Fil d'Ariane
Sa venue n'a été dévoilée qu'à la dernière minute. Annick Girardin, la ministre des Outre-mer a effectué une visite-éclair dans l'océan Indien. Elle est arrivée ce mardi 19 mai à Mamoudzou à Mayotte.
Atterrissage à #Mayotte où je démarre une visite officielle pour 2 jours. J'apporte avec moi 6,5 tonnes de fret sanitaire, 1 automate de test, 9 respirateurs. Ce déplacement est placé sous le signe de la protection sanitaire, il ne faut pas baisser la garde face au Covid-19. pic.twitter.com/67GTvwATfG
— Annick Girardin (@AnnickGirardin) May 19, 2020
La ministre n'est pas arrivée les mains vides. Dans ce territoire d'Outre-mer, classé en zone rouge à cause de la pandémie, son vol a permis l'acheminement de 850 000 masques commandés par le département, des respirateurs et une machine de tests supplémentaires. Soit un total de six tonnes de matériel et de 15 personnes de la réserve sanitaire.
"Je suis venue pour être aux côtés de ceux qui se battent en première ligne depuis le premier jour, puisque la moitié des cas des territoires ultramarins sont ici à Mayotte", a déclaré à son arrivée Mme Girardin pour expliquer ce déplacement surprise de deux jours.
Un déplacement surprise qui n'est pas du goût de tous. Même les autorités locales ont été informées in extremis de cette arrivée. Il faut rappeler que le contexte social est particulièrement tendu sur place. Mayotte est d'abord un immense désert médical, avec 18 médecins de ville pour les 279 000 habitants officiellement recensés. En manque de matériel, le Centre hospitalier de Mayotte (CHM), l'hôpital de Mamoudzou, est dépassé par l'afflux et la question de l'hospitalisation à domicile (HAD) se pose au sein du milieu médical. L'armée a monté un hôpital militaire devant le CHM pour le dépistage. L'agence régionale de santé (ARS), dirigée par l'ancienne ministre Dominique Voynet, évoque une "augmentation des capacités hospitalières" depuis le début de la crise mais a aussi demandé et obtenu la mise à disposition provisoire d'un avion sanitaire spécialement dédié à l'acheminement à la Réunion de patients du Covid-19 notamment.
La question de l'immigration est aussi un défi majeur puisque sur place près d'un habitant sur deux est de nationalité étrangère. Mayotte subit une très forte immigration clandestine issue quasi exclusivement des Comores voisines. En 2019, 27.421 reconduites à la frontière y ont été effectuées. Mais l’Union des Comores, qui revendique la souveraineté sur Mayotte depuis 1975, bloque ces reconduites en refusant d'accueillir des clandestins expulsés par la France. La crise du Covid-19 a amplifié le processus, puisque les autorités comoriennes, moins touchées par la pandémie, réclament un mécanisme sanitaire de précaution avant de reprendre leurs ressortissants.
La France a indiqué ce mercredi 20 mai 2020 la mise en place de ces "garanties sanitaires", selon Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères. Paris demande donc aux Comores de reprendre les réadmissions de clandestins dans les plus brefs délais. Ce passif historique de Mayotte, avec l'archipel des Comores (voir Repères) alimente régulièrement les tensions entre les deux pays mais aussi au sein de la population.
La situation migratoire est telle que Mayotte connaît un statut dérogatoire concernant le droit du sol. Depuis, le 1er mars 2019, le bébé né sur l'île doit, au jour de sa naissance, avoir un de ses parents présent de manière constante à Mayotte depuis plus de trois mois, pour bénéficier d'un accès à la citoyenneté française.
Depuis le lundi 18 mai 2020, les petits commerces ont rouvert sur ordre du préfet.
Certains acteurs locaux pointent les contradictions d'une telle réouverture, alors que la courbe épidémique est toujours en progression. Interrogée sur ce point la ministre des Outre-mer a indiqué sur la chaîne publique Mayotte la 1ère que "On va être franc. Le confinement ici, il n'existe plus depuis des semaines" indique-t-elle. Autrement dit, autant acter une situation de fait. La ministre a, par ailleurs, rappelé que mécaniquement il n'y aura plus de verbalisation pour une violation d'un confinement qui n'est plus réellement effectif.
Dans ces conditions, Annick Girardin a pointé la nécessité impérieuse de porter des masques. Parmi les 850 000 masques commandés par le département et arrivés avec l'avion de la ministre, 600 000 sont alloués à l’Agence régionale de santé. Toutes ces mesures s'inscrivent dans le plan sanitaire détaillé, ce lundi 18 mai par le préfet Jean-François Colombet. Il entend, par exemple, mettre en place des "équipes mobiles de protection" qui accompagneront cet allègement du confinement.
Des brigades éparpillées sur toute l'île qui offriront masques et gel hydroalcoolique à la population.
À Mayotte, 82% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et pour une large part dans des quartiers appelés communément "bidonvilles". Le confinement était difficile rappelle la directrice de l'ARS, Dominique Voynet. En cause, l'urbanisme et le climat. L'île traverse actuellement sa saison sèche, avec chaleur persistante et des pluies inexistantes.
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Par ailleurs, le couvre-feu est maintenu et les bars et restaurants restent, pour l'instant, fermés.
Lundi 25 mai, le Préfet a publié un arrêté actant la réouverture des lieux de culte (qui coïncide avec la fin du Ramadan), mais aussi celle des établissement scolaires, des plages et des activités nautiques. Un retour à l'activité qui se fait à condition que les mesures d'hygiène élémentaire et de distantations sociales soient suivies à la lettre. Les syndicats d’enseignants restent sceptiques, et certains d'entre eux envisagent d'user de leur droit de retrait.
Mayotte comptait ce mardi 26 mai 2020, 1.634 cas déclarés (pour un total de plus de 2.650 cas dans l'ensemble des Outre-mer), 58 hospitalisations (dont 11 en réanimation) et 20 décès. La dernière victime du Covid-19 était un évacué sanitaire vers la Réunion. Un homme âgé de 82 ans, hospitalisé au CHU de Saint-Denis dans le service de réanimation depuis une dizaine de jours.
En plus du Covid-19, Mayotte connaît une épidémie de dengue, maladie transmise par les moustiques. 3 684 cas confirmés. 753 passages aux urgences et 16 décès. Des chiffres de l'ARS arrêtés au 6 mai 2020.