri» et que ses fans pourront assister «sans problème» à la rencontre, alors qu'elle jouera à huis clos son prochain match de Championnat d'Italie à domicile, dimanche contre l'Inter, pour éviter tout risque de propagation. 

Le président du club lyonnais, Jean-Michel Aulas s'est voulu rassurant « ... les supporteurs italiens seront dans un espace qui n'est pas en contact avec les autres spectateurs.»  Le ministre français de la Santé a rajouté «La région du Piémont n'est pas considérée comme une région à risque par la France donc il n'y a pas lieu d'annuler le match OL-Juve» .