Après un week-end en Italie, notre journaliste Pierre Desorgues a bien malgré lui été placé en quarantaine. A quoi ressemble sa vie quotidienne ? Que fait-il de ses journées ? Il nous narre ses difficultés au jour le jour dans des billets enlevés dont il a le secret. Attention ! Reportage subjectif... Épisode 1.
C’était un vendredi soir, un 21 février. A la Scala de Milan. On joue
Il Trovatore, "Le Troubadour" de Verdi. La cantatrice, prend son courage à deux mains et se lance. Mais elle n’est pas en forme ce soir. Sa voix ne porte pas. "
Trop de Prosecco", me lance goguenard mon voisin de loge. Les sifflets montent. Certains crient. Comme au stade. "
A casa !" "
A la maison !" A la maison, justement votre serviteur y est depuis plus de 3 jours. Cloîtré, embastillé, mis en quarantaine, pardon en "quatorzaine". J’y reviendrai...
Mais quelle idée d’être allé à Milan ! Fini de faire le troubadour ! Fini les visites du Duomo ! Peur sur la ville ! La Castafiore ne nous casse plus les oreilles mais elle tousse et elle tousse fort ! Alerte au coronavirus ! Milan s’est éteinte en quelques heures. Et ce dimanche, il faut vite prendre le premier train. Sur Rai Uno, on annonce un train bloqué à la frontière autrichienne pour cause de cas suspects. Premier bus de nuit, direction Milano Garibaldi. Ouf ! Le train part. A bord, il y a nos amis de la fashion week, mines fatiguées, cheveux en bataille, de toutes les couleurs. Ont-ils fait la fête ? Non, ils sont déçus ! Giorgio ne les a pas laissé rentrer. Pas de défilé Armani en public ! Et donc, pas de champagne, pas de rires forcés, pas de conversations superficielles… Milan n’est vraiment plus Milan.
Certains portent un masque. Peut-être le font-ils pour être tendance ? Ils en sont capables... Mais pourquoi n’ai-je pas pris de masque ? Quel inconscient ! J’ai chaud. C’est peut-être la fièvre. Ca y est, j’ai attrapé ce virus au nom qui fait penser à une marque de bière. Mais non !!!! Calme toi !!!!! Enfin, je suis arrivé en Gare de Lyon, à Paris, avec mes amis victimes de la mode. On va prendre notre température, c’est sûr ! En tous cas moi, ça me rassurerait. Rien ! Niente ! Comme on dit à Milan ! Pas de blouse blanche pour m’accueillir !
Le lendemain matin, direction TV5MONDE. Je prends le métro, la ligne 11. Quel contraste avec la ligne due de Milan. Personne ne porte de masque. On tousse, on se mouche, on éternue sans mettre sa main. Paris sera toujours Paris ! Ils sont inconscients ! S'il n’y a pas une pandémie après cela… J'en suis là de mes réflexions quand je pense subitement à jeudi dernier. Avant de quitter le travail, en vrai fanfaron, j’avais annoncé à mes collègues, mes escapades lyriques milanaises.
Le téléphone vibre. Un appel de Lucie, ma cheffe du web. "Pierre tu ne peux pas venir. Il faut que tu te mettes en télétravail". Kesako ? Je sors du métro. J’appelle mon employeur. Le verdict tombe : mise en quarantaine. En "quatorzaine", pour être précis, le nouveau mot à la mode ! 14 jours à l’isolement. Au pain sec et à l’eau ? Heureusement non. Il me reste du salami à la truffe de Lombardie. En espérant qu’il ne soit pas contaminé...