Fil d'Ariane
Jane Goodall, la primatologue britannique, comme tout le monde, est confinée chez elle. Elle se trouve dans sa maison de famille à Londres, et non en Tanzanie où elle réside habituellement.
La Dre Goodall a transformé la vision que le monde avait des chimpanzés en observant ces primates, dans leur milieu naturel en Afrique, il y a soixante ans, alors qu'elle n’avait même pas de diplôme universitaire, dans ce qui est devenu le Centre de recherche de Gombe stream en Tanzanie.
Elle a ensuite pris fait et cause pour les chimpanzés en captivité, se battant pour qu’ils ne soient plus utilisés dans les laboratoires. Aujourd’hui, le Jane Goodall Institute soutient la recherche initiée à Gombe stream ainsi que d’autres programmes de développement en matière d’éducation et d’écologie.
La primatologue est extrêmement préoccupée des effets économiques que ce confinement va avoir sur les populations les plus pauvres comme elle l’expliquait à un journaliste du New York Times récemment. « Aux Etats-Unis, une partie de la population peut avoir accès au chômage ou à de l’aide sociale. Mais prenez la Tanzanie par exemple. Les gens qui travaillent dans les bars, ou des restaurants, ou en vendant de la nourriture sur des petits étals dans la rue – tout ce qui est interdit maintenant. Comment vont-ils faire pour vivre ? »
Pour la sortie d'un nouveau documentaire sur sa vie, ce 22 avril, « Jane, un message d'espoir » sur la chaîne National Geographic, elle a répondu aux questions de l'Agence France-Presse sur les effets de la pandémie de coronavirus.
La bande-annonce du documentaire :
C'est notre mépris pour la nature et notre manque de respect pour les animaux avec lesquels nous devrions partager la planète qui ont causé cette pandémie, qui avait été prédite de longue date. Car à mesure que nous détruisons, par exemple la forêt, les différentes espèces d'animaux qui l'habitent sont poussées en proximité forcée et des maladies passent d'un animal à un autre, et un de ces animaux, rapproché par force des humains, va probablement les infecter.
Ce sont aussi les animaux sauvages chassés, vendus sur des marchés en Afrique ou en Asie, notamment en Chine, et nos élevages intensifs où nous parquons cruellement des milliards d'animaux, ce sont ces conditions qui donnent l'occasion aux virus de faire le saut entre les espèces vers les humains.
C'est une très bonne chose que la Chine ait fermé les marchés d'animaux vivants. C'est une interdiction temporaire dont nous espérons qu'elle deviendra permanente et que d'autres pays asiatiques vont suivre.
Mais en Afrique il sera très difficile de stopper la vente de viande de brousse, car tant de gens en dépendent pour leur subsistance. Il faudra penser très attentivement à comment faire, car on ne peut empêcher quelqu'un de faire quelque chose quand il n'a absolument pas d'argent pour vivre ou faire vivre sa famille. Mais que cette pandémie nous apprenne au moins quoi faire pour en éviter une prochaine.
Nous devons comprendre que nous faisons partie du monde naturel, que nous en dépendons, et qu'en le détruisant, en fait, nous volons l'avenir de nos enfants. J'espère qu'en raison de cette riposte sans précédent, ces confinements partout dans le monde, plus de gens vont se réveiller, commencer à penser des façons dont ils pourraient vivre différemment leurs vies.
Tout le monde peut avoir un impact chaque jour, si vous pensez aux conséquences des petits choix que vous faites. Pensez à ce que vous mangez, d'où ça vient. Si ça a causé de la cruauté envers les animaux, si ça provient d'une agriculture intensive, ce qui est le cas en général. Est-ce que c'est bon marché grâce à du travail forcé d'enfants ? Est-ce que sa production a nui à l'environnement ? Combien de kilomètres a-t-il fallu le faire voyager ? Avez-vous pensé à marcher au lieu de prendre la voiture ? Comment pourriez-vous lutter contre la pauvreté ?