Coronavirus : le Québec sous couvre-feu comme thérapie de choc

La pause décrétée par le gouvernement québécois durant le temps des fêtes pour tenter de reprendre le contrôle de l’épidémie n’a pas eu les effets escomptés. Depuis le 18 décembre, sans relâche, le nombre de contaminations quotidiennes au Covid-19 dans la province a dépassé les 2000 cas, et s’approche maintenant des 3000 cas par jour. Le gouvernement québécois n’a donc d’autre choix que de replonger le Québec dans un nouveau confinement jusqu’au 8 février.
Image
frontière Quebec
Entre le Québec (Canada) et le Vermont (Etats-Unis), frontière fermée et distanciation sociale de rigueur, 12 décembre 2020. (AP)
Partager6 minutes de lecture
« On a besoin d’un traitement-choc » a déclaré le premier ministre François Legault lors de la conférence de presse pour présenter ces nouvelles mesures. Et la mesure phare de cet électrochoc, c’est l’imposition d’un couvre-feu entre 20h et 5h du matin, du jamais vu dans la province. « La situation est critique et elle a empiré ces dernières semaines, je dois prendre des décisions qui sont difficiles pour protéger les personnes les plus vulnérables et notre réseau de la santé, a déclaré François Legault (…) Pourquoi, avec tous les efforts qu’on a faits dans les deux dernières semaines, il y a autant de nouveaux cas à chaque jour ? La réponse, c’est que ça s’est passé – les contaminations - dans les maisons. Face à ce constat, on est obligé d’annoncer un traitement de choc pour réduire les visites dans les maisons, donc un couvre-feu de 20h à 5h du matin, sauf pour un déplacement essentiel, du 9 janvier jusqu’au 8 février ».

Un couvre-feu nocturne de 20h à 5h

Le gouvernement estime donc que ce couvre-feu va permettre de limiter les contacts sociaux et donc de réduire la contamination communautaire. Les amendes pour ceux qui ne respecteront pas ce couvre-feu varieront de 1000 à 6000 dollars, sauf s’il s’agit d’une urgence sanitaire, d’un déplacement lié à une raison humanitaire ou pour aller au travail.

Le premier ministre a aussi annoncé le maintien de la fermeture de tous les commerces non-essentiels jusqu’au 8 février – ils avaient déjà fermé leurs portes le 24 décembre. Ces commerces pourront toutefois continuer à servir leur clientèle via un service de cueillette à leurs portes. Les commerces essentiels comme les épiceries devront fermer leurs portes à 19h30 pour respecter le couvre-feu.

Ce qu’on demande aux Québécois, c’est de rester à la maison, sauf si on doit aller travailler ou aller à l’épicerie. Il est important de faire un effort encore pour les quatre prochaines semaines pour sauver des vies et sauver notre système de santé.

François Legault, premier ministre  québécois

Le premier ministre québécois estime que les prochains mois seront critiques, et que le Québec n’a malheureusement pas encore gagné cette course contre la montre qu’est la lutte contre le virus. « On est au pire de la bataille pour les prochains mois » a conclu François Legault qui dit compter sur tous les Québécois pour la remporter.

Eviter une catastrophe sanitaire

Par contre, le gouvernement québécois maintient sa priorité de garder les écoles ouvertes. Dans le primaire, elles vont rouvrir leurs portes, tel que convenu, le 11 janvier. Dans le secondaire, ce sera le 18 janvier, soit une semaine après ce qui était prévu. Le port du masque sera obligatoire pour tous les jeunes de plus de 10 ans.

Le télétravail reste obligatoire, les centres de conditionnement physique, les restaurants, les bars, les musées, les théâtres et les cinémas restent fermés jusqu’au 8 février. Le gouvernement autorise par contre la poursuite des tournages des films et des séries télévisées.

Le réseau de santé québécois est au bord de la rupture, les soins intensifs débordent, les hôpitaux doivent délester leurs opérations courantes pour faire de la place aux patients Covid : le gouvernement québécois n’avait pas d’autre choix que de renforcer les mesures sanitaires pour éviter une catastrophe sanitaire.

L’urgentiste d’un hôpital montréalais racontait à un quotidien canadien que sur les neuf personnes qu’il avait admises aux soins intensifs ces derniers jours, sept ont reconnu avoir participé à des rassemblements durant le temps des fêtes. Il semble bien, en effet, qu’une minorité de Québécois aient bravé les interdictions de rassemblements. Un sondage Léger révélait même que la moitié des Québécois avaient triché durant le temps des fêtes et que ce sont surtout des jeunes de moins de 35 ans qui n’ont pas respecté les consignes. Le résultat, lui, il est là : le virus continue sa progression au sein de la population. Le virus, lui, il n’a pas pris de vacances et il continue à contaminer partout où il passe, les jeunes comme les non jeunes. Et donc une majorité de Québécois se disent actuellement qu’ils paient pour le comportement irresponsable d’une minorité.

Des vacances dans le sud insupportables

Et pour cause, pendant les fêtes, des milliers de Québécois ont sauté dans un avion pour aller passer des vacances dans le sud, Cuba, Mexique, République dominicaine et autres destinations au soleil dans les Caraïbes, et ce, alors que le gouvernement canadien maintient depuis mars son avis de ne pas voyager sauf pour des motifs essentiels. Ces vacances dans le sud ont indigné de très nombreux Québécois, qui eux, sont restés tranquillement chez eux dans le respect des consignes sanitaires, pendant que les médecins et les infirmières, eux, ne pouvaient justement pas prendre de vacances pour pouvoir continuer à soigner les malades du Covid.

Une journaliste montréalaise a suivi incognito plusieurs de ces vacanciers dans leur destination au Mexique, elle a rapporté que les mesures barrières de base, le lavage de main, la distanciation physique et le port du masque, étaient très peu suivis par les touristes dans l’hôtel où elle se trouvait. Peut-être que ce n’était pas le cas dans d’autres destinations touristiques, mais toujours est-il que ces voyages dans le sud, s’ils n’étaient pas illégaux en soi, étaient pour le moins totalement amoraux dans les circonstances.

(Re)voir >>> Coronavirus au Québec : un nouveau confinement après Noël

Ces voyageurs ont pris le risque d’être contaminé par le virus au terme de cette semaine de vacances et de le ramener au pays. Si toute personne qui est allée à l’étranger doit s’astreindre à une quarantaine stricte de 14 jours à son retour au Canada, mais comment s’assurer que ces voyageurs vont la respecter scrupuleusement ? Et, cerise sur le gâteau déjà bien indigeste, on a appris que ces vacanciers pouvaient profiter d’un programme d’aide fédérale qui verse 500 dollars par semaine à quiconque doit faire une quarantaine et qui ne peut bénéficier d’un salaire au cours de ces deux semaines. De quoi susciter la colère de nombre de personnes ! Le gouvernement de Justin Trudeau a rapidement réagi en précisant début janvier que ces vacanciers seront exclus de ce programme. Et à compter du 7 janvier, quiconque rentre au Canada de l’étranger devra produire la preuve d’un test négatif au Covid dans les jours précédents son arrivée. Le gouvernement canadien a aussi promis de faire tout en son pouvoir pour s’assurer que les vacanciers vont respecter leur quarantaine.

Une campagne de vaccination au rythme encore lent

Depuis la mi-décembre, près de 40 000 Québécois ont été vaccinés contre le Covid-19, soit environ 6000 personnes par jour, un rythme de vaccination que beaucoup jugent trop lent. Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, n’a pas caché son impatience lui aussi à ce sujet. Le gouvernement du Québec rétorque qu’il est capable de vacciner 250 000 personnes par semaine mais qu’il manque de doses pour ce faire, il se tourne donc vers le gouvernement canadien qui est responsable de distribuer les vaccins aux provinces. Le gouvernement de François Legault assure qu’il va vacciner 250 000 Québécois d’ici la fin de ce confinement, le 8 février. Cette campagne de vaccination est la seule petite lueur qui clignote au bout du long tunnel que va être cet hiver dans la Belle Province.