Coronavirus : quel ramadan cette année ?

Pas de rassemblements pour les grands repas de rupture du jeûne, pas de prière nocturne à la mosquée, pas de voyages dans les villes saintes, pas même de réunions entre amis jusque tard dans la nuit... Le ramadan, qui commence ce 24 ou ce 25 avril dans certains pays, est inédit cette année en raison de la pandémie de Covid-19. Tour d'horizon. 
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Un bénévole applique du désinfectant dans une  mosquée de Peshawar au Pakistan ce 22 avril.
AP Photo/Muhammad Sajjad
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Rassemblements et festivités interdits

 
  • Les trois lieux saints de l'Islam
C'est le premier lieu saint de l'Islam. La Grande mosquée de la Mecque est totalement vide. L'Arabie saoudite a mis en place un confinement strict. Le pays qui abrite les deux villes saintes de l'Islam, La Mecque et Médine, s'apprète à vivre un ramadan marqué par la pandémie. 

Même chose à Jérusalem, qui abrite la mosquée d'Al-Aqsa, troisième lieu saint de l'islam, le Grand mufti, Mohammad Hussein, a annoncé des restrictions concernant la prière pendant le ramadan. Il n'y aura donc pas de rassemblement sur l'esplanade des mosquées de Jérusalem. 

Le ramadan est un des cinq piliers de l'Islam. Durant ce mois saint, les croyants sont invités à s'abstenir de boire, de manger et d'avoir des relations sexuelles, de l'aube jusqu'au coucher du soleil. La rupture du jeûne, au coucher du soleil, est un temps collectif où l'on prie et se rassemble avec ses proches.

Les autorités religieuses saoudiennes ont donc interdit toute forme de rassemblement pour les grands repas de rupture du jeûne (iftar). Les rassemblements pour la prière nocturne à la mosquée (tarawih) sont également interdits, tout comme les réunions entre amis, tard dans la nuit.


Pour endiguer la propagation du nouveau coronavirus, les autorités saoudiennes ont aussi suspendu le petit pèlerinage musulman, la Omra, à La Mecque et Médine.

Lire : Coronavirus : l'Arabie saoudite suspend la Omra jusqu'à nouvel ordre.

À voir : Coronavirus en Arabie saoudite : silence, on ne tourne plus [L'œil de Slimane]

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  • L'Égypte

Les autorités religieuses et gouvernementales de plusieurs pays au Moyen-Orient, comme l'Égypte, ont elles aussi mis en place des restrictions: elles insistent sur la nécessité de prier à la maison et d'éviter les rassemblements. Les rassemblements religieux sont interdits.

L'interdiction s'applique aussi à l'isolement d'Itikaf (retraite spirituelle), lorsque les fidèles passent les dix derniers jours du mois dans des mosquées pour prier et méditer. Les iftars publics (repas interrompant le jeûne) sont interdits, ce qui risque de provoquer des tensions. En règle générale, des iftars de masse sont pour les plus pauvres. En Egypte, près d'un tiers de la population vit avec moins de 2 dollars par jour

  • Couvre-feu raccourci en Tunisie

Le chef du gouvernement tunisien, Elyes Fakhfakh, a annoncé, lors d'une interview accordée ce dimanche 19 avril à la chaîne de télévision Al-Watania, que les horaires du couvre-feu seront révisés durant le ramadan.

Il commence désormais à 20 heures au lieu de 18 heures et ceci pour permettre aux Tunisiens de préparer la rupture du jeûne. Les rassemblements restent interdits.

  • Déplacements interdits au Sénégal

Au Sénégal, le ramadan est traditionnellement une période de réunions et de déplacements entre l'intérieur du pays et Dakar, au bord de l'Atlantique. Les mouvements de population entre les villes ont été proscrits par les autorités.

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Des musulmans prient en respectant une disatnce de sécurité entre eux d'au moins un mètre dans cette moquée de Karachi au Pakistan, ce 22 avril
Ap/Fhared Khan.

Ramadan et Covid-19 : quelles recommandations ?


La majorité des autorités religieuses et des pays suivent  les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) publiées sur le site de l'Organisation des Nations unies. L'agence onusienne demande aux pays "d'empêcher un grand nombre de personnes de se rassembler dans des lieux associés aux activités du ramadan, tels que les lieux de divertissement, les marchés et les magasins".
 

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Des Algérois, ce 21 avril, font des courses sur ce marché d'Alger en perspective du ramadan, 
AP/Toufik Doudou

Le ramadan, période de consommation pour les ménages en Iran

Le mois de jeûne est en effet généralement une période de forte consommation des ménages notamment au Moyen-Orient pour fêter chaque soir la rupture du jeune. Le ramadan est aussi un enjeu économique et il est difficile de  trancher pour certains pays.

L'Iran, pays du Moyen-Orient le plus touché par la pandémie, a récemment autorisé certaines entreprises à rouvrir leurs portes, afin de ne pas fragiliser davantage une économie déjà plombée par les sanctions américaines.

Selon les chiffres officiels, le Covid-19 a tué plus de 5.000 personnes sur plus de 80.000 personnes infectées en Iran. Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a appelé cependant les fidèles à éviter tout rassemblement durant le ramadan sans pour autant "négliger la prière, la supplication et l'humilité dans notre solitude".

  • Recommandations autour du jeûne
L'Organisation mondiale de la santé ne veut pas empêcher les fidèles  "en bonne santé" de jeûner "comme les années précédentes". Les patients atteints du Covid-19 sont en revanche appelés à consulter leur médecin concernant la pratique du jeûne "comme ils le feraient pour toute autre maladie", estime l'organisation onusienne.

Des autorités religieuses musulmanes ont assoupli les obligations du ramadan face à la crise sanitaire. Chez les chiites, en Iran, l'ayatollah Khamenei a publié ce samedi 19 avril une fatwa (décret religieux) autorisant à ne pas jeûner pendant le mois sacré si un "pieux médecin" estime que cela risque de rendre vulnérable à la maladie, d'aggraver l'état d'un patient ou de prolonger sa convalescence.

Dans ce cas, il conviendra de jeûner "à un autre moment", est-il ajouté dans le texte. Chez les sunnites, par exemple, l'association des oulémas (théologiens) d'Algérie, dispense de jeûne les médecins qui pourraient être exposés à la maladie.

Voir aussi : l'Algérie se prépare à un ramadan difficile :
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  • Le Conseil français du culte musulman (CFCM)
En France, où l'on compte 5 à 6 millions de musulmans selon l'Agence France-presse (AFP), le Conseil français du culte musulman demande aux fidèles en pleine période de confinement, et ce jusqu'au 11 mai de prier chez eux. 

"Le CFCM appelle les responsables musulmans à maintenir les mosquées fermées et incite les fidèles à accomplir leurs prières chez eux, jusqu’à nouvel ordre. C’est la seule attitude responsable et conforme aux principes et aux valeurs de notre religion dans ce contexte d’épidémie », déclare l'autorité religieuse dans une note du 12 avril sur le site du Conseil français du culte musulman.
 

Distribuer des repas aux plus pauvres autrement


Les autorités religieuses musulmanes continuent leurs traditionnels appels à la charité, l'un des cinq piliers de l'islam. Le ramadan est une période de charité. Mais cette charité devrait prendre d'autres formes.

En France, la dimension caritative du ramadan se fait souvent à travers la distribution gratuite dans des centres des repas aux plus démunis par les associations.
Cette distribution va évoluer. Le Secours islamique France, par exemple, au lieu de repas offerts lors de "tables du ramadan", va mettre en place des maraudes alimentaires auprès de sans domicile fixe et des distributions de colis-repas en région parisienne.
 

Ramadan en Asie, la résistance des religieux


Le monde musulman va donc vivre un mois de ramadan inédit. En Asie, où se trouve la majorité des fidèles musulmans, les autorités religieuses résistent. Les imams au Bangladesh se sont levés contre la volonté du gouvernement de limiter l'affluence des mosquées. 

Au Pakistan, le gouvernement d'Imran Khan a autorisé l'ouverture des mosquées mais en demandant que les fidèles observent une distance sociale de sécurité entre eux. Les salles de prières sont également désinfectées quotidiennement.


En Indonésie, premier pays musulman au monde, où des millions de personnes se rendent dans leurs villes et villages natals après le ramadan, le gouvernement a finalement banni ce 21 avril ces mouvements de population, par crainte d'une explosion des cas de Covid-19.

Des chercheurs de l'université d'Indonésie ont estimé que ce phénomène aurait pu entraîner un million d'infections dans la seule île de Java, densément peuplée, pour 200.000 décès.