Fil d'Ariane
Or, dans la nature une chauve-souris a très peu de chances d'être au contact prolongé d'un pangolin - qui est un animal solitaire - ou de tout autre mammifère consommé par l'homme. Pour Alexandre Hassanin, chercheur au Muséum national d'Histoire naturelle, "c’est forcément lié au trafic illégal d’animaux vivants car si on met en contact des animaux qui dans la nature ne le sont pas, ils échangent leurs maladies. Et on laisse potentiellement les virus évoluer de façon atypique." C'est pourquoi dans le cas du SARS-CoV-2 "tout porte à croire que l'origine soit le marché de Wuhan", rappelle-t-il. "Dans un marché, dans les véhicules qui transportent les animaux braconnés, les différentes espèces s’échangent librement des maladies".
Avec ce nouveau coronavirus, on en apprend tous les jours. Pour le professeur Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique sur le Covid-19, entendu mercredi 15 avril par la commission des lois du Sénat français, "ce virus est une vacherie. C'est un virus qui, contrairement à ce qu'on dit, a des petites mutations quasi permanentes et elles sont extrêmement fréquentes. Mais il n'y a pas de mutation majeure. C'est plutôt un point positif pour la recherche d'un médicament et un vaccin", dit-il.
"C'est un virus qui, contrairement à ce qu'on dit, a des petites mutations quasi permanentes et elles sont extrêmement fréquentes. Mais il n'y a pas de mutation majeure. C'est plutôt un point positif pour un médicament et un vaccin", dit le professeur Delfraissy.#DirectAN pic.twitter.com/OykDmf77Je
— LCP (@LCP) April 15, 2020
Les coronavirus sont des virus complexes qui ont la particularité de "muter beaucoup", confirme Frédéric Tangy, spécialiste des vaccins à l'Institut Pasteur. Ceci rend plus ardue la mise au point d'un vaccin ciblé, explique-t-il à l'Agence France-Presse.
Alors, concrètement, que sait-on sur ce virus ? En quelques semaines la science a progressé "à la vitesse de l'éclair", a rappelé Florence Ader, infectiologue au centre hospitalier universitaire de Lyon, lors du point presse du Premier ministre français, Edouard Philippe, le 19 avril. "On connaît la structure du virus, ce qui lui permet de s'attaquer aux cellules et c'est très important car c'est sa porte d'entrée" dans le corps humain, explique celle qui est chargée de piloter le projet "Discovery" en France, un essai clinique européen coordonné en France par l'Inserm. "Ça nous a pris quatre mois pour apprendre tout ce que l’on sait", a-t-elle souligné, en comparant notamment avec la recherche sur le VIH-Sida, qui a pris plusieurs années.
L'essai clinique "Discovery" a été lancé le 22 mars. Il est destiné à évaluer parallèlement quatre traitements expérimentaux contre le Covid-19. Un essai qui inclut "au moins 800 patients français atteints de formes sévères du Covid-19", précise l'Inserm.
"Discovery" est mené dans plusieurs autres pays européens en plus de la France. La Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne ou l'Espagne y participent également. "La grande force de cet essai est son caractère "adaptatif". Cela signifie que très rapidement les traitements expérimentaux inefficaces pourront être abandonnés et remplacés par d’autres molécules qui émergeront de la recherche. Nous pourrons donc réagir en temps réel, en cohérence avec les données scientifiques les plus récentes, afin de mettre en évidence le meilleur traitement pour nos malades », explique Florence Ader.
Au total, plus de 30 études et essais visant à développer des traitements contre le Covid-19 ont été lancés en France, sur un total de 860 dans le monde, comme l'a souligné l'infectiologue lors de la conférence de presse du 19 avril.
Par ailleurs, selon elle, on compte dans le monde 150 projets visant à développer un vaccin contre le coronavirus, dont un en France, mené par l'Institut Pasteur et "dont les essais chez l'homme vont commencer d'ici cet été".
L'Institut Pasteur, qui a séquencé le virus, s'est lancé dans la recherche des anticorps capables de neutraliser le SARS-CoV-2. Frédéric Tangy estime d'ailleurs qu'un vaccin pourrait arriver "à la fin de l'automne ou au début de l'hiver".
Ouvrir la voie au développement d’un traitement et d’un #vaccin contre le #COVID19 grâce à l’utilisation d’anticorps : tel est l’objectif du laboratoire Immunologie humorale (@institutpasteur / @Inserm).https://t.co/BpTQHVmFcE
— Institut Pasteur (@institutpasteur) April 16, 2020
Pourquoi les vaccins sont-ils l'enjeu central de la lutte anti-coronavirus?
"La mise au point et la distribution d'un vaccin sûr et efficace va être nécessaire pour interrompre totalement la transmission", a estimé le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lundi 13 avril. Les scientifiques espèrent pouvoir y parvenir à l'horizon 2021-2022. En attendant, il va falloir adapter notre quotidien et trouver des alternatives aux mesures de confinement et de distanciations sociales coûteuses et difficiles à faire respecter sur la durée.